Actualité
Appels à contributions
Vieillir au XXIe siècle. Regards sur la vieillesse dans la littérature et le cinéma germanophones contemporains

Vieillir au XXIe siècle. Regards sur la vieillesse dans la littérature et le cinéma germanophones contemporains

Publié le par Université de Lausanne (Source : Benoit Pivert)

Vieillir au XXIe siècle

Regards sur la vieillesse dans la littérature et le cinéma germanophones contemporains

13 novembre 2020

 Journée d’étude organisée par CAECE (Culture Allemande dans l’Espace Culturel Européen)

 IMAGER (Institut des Mondes Anglophone, Germanique et Roman EA3958)

Université Paris-Est Créteil

 

En 2004, Frank Schirrmacher publiait Das Methusalem-Komplott. Le livre, aux accents volontiers catastrophistes, avait le mérite d’attirer l’attention du grand public sur le vieillissement des sociétés occidentales, envisagé comme l’un des défis majeurs du nouveau siècle.  Face à l’urgence, une réflexion approfondie sur la vieillesse et le vieillir apparaissait comme indispensable. On pourrait objecter que, depuis le De Senectute de Cicéron en passant par La vieillesse de Simone de Beauvoir, sur la vieillesse, tout a été dit. Ce serait oublier que, si vieillir est bien une expérience existentielle commune à tous les êtres, la vieillesse est aussi une construction sociale et culturelle qui évolue avec le temps et les mentalités. Avec la sensibilité qui les caractérise, écrivains et artistes sont particulièrement aptes à saisir ces mutations. Pour appréhender la vieillesse et le vieillir en ce début du XXIe siècle, il apparaît donc légitime de solliciter la littérature et le cinéma des années 1990 à aujourd’hui, et a fortiori la littérature et le cinéma des pays germanophones, dans lesquels le vieillissement de la population est encore plus prononcé.  Peut-être  nous diront-ils s’il est possible, en ce début du XXIe siècle, d’envisager la vieillesse avec sérénité ou si, au contraire, le pessimisme avec lequel est traditionnellement abordé cet ultime chapitre de l’existence demeure, entièrement ou en partie, justifié.

La vieillesse commençant le plus souvent par la physiologie, une étude de la représentation du corps vieillissant dans la littérature et le cinéma contemporains paraît s’imposer. L’accent est-il mis sur la débâcle du corps et les outrages du temps ou, au contraire, assiste-t-on à une mise en valeur  du corps mature correspondant à une volonté plus large de porter sur la vieillesse un regard positif ? À l’intersection de la physiologie et de la psychologie, la maladie d’Alzheimer et la démence sénile devront également retenir l’attention, et plus largement, la question de la dépendance, des liens qu’elle engendre et des établissements qui lui sont dévolus. On pourra se pencher, par exemple, sur le récit autobiographique d’Arno Geiger, Le Vieux Roi en son exil (2011), le roman d’Annette Pehnt, Haus der Schildkröten (2006), les films Mein Vater d’Andreas Kleinert (2003),  Honig im Kopf de Til Schweiger (2004) ou Die Auslöschung de Nikolaus Leytner (2013).

Il conviendrait également d’examiner le vieillir à la lumière des études sur le genre et des études gay et lesbiennes. Dans la littérature et le cinéma contemporain, le regard porté sur le vieillissement varie-t-il selon que le personnage est un homme ou une femme, hétérosexuel ou homosexuel ?  Comment s’exprime, entre personnages de même sexe ou de sexe opposé, le sentiment amoureux, confronté à l’épreuve du temps, des rides et des défaillances du corps ? À quoi ressemble la sexualité des seniors, cinquante ans après la révolution sexuelle, à l’ère d’Internet et du Viagra ? Des romans comme Der Lebenslauf der Liebe (2001) de Martin Walser ou des films tels que Wolke 9 d’Andreas Dresen (2008) suggèrent qu’Eros ne vieillit pas, mais s’agit-il de la représentation la plus fréquente ?

Parmi les figures encore peu étudiées et pourtant dignes d’intérêt, signalons le vieux paysan, immortalisé dans le cinéma français par Raymond Depardon. Comment vieillit-on loin des villes ? La solitude est-elle plus pesante lorsqu’elle se conjugue à l’exode rural ? Les traditions ont-elles encore un poids à la campagne et maintiennent-elles une certaine sociabilité ? Des réponses à ces questions pourront être cherchées, par exemple, dans l’œuvre de Josef Winkler ayant pour décor, depuis ses débuts, la Carinthie rurale, le film documentaire de Gunther Naynar et Thomas Mayer Früher… Lungauer Bauern einst und jetzt (2013), ou encore dans le film d‘Ann Carolin Renninger Aus einem Jahr der Nichtereignisse  (2011) ayant pour protagoniste un paysan nonagénaire du nord de l’Allemagne.

Si la figure du vieux paysan appartient sans doute à une espèce en voie de disparition, le personnage du vieux migrant, lui, est appelé, conformément à l’évolution démographique de la société, à devenir un objet d’étude incontournable. Comment la littérature et le cinéma le représentent-ils ? D’où vient-il ? Comment perçoit-il la société dans laquelle il vieillit sans l’avoir toujours choisi ? Comment vit-il l’éventuel décalage entre le traitement réservé aux personnes âgées dans sa culture d’origine et celui de sa terre d’accueil ? Comment est-il accueilli en maison de retraite ? Existe-t-il,  dans la vieillesse, une nostalgie des origines, un désir de retour au pays natal, la volonté d’y être enterré ? La culture d’origine offre-t-elle une sagesse dans la vieillesse ? Plus largement, comment la vieillesse est-elle représentée chez les écrivains et cinéastes de langue allemande originaires de pays non-germanophones ?  

Un autre sujet, paradoxalement peu abordé dans les études sur la vieillesse, est celui de la mort qui constitue biologiquement le terme inévitable de la vieillesse. Il apparaît pourtant intéressant de s’interroger sur l’attitude des personnes âgées face à la mort dans une société que l’on dit tout à la fois marquée par un recul du christianisme et une quête de spiritualités nouvelles. Comment sont représentés la mort, les rituels qui l’entourent, le deuil ? Qu’en est-il dans la vieillesse des « consolations de la foi » ? Les œuvres tardives de Gabriele Wohmann, Erzählen Sie mir was vom Jenseits (1994), Sterben ist Mist, der Tod aber schön (2011)  et Eine gewisse Zuversicht: Gedanken zum Diesseits, Jenseits und dem lieben Gott (2012) invitent à la réflexion en cette matière.

Avec ses vieux messieurs hypocondriaques et ses vieilles femmes aux prises avec le démon de midi et la constipation, romans et nouvelles de Gabriele Wohmann nous rappellent que vieillesse et humour ne sont pas antinomiques. Du reste, nombre d’aphorismes mêlant autodérision et humour noir en témoignent au fil des siècles. Seront donc également bienvenues les contributions qui exploreront les liens entre vieillesse et humour dans la littérature et le cinéma germanophone contemporains. En matière cinématographique, le choix est particulièrement large, que l’on songe à Dinosaurier – Gegen uns seht ihr alt aus (2009) de Leander Haußmann, Alles inklusive (2014) de Doris Dörrie ou Toni Erdmann (2016) de Maren Ade. Pour sa part, la comédie de Ralf Westhoff, Wir sind die Neuen (2014) met en lumière un nouveau mode de vieillir-ensemble, la colocation de seniors, ses bonheurs et ses heurts. C’est, dans le domaine de la vieillesse, précisément cette attention à ce qui émerge, mais aussi, inversement, à ce qui est en train de disparaître, qui sera l’une de nos préoccupations durant cette journée d’étude.

Langues de communication : français, allemand.

Une publication des communications est prévue.

Les propositions de 1500 signes environ, accompagnées d’une rapide biographie, sont à envoyer pour le 15 juin 2020 aux adresses suivantes :

benoit.pivert@universite-paris-saclay.fr   et   julien.sellier@u-pec.fr