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Appels à contributions

"Les écrivains lecteurs de Sand - II (20e siècle)" (Cahiers George Sand n°44, septembre 2022)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Olivier Bara)

Appel à contributions

 "Les écrivains lecteurs de Sand - II (20e siècle)" (Cahiers George Sand n°44, septembre 2022)

 En 2020, le 42e numéro des Cahiers George Sand, préparé par Agnese Silvestri, était consacré aux « écrivains lecteurs de Sand », de Marie d’Agoult à Marcel Proust, de la France à l’Amérique et à la Russie en passant par la Belgique. Délaissant les questions d’héritage littéraire, les enjeux de filiation ou la notion d’influence cultivés par une certaine histoire littéraire, le volume collectif s’intéressait aux dialogues ouverts à distance, aux innutritions secrètement cultivées, aux détestations trop affirmées pour n’être pas ambiguës, aux partages imaginaires et aux connivences esthétiques. Le numéro 44 des Cahiers George Sand entend prolonger ces réflexions par un second volume collectif, centré cette fois sur le XXe siècle, ouvert au XXIe siècle comme aux littératures étrangères.   La place accordée à l’œuvre de George Sand à l’orée du XXe siècle et surtout dans l’entre-deux-guerres ne saurait être comparée à la position dominante, bien que contestée, qui était la sienne à la fin de la carrière de la romancière ou juste après sa mort. On peine à trouver son nom sous la plume des grands auteurs. On sait pourtant que Gide fut troublé par la métamorphose de Gribouille plus que par « nulle page d’Aphrodite », et que Jaurès partageait avec Barrès sa passion des romans de Sand. Mais l’histoire littéraire mise au service de l’école républicaine a déjà opéré ses tris et isole les romans dits « champêtres » pour mieux effacer les autres ouvrages. Elle est secondée par l’édition, désorientée par la dimension et la variété d’une œuvre que Sand n’a pas eu le temps de réordonner comme elle le souhaitait avant sa disparition. La curiosité biographique pour les amants de Venise ou les voyageurs de Majorque tend à remplacer l’interprétation des œuvres et à limiter leur portée. Les positions politiques adoptées par Sand au terme de son existence, face à la Commune en particulier, tout comme son socialisme qualifié d’« utopique » par le marxisme lui aliènent une partie de la gauche. D’autres camps idéologiques lui reprochent d’avoir écrit des romans « à thèse » sous l’influence de Pierre Leroux, et d’appartenir à un romantisme « cosmopolite » réputé « anti-national » ou débilitant pour le « corps » de la nation. Pèsent sur ces exclusions ou ces incompréhensions les jugements critiques formulés de son vivant par Baudelaire ou Barbey d’Aurevilly, mais aussi ceux, plus proches, de Nietzsche et de Jules Renard. Pèse aussi l’invention rétrospective d’une « modernité » littéraire identifiée à l’œuvre réputée intransitive de Flaubert, opposée à la transitivité de romans péchant, selon la vulgate instituée, par idéalisme et sentimentalisme, « féminité » oblige. Les figures de proue de l’antiféminisme de l’entre-deux-guerres, comme Théodore Joran, la prennent d’ailleurs volontiers pour cible. Des années 1920 aux années 1950, l’œuvre de Sand connaît donc une forme de purgatoire. Contribuent à l’en sortir la biographie de Magdeleine Paz (La Vie d’un grand homme : George Sand) et surtout celle d’André Maurois (Lélia ou la vie de George Sand) avant les travaux éditoriaux ou scientifiques de Georges Lubin (l’édition de la Correspondance chez Garnier et des Œuvres autobiographiques en Pléiade). Il faut encore attendre cinquante ans, des années 1970 au début de 2020, pour voir les romans de Sand intronisés dans la Pléiade ou consacrés par le programme de l’agrégation de Lettres (Mauprat). Entre-temps, le bicentenaire de la naissance de Sand en 2004 a intensifié de façon remarquable les recherches universitaires – engageant une relecture de l’œuvre de la part du public, et peut-être de ce public particulier que forment les écrivains et les écrivaines.

Dans cette histoire de la réception sandienne au XXe siècle, ici tracée à gros traits, dominent des moments particuliers, du premier centenaire en 1904 au cinquantenaire de la mort en 1926, année d’une nouvelle édition augmentée des Amants de Venise de Maurras. Edmond Jaloux consacre alors plusieurs articles à Sand – Jaloux à qui Jean Cassou dédie ses Nuits de Musset en 1930, réponse au classicisme nationaliste d’Action française. Mais ce sont surtout les rencontres singulières, parfois discrètes, entre des écrivains ou écrivaines et l’œuvre de Sand qui assurent à cette dernière une survie par le partage des imaginaires, des sources philosophiques (Rousseau chez Jean Guéhenno), des expériences d’écriture. Celles-ci peuvent concerner la forme du roman de musicien (Jean-Christophe de Romain Rolland), du drame rural (le théâtre de Jean Giono), du roman dialogué (dont le Jean Barois de Roger Martin du Gard constitue un jalon important), du roman de voyage (Henri de Régnier), du roman régionaliste ou de la littérature dite de terroir (de Maurice Genevoix à Serge Camaille en passant par Henri Pourrat), mais aussi la littérature prolétarienne d’Henry Poulaille à Michel Ragon en passant par Émile Guillaumin. Des écrivaines nourrissent sans doute une relation plus complexe à George Sand, modèle et contre-modèle, miroir et repoussoir. Ici encore, les dialogues singuliers d’œuvre(s) à œuvre(s) l’emportent, d’Anna de Noailles à Virginia Woolf, en passant par Colette, Gertrude Stein (qui nomme une des narratrices de Trois vies en référence à Sand), Edith Wharton (qui fait un pèlerinage à Nohant et partage ses impressions avec Henry James), Mary Webb ou Willa Cather (dont Mon Antonia semble faire référence au roman de Sand) – la question complexe de la place de Sand dans les féminismes des XXe et XXIe siècles sera mise à part, laissée pour un autre numéro des Cahiers Sand. Enfin, les noms ici énumérés invitent à ouvrir l’étude aux écrivains étrangers, d’Allemagne (Heinrich Mann), de Suisse (Ramuz), des États-Unis (Upton Sinclair), du Royaume-Uni (Aldous Huxley) ou encore d’Espagne (Llorenç Villalonga).  
 
Les propositions, sous forme d’un titre et d’un résumé d’une vingtaine de lignes, sont à envoyer avant le 15 avril 2021 à bara.olivier@wanadoo.fr et alexbuffet@orange.fr

Une fois les propositions acceptées, les articles (30000 signes, espaces comprises) seront à remettre le 1er mai 2022.