Appel à communications pour le colloque
Créer et incarner des créatures fantastiques
organisé par Anne Besson et Audrey Tuaillon Demésy
18 et 19 février 2022,
dans le cadre du Festival Atrebatia, Arras
La littérature contemporaine n’est pas avare de créations de mondes imaginaires. Popularisés grâce à J. R. R. Tolkien et le Seigneur des Anneaux, les mondes « secondaires » sont devenus des espaces et des temps que le lecteur explore à l’envi et dans lesquels il peut s’immerger. Que l’ancrage soit plutôt celui de la fantasy (Game of Thrones, Orcs, etc.) ou celui de la science-fiction (Altered Carbon, Dune, Black-out, etc.), l’univers fictionnel forme un lieu à parcourir, en suivant les aventures des protagonistes. Mais les « genres de l’imaginaire » (Besson, 2015) dépassent le cadre littéraire et se déclinent aussi selon d’autres formes de loisirs, notamment les jeux de rôle (Shadowrun, Donjons & Dragons, etc.), les jeux vidéo (The Last of Us, The Witcher) ou ceux de plateau (Net Runner, La Guerre de l’Anneau, etc.).
Au-delà, cette exploration ludique s’exporte en dehors du cadre purement fictionnel : la création et l’incarnation de personnages fantastiques devient un autre moyen de voyager au sein d’univers alternatifs. Ainsi, le monde imaginaire peut être « mis en vie » et devient sensible par le biais de pratiques corporelles puisque certaines activités ludiques consistent à fabriquer et expérimenter l’altérité fantastique.
Diverses formes de loisirs peuvent entrer dans cette catégorie. Le bodypainting, par exemple, est une forme d’art visant à métamorphoser le corps – grâce à une peinture corporelle – et à évoquer, entre autres, des créatures imaginaires (fées, naïades, etc.). Dans cette même logique, le cosplay est une manière de « jouer costumé » des personnages de fiction, issus aussi bien de romans, de comics ou de mangas que de jeux vidéo. Dans cette continuité, le jeu de rôle Grandeur nature (GN) est un autre moyen de créer des personnages imaginaires : scénarisées, ces rencontres de GN sont aussi des moments permettant de se métamorphoser en elfe, en troll ou en vampire. D’autres loisirs peuvent cibler plus spécifiquement certains peuples de fiction. Ainsi en est-il de la pratique du mermaiding qui consiste à fabriquer sa queue de sirène et à l’utiliser en immersion aquatique ou des zombies walks qui sont, quant à elles, des occasions de se déguiser en mort-vivant et d’adopter leur démarche si caractéristique. Enfin, les orcs forment aussi une catégorie à incarner à part entière (Blanc, 2018).
Certaines de ces activités sont plus ou moins exigeantes physiquement ou artistiquement, mais ce qui les caractérise avant tout est une forte dimension Do it yourself (Hein, 2012). En effet, la mise en vie de ces diverses créatures imaginaires induit nécessairement une phase de création personnelle. Dès lors, ces loisirs mettent l’accent sur la nécessité de faire soi-même, dans une démarche qui se veut participative. Par ailleurs, l’action collective (Willis, 1990) forme un élément central de ces activités, qui sont portées par des communautés d’acteurs et forment des sous-cultures dans le champ des loisirs (Hebdige, 2008). Un style de vie ‒ ou lifestyle (Wheaton, 2004) ‒ définit souvent ces pratiques qui réclament un fort investissement temporel, voire économique.
Loin de n’être qu’une forme de « réenchantement du monde » (Maffessoli, 2007), il s’agit plutôt ici d’appréhender ces formes ludiques comme des espaces d’expression de loisirs alternatifs (Tuaillon Demésy, 2017). Sans être en rupture avec des pratiques davantage mainstream, ces activités mettent l’accent sur l’imaginaire, le « bricolage » (Certeau, 1990) et tendent à se construire en parallèle – voire en opposition – des loisirs plus « traditionnels ». En effet, de nouvelles manières de faire, ainsi que des valeurs d’autonomie et d’indépendance, transparaissent dans ces pratiques, concourant à créer un « monde de sens » (Goffman, 1961) qui leur soit spécifique.
Plus spécifiquement, la question se pose donc de savoir comment l’imaginaire des mondes « secondaires » permet la création et l’incarnation de créatures fantastiques. Que traduisent ces activités ludiques de l’appropriation des mondes fictionnels ? Plus encore, en tant qu’ensemble de représentations symboliques, l’imaginaire est aussi bien un cadre de référence instituant qu’une dynamique favorisant le passage de la consommation à la création (Tuaillon Demésy et Haissat, 2019). Dès lors, comment l’imaginaire devient-il performatif, conduisant à la mise en vie de créatures fictives ? Les axes proposés pour ce colloque sont multiples : il peut s’agir de questionner l’imaginaire et ses impacts sur le monde des loisirs corporels, mais aussi de montrer en quoi la culture de la participation produit d’autres manières de faire et d’autres cadres ludiques. Les études de cas sont aussi les bienvenues en ce qu’elles permettent de mieux comprendre les modes de fonctionnement de ces loisirs alternatifs et les modalités de mises en vie de fictions.
Ces réflexions doivent être abordées selon un angle pluridisciplinaire. Les propositions de communication pourront ainsi relever du champ des sciences humaines et sociales (sociologie, ethnologie, histoire, sciences de l’information et de la communication, etc.) mais aussi du domaine de la littérature, des études visuelles ou cinématographiques, etc.
*
Bibliographie :
Besson A. (2015), Constellations. Des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, Paris, CNRS Éd.
Blanc W. (2018), « Voir la vie en Vert. Une histoire des orques dans la fantasy et les jeux de rôle », Jeu de rôle magazine, n° 42, pp. 22-31.
Certeau, M. de. (1990), L’invention du quotidien, Paris, Gallimard.
Goffman E. (1961), Encounters: two Studies in the Sociology of Interaction, Harmondsworth, Penguin Books.
Hebdige D. (2008), Sous-culture, le sens du style, trad. fr., Paris, Zones (1re éd. : 1979).
Hein F. (2012), Do it yourself ! Autodétermination et culture punk, Neuvy-en-Champagne, Le Passager clandestin.
Maffessoli M. (2007), Le réenchantement du monde. Une éthique pour notre temps, Paris, La Table ronde.
Tuaillon Demésy A. (2017), « Le quidditch moldu. De l’imaginaire à la réalité », Questions de communication, n° 31, pp. 393-413.
Tuaillon Demésy A. et Haissat S. (2019), « Quels usages aujourd’hui de la notion d’imaginaire ? », Carnet hypothèses.org Mundus Fabula, mars, en ligne : https://mf.hypotheses.org/933.
Wheaton B. (dir.) (2004), Understanding Lifestyle Sport: Consumption, Identity and Difference, Londres, Routledge.
Willis P. (1990), Common Culture. Symbolic Work at Play in the Everyday Cultures of the Young, Milton Keynes, Open University Press.
*
Modalités de soumission :
Les propositions de communication (environ 2 000 signes et 5 mots-clés) ainsi qu’une courte biographie seront à faire parvenir au format .odt ou .docx à audrey.tuaillon-demesy@univ-fcomte.fr et anne.besson@univ-artois.fr pour le 30 septembre 2021 au plus tard.
*
Présentation du cadre des rencontres et du festival :
Ce colloque est piloté conjointement par l’ANR Aiôn (Socio-anthropologie de l’imaginaire du temps. Le cas des loisirs alternatifs[1]) et le laboratoire Textes et Cultures (UR 4028) de l’Université d’Artois, en partenariat avec le festival Atrebatia - Escales imaginaires[2]. Il se déroulera le 18 février à l’Université d’Artois et le 19 février dans le cadre du festival.
Festival des cultures de l’imaginaire, cousin nordiste d’événements tels que Les Imaginales d’Epinal, Atrebatia est organisé depuis 2015 et réunit chaque année plus de 150 créateurs et artistes autour de medium diversifiés (artisanat, spectacle vivant, performance, littérature, archéologie, arts plastiques, illustration, photographie, …). Ainsi présentés au public (20 000 visiteurs), ces supports articulés en cohérence autour de la thématique des légendes et de la fantasy créent un ensemble fortement apprécié de visiteurs à la fois éclairés (et souvent costumés), ainsi que de personnes plus locales découvrant cet univers spécifique. Le programme du festival s’organise traditionnellement autour d’un marché artisanal, d’une série de rencontres et de conférences, d’impromptus artistiques ou de spectacles à part entière ainsi que d’un large salon littéraire. Le beffroi d’Arras, patrimoine mondial de l’UNESCO, le pôle culturel Saint Vaast et l’hôtel de Guînes accueillent ces festivités dans un contexte patrimonial enchanteur, propice à la rencontre et à la découverte.
À présent organisé sous forme de biennale, le festival souhaite consolider son rayonnement et la qualité de ses propositions, notamment au travers d’une démarche scientifique accrue, terreau favorable de déploiement du colloque.
*
Comité scientifique :
Anne Besson (Université d’Artois)
William Blanc (Chercheur indépendant)
Justine Breton (Université de Reims)
Noémie Budin (Université de Lorraine)
Laurent Di Filippo (Université de Lorraine)
Sébastien Haissat (Université de Franche-Comté)
Audrey Tuaillon Demésy (Université de Franche-Comté)
*
Comité d’organisation :
Anne Besson (Université d’Artois)
William Blanc (Chercheur indépendant)
Romain Plichon (Responsable du festival Atrebetia)
Audrey Tuaillon Demésy (Université de Franche-Comté)
*
Calendrier prévisionnel :
30 septembre 2021 : réception des propositions
Courant octobre : évaluation des propositions par le comité scientifique
Courant novembre : réponse aux contributeurs
18-19 février 2022 : colloque en présentiel.