Édition
Nouvelle parution
Luce d'Eramo, Le Détour

Luce d'Eramo, Le Détour

Publié le par Université de Lausanne

Le Détour

 

Luce d'Eramo

Traduit de l'italien par Corinne Lucas

Le Tripode éd.

440 p. — EAN 9782370552228

Parution: 6 février 2020

 

Publié pour la première fois en 1979, Le Détour est le fruit de vingt-cinq années d’écriture. Il relate le parcours de Luce d’Eramo qui, élevée dans une famille de dignitaires fascistes, partit de son propre chef en Allemagne en 1944 pour intégrer un Lager, un camp de travail nazi.  S’il demeure méconnu en France, Le Détour rencontra immédiatement en Italie un immense succès et connaît depuis quelques années une nouvelle vague de traductions dans le monde entier. La force et l’acuité de ce texte – qui traque aussi sans complaisance les travestissements de la mémoire – le rattachent de fait aux plus grands témoignages de femmes sur l’expérience des camps, tels ceux de Charlotte Delbo et de Ruth Klüger.

Nous devons la découverte de ce livre à ce passage des Carnets de Goliarda Sapienza : «  Fini de lire Le Détour de Luce d’Eramo, assurément le plus beau livre de ces dix dernières années et peut-être un chef-d’œuvre absolu ; cela m’obligera à relire Si c’est un homme et Le Dernier des Justes, pour vérifier ce que je soupçonne. C’est-à-dire que le livre de Luce est le plus actuel sur ce sujet, le plus durement approfondi dans la démonstration de l’aventure nazie, le plus polémique et courageux. »

L’originalité du Détour tient de fait à ce que vécut Luce d’Eramo durant la Deuxième Guerre mondiale mais aussi au difficile processus de remémoration dans lequel elle s’engagea par la suite, et dont le livre témoigne. Les textes qui composent ce récit ont été écrits successivement en 1953, 1954, 1961, 1975 et 1977. Ils sont présentés dans l’ordre chronologique de leur rédaction, et non dans celui des événements qu’ils décrivent. La confusion qui en découle parfois répond à celle que connut Luce d’Eramo, aux esquives de sa mémoire et aux détours qu’elle emprunta avant de retrouver la cohérence de son histoire.

À sa publication en Italie, en 1979, le livre rencontra des centaines de milliers de lecteurs. En se plongeant dans ce texte, il revient au lecteur francophone de vivre à son tour – au-delà de l’histoire stupéfiante d’une adolescente idéaliste faisant volontairement l’expérience des camps nazis – l’expérience d’une femme en quête de sa vérité.

L’Auteur

Luce d’Eramo (1925-2001) est née à Reims de parents italiens. Elle vit en France jusqu’à ses quatorze ans, puis retourne avec sa famille en Italie. En 1944, elle s’oppose à son père – alors sous-secrétaire d’État de la République de Salò –, s’enfuit de chez elle et se porte volontaire pour rejoindre un camp de travail en Allemagne. D’abord envoyée à Francfort, elle se rebelle contre ce qu’elle découvre et se retrouve déportée à Dachau. Après maintes péripéties, elle finit par s’évader et travaille sous une fausse identité dans un hôtel, à Mayence. Lors d’un bombardement des forces alliées, un mur s’effondre sur elle. Très gravement blessée et brûlée, elle survit miraculeusement. Commence alors un périple à travers des zones dévastées par la guerre, au bout duquel Luce d’Eramo retrouve l’Italie, le 4 décembre 1945. Marquée par ce qu’elle a vécu, définitivement paralysée des jambes, elle reprend néanmoins des études de lettres, d’histoire et de philosophie, se marie, devient mère. Elle ne cesse d’écrire aussi. À partir de 1953, elle rédige notamment plusieurs textes qui reviennent sur son expérience durant la guerre et questionnent peu à peu la véracité de ses souvenirs. Cette recherche s’achève en 1979 avec la publication de Le Détour. Le recueil crée la stupeur et devient un best-seller. C’est le point de départ pour Luce d’Eramo d’un nouvel élan littéraire qui se concrétise dans les décennies suivantes par la publication de plusieurs romans.

Luce d’Eramo est morte à Rome le 6 mars 2001.

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Extrait de l'entretien, placé en postface du livre, où Corinne Lucas Fiorato, traductrice du récit et amie de l'auteure, revient sur la personnalité singulière de Luce d'Eramo.

"Son regard noir, profond, et sa façon de parler vous faisaient tout de suite comprendre qu’elle était d’une détermination extrême et d’une indépendance d’esprit indestructible. Elle n’avait peur de rien : physiquement, politiquement, intellectuellement. Toutefois, elle n’aurait pas apprécié qu’on la considère comme une figure hors norme précisément parce que, selon elle, la normalité n’existe pas. L’écrivaine italienne Maria Rosa Cutrufelli soulignait que dans ses romans, Luce d’Eramo voit ladite normalité comme une tromperie, la plus féroce de toutes, car c’est une illusion de l’esprit qui, de fait, endurcit le cœur, estompe la curiosité qui nous pousse vers les autres et nous fait mieux comprendre et nous-mêmes et le monde. Personne n’est plus cruel et insensible qu’un homme qui se croit normal. Cette idée est déjà bien présente dans Le Détour puisque l’aventure de Lucia commence par la curiosité d’aller voir sur place, en Allemagne ce qu’il s’y passe. Cette idée ira en s’affirmant. Les héros de ses romans suivants sont des figures ‘non normales’ : le groupe de terroristes de Nucleo Zero (1981), les néo-nazis de Si prega di non disturbare, la folie dans Una strana fortuna (1997), etc. La curiosité vers l’inconnu, souvent vers ce que l’on rejette parce qu’on ne le comprend pas est ce qui motive le plus la pensée et les œuvres de Luce d’Eramo. Luce parfois relisait Kant (sur qui avait porté sa thèse de doctorat) et probablement en elle se promenait cette idée du philosophe allemand pour qui « l’intelligence d’une personne se mesure au nombre d’incertitudes qu’elle est capable de supporter ».

Et d’affronter, aurait-elle ajouté."

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RENCONTRE EN LIBRAIRIE

Une soirée dédiée au Détour aura lieu en présence de Corinne Lucas Fiorato 

à La Libreria, 89, rue du Faubourg Poissonnière, 75009 Paris

le 11 février à 19h30.