Essai
Nouvelle parution
Y. Dedet, Le spectateur zéro. Conversations sur le montage

Y. Dedet, Le spectateur zéro. Conversations sur le montage

Publié le par Université de Lausanne

Le Spectateur zéro   

Conversation sur le montage. Entretiens avec Julien Suaudeau

Yann Dedet

P.O.L.

mai 2020
352 pages, 22 €
ISBN :
978-2-8180-4992-1

 

Ce livre d’entretiens retrace une carrière exceptionnelle d’une cinquantaine d’années vouées au cinéma, au montage des films. C’est en 1967 que Yann Dedet décroche son premier travail de monteur, en tant qu’assistant de Claudine Bouché, monteuse de Truffaut, sur le film La Mariée était en noir. La rencontre avec Truffaut est décisive. Yann Dedet sera le monteur notamment de La Nuit américaine (1973). Puis il travaillera pour Jean-François Stévenin, Dusan Makavejev, Maurice Pialat, Philippe Garrel, Amos Gitaï, Cédric Kahn. Il sera aussi lui-même acteur, scénariste et réalisateur de plusieurs documentaires.

Il n’y a pas de livres similaires en français sur le montage. Ces entretiens se lisent comme un document unique sur l’artisanat du montage et son travail quotidien. La précision de la mémoire, la force de la réminiscence ont ici une qualité littéraire. Il s’agit, en faisant retour sur soi, de réfléchir au cinéma. C’est aussi un contrechamp original sur des monstres sacrés dont on croyait tout savoir : un nouveau point de vue sur le « puritanisme » de Truffaut, sur la « cruauté » de Maurice Pialat, la « simplicité » de Poirier, ou encore la « modernité » de Philippe Garrel.

Le livre reproduit plusieurs photographies de tournage.

Feuilleter l'ouvrage…

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A l’adolescence, une caméra Paillard-Bolex 8mm, la lecture de Strinberg, l’écoute d’Edgar Varese et la vision de tous les films de Bergman ouvrent la voie au cinéma, art pluriel. Voulant devenir cadreur mais cinéphage pressé de rater mes études, après un stage au Laboratoires de Tirages Cinématographiques je deviens peu à peu monteur de cinéastes que j’aimais déjà au lycée (Truffaut, sur lequel je ferai, après sa mort, un court-métrage à propos de l’affaire de la Cinémathèque), et d’autres : Makavejev, Pialat, Stévenin, Garrel, Kahn, Poirier... Ensorcelé par le Japon, je filme une fiction où un couple japonais ensorcelé par Passe Montagne rejoint la terre du Jura où ce film fût tourné, terre qui m’avait également ensorcellé. J’apprends le japonais et tourne quelques films là-bas, deux journaux de voyage à Tôkyô et Uchiko, deux documentaires sur le Théâtre Populaire Japonais, un film sur Sakata Eizo, peintre japonais, à Nagoya et Cunlhat (lieu de naissance de Pialat), un autre sur Miyazaki Mieko, kotoïste au Japon... et en Corse.
 
Une quarantaine d’années après l’aventure de la fabrication de Passe Montagne, après avoir tenté d’écrire un scénario sur ce film vécu de A à Z, j’en écrit le Roman : Le Point de vue du lapin.

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Voir le livre sur le site de l'éditeur…

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"Découper du temps", par Norbert Czarny (en ligne le 30 juin 2020).

L’Histoire d’Adèle H., Passe montagne, À nos amours, L’ennui. Quelques titres de films, quelques-uns de ceux que Yann Dedet a montés, pour Truffaut, Stévenin, Pialat ou Cédric Kahn, parmi d’autres metteurs en scène. « Le cadreur découpe de l’espace, tandis que le monteur découpe du temps », résumait-il dans le catalogue de l’exposition consacrée à François Truffaut, à la Cinémathèque française. Il raconte son métier dans Le spectateur zéro, une « conversation sur le montage » avec Julien Suaudeau.

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Dans Positif, art. de Michel Ciment, Positif, Mai 2020 :

"Les entretiens trop rares avec les collaborateurs artistiques (directeurs de la photographie, chefs décorateurs, musiciens, monteurs) sont parmi les plus enrichissants qui soient, peut-être parce que l’on y parle avant tout de recherches formelles, donc au cœur de la création artistique. Ce livre magistral en est une des preuves les plus convaincantes. Yann Dedet, un des plus grands monteurs du cinéma français, explique avec pertinence pourquoi sa position par rapport à l’œuvre en cours est particulièrement privilégiée : « Il est improbable que le réalisateur ait la distance nécessaire vis-à-vis de son film pour le juger avec la sévérité requise et avec sérénité. » Impliqué esthétiquement, mais moins personnellement, le monteur peut se montrer d’une extrême lucidité et Yann Dedet, collaborateur des plus grands (Truffaut, Pialat, Poirier, Makavejev, Kahn, Garrel), ne cache pas parfois ses réserves sur certaines œuvres des artistes qu’il admire : « Il est piquant que ce soit avec Sous le soleil de Satan, dont Pialat connaît le moindre défaut, qu’il ait obtenu sa seule Palme d’or. »

Le livre est né d’une collaboration avec Julien Suaudeau dont Dedet avait fait la connaissance il y a vingt ans, lors d’une rétrospective des films de Dušan Makavejev au Jeu de Paume et où, jeune critique à Positif, Julien Suaudeau préparait un long article sur le cinéaste yougoslave qui avait confié le montage de Sweet Movie à Dedet. L’intelligence et la précision des questions permettent sans cesse au monteur d’approfondir ses commentaires, au point de nous faire comprendre, preuves à l’appui, cet art plus que tout autre difficile à cerner : ellipses, condensations, choix des prises, problèmes de rythme. On connaissait la qualité littéraire de Yann Dedet avec son beau livre sur Passe Montagne de Stévenin, Le Point de vue du lapin(P.O.L, 2017) ou le récent texte sur Dušan Makavejev qu’il a confié à Positif (voir n° 710, p. 56), mais frappe, dans cette performance orale, la tenue du style qui permet une lecture fluide. Le livre est aussi une galerie de portraits mémorables de Truffaut, presque toujours absent de la salle de montage, surnommé « Petit Gris » pour son allure « toujours égale avec sa cravate multicolore et son petit costume gris », à Pialat déclarant, avec sa cruauté d’ours mal léché, après la première projection de travail de Loulou : « Dedet a monté toutes les mauvaises prises et il a pris les plans là où il fallait les quitter. » Ces metteurs en scène avec lesquels il a travaillé sur cinq ou six films lui permettent néanmoins autant d’exercice d’admiration.

Le Spectateur zéro, belle définition du monteur, est aussi un autoportrait où l’auteur ne cache pas une personnalité difficile. Il y confesse ainsi ses rapports tendus avec les femmes cinéastes : « Avec Yolande Zauberman, sur Moi Ivan, toi Abraham, c’est le début d’une longue et complexe relation avec les réalisatrices qui sera toujours, pour elles et moi, encore plus conflictuelle qu’avec les réalisateurs. » Le portrait acide qu’il fait de Catherine Breillat lors du montage de 36 Fillette en témoigne. Ce sont ces portraits de lui-même et des autres, aux arêtes vives, tout comme la finesse et la profondeur des réflexions sur son art, qui font le prix de cet ouvrage indispensable."

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"Le Spectateur zéro", un article de Jean-Paul Gavard-Perret à retrouver sur le site Le littéraire.com.