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Théorie du séminaire (séminaire de Bruno Clément, en Sorbonne & en ligne)

Théorie du séminaire (séminaire de Bruno Clément, en Sorbonne & en ligne)

Publié le par Marc Escola

« Théorie du séminaire » (1er semestre 2021-2022), Bruno Clément


Si vous souhaitez participer à cette première séance ou rejoindre la séance sur Zoom, vous devez impérativement vous faire connaître auprès de Bruno Clément (bpe.clement@gmail.com).


Dans la continuité du séminaire tenu l’an dernier au Collège international de philosophie, je compte cette fois explorer plus systématiquement la dimension qui ne m’est apparue que tardivement, à savoir la lecture dans son processus de réflexion collective, rapprochée et amicale – autrement dit sous la forme… du séminaire. J’entends le mot dans une acception large, dépassant évidemment le cadre du séminaire tel que je l’ai pratiqué des années durant dans le cadre universitaire ou même dans le celui – qui l’est beaucoup moins ! – du Collège international de philosophie.

Le « risque », qui depuis l’an dernier est au cœur de ce projet, n’est pas évacué pour autant. Mais il ne sera pas envisagé de la même façon, ni dans les mêmes termes. Alors qu’il a été jusqu’à présent appréhendé le plus souvent comme un danger, je l’approcherai cette fois plutôt comme la chance d’un sens nouveau.

L’emblème de ce processus serait la première publication en 1641 des Meditationes de Prima Philosophia que Descartes choisit de faire lire au public, en même temps que les six objections que des lecteurs choisis lui ont adressées, les réponses qu’il leur a faites. Cette manière de concevoir la philosophie relève de ce que j’appelle donc résolument « séminaire ». Descartes considère apparemment que la production de ses réflexions est aussi une contribution, adressée aux acteurs de la vie intellectuelle de son temps, et que lui sont comme naturellement associés tous les esprits désireux de progresser avec lui sur le chemin de la vérité. Il est devenu impossible, dès cette première publication, de parler des propositions de Descartes sans englober dans les commentaires qu’on en fait à la fois les objections qui lui ont été adressées et les réponses qu’elles ont suscitées. Loin de renoncer à cette manière, on sait que Descartes a au contraire dès la seconde édition rendu publique une septième objection, nouvelle occasion pour lui de préciser un certain nombre de points – et ce n’est certainement pas un hasard s’il modifie alors le titre de ses méditations dans lesquelles ne sont plus désormais démontrées l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme mais l'existence de Dieu et la distinction de l'âme humaine dans le corps. Voilà ce que peut le séminaire ! Voilà le fruit du risque que prend un philosophe quand il décide de procéder selon la méthode du séminaire.

Mon point de départ sera donc cette année Descartes, et plus précisément l’élaboration, la publication, la réception des Méditations métaphysiques.

Il est probable que cette lecture et la lecture des lectures que les Méditations auront fait naître me conduiront à envisager de nouveau mais sous un autre angle, quelques-uns des paramètres rencontrés cette année.

Au nombre desquels, la question de la circonstance. La philosophie n’entretient pas avec la circonstance une relation très paisible. Elle travaille en effet à élaborer une pensée qui en soit abstraite et il ne lui arrive pas si rarement de prétendre que la circonstance n’est que l’occasion, au fond indifférente, de la production d’une pensée qui ne lui doit rien ou presque. Or la circonstance n’affecte pas seulement – si elle l’affecte – l’écriture d’une œuvre de pensée, elle affecte aussi la lecture qui en sera faite. La circonstance constitue pour tout texte spéculatif un risque majeur. La lecture de Bergson par Péguy doit sans doute à leur amitié, mais on aurait tort de croire que la Note que Péguy écrit sur lui ne doit pas aussi – et grandement – à la décision que prend en 1914 l’Église catholique de mettre l’œuvre de Bergson à l’index. La lecture militante et amicale de Péguy met au jour dans les textes de son ami des éléments auxquels il n’attachait sans doute pas la même importance que son lecteur – et leur amitié a parfois souffert de cette lecture circonstancielle et dérangeante.

 Descartes, Péguy, Bergson, Pascal seront des acteurs importants du séminaire, mais Pascal Quignard, Paul Valéry, Maurice Blanchot devraient y occuper aussi une place déterminante. La séance du 5 novembre évoquera sans doute le prologue du Banquet  de Platon.