Essai
Nouvelle parution
L. Charles, Les Promesses du roman. Poétique de la prolepse sous l’Ancien Régime (1600-1750)

L. Charles, Les Promesses du roman. Poétique de la prolepse sous l’Ancien Régime (1600-1750)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Classiques Garnier)

Lise Charles

Les Promesses du roman.

Poétique de la prolepse sous l’Ancien Régime (1600-1750)

Paris, Classiques Garnier, coll. L'Univers rhétorique, 2021

EAN : 9782406108740 — 666 p. — 39 €

 

En dévoilant par avance un événement de l’histoire, la prolepse risque de ruiner le suspense ; en n’évoquant qu’allusivement ce qui va suivre, elle peut y contribuer. L’ouvrage étudie ce procédé paradoxal au travers d’un corpus qui va de la décennie de l’Astrée aux derniers romans de l’abbé Prévost.

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"Paradoxe de la prolepse : en dévoilant par avance un événement de l’histoire, elle risque de ruiner le suspense ; en n’évoquant qu’allusivement ce qui va suivre, elle peut au contraire y contribuer. Le traitement des anticipations a toujours été au cœur des débats sur la tension narrative. L’examen de poétiques et de rhétoriques antiques et classiques, leur confrontation avec les théories contemporaines permettent de retracer la longue histoire d’un procédé à travers les discours contradictoires qui l’ont défini.

Lisons les romans de l’Ancien Régime, et nous verrons ce paradoxe en action. Au seuil du xviie siècle, la prolepse appartient, comme le début in medias res, à la panoplie des artifices visant à maintenir suspendu l’esprit du lecteur et à structurer de grandes machines romanesques ; au siècle suivant, les pseudo-mémorialistes, tout en puisant dans ce fonds, la posent comme le symptôme d’une écriture naturelle, désordonnée, peu soucieuse de suspens et d’architecture, bref, la marque par excellence d’une écriture du cœur.

Autrement dit, la même incursion dans le futur devient, si on l’assume pleinement, un élément d’architecture, un pont jeté vers l’avenir du récit, et, si l’on s’en excuse, une parole échappée, une digression que l’on n’a pas pu s’empêcher de faire. Comme si la figure narrative, en soi, n’était rien, comme si seul le faisceau de signaux déployé autour d’elle pouvait permettre de l’interpréter. Comme si, en somme, le contexte faisait la figure.

Tout se joue dans l’appréhension progressive du texte par le lecteur et l’interprétation de la voix supposée le guider. Cet ouvrage évalue la manière dont, au long d’un siècle et demi d’une production romanesque très diversifiée, sont suscitées des attentes, souvent comblées, parfois frustrées : si la prolepse est d’ordinaire un moment où une voix de régie organise le texte, il arrive en effet que ce procédé provoque des dérèglements dont nous pouvons, critiques embarrassés ou lecteurs amusés, suivre les aléas." — Lise Charles

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On peut lire dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula une proposition issue du présent ouvrage :

"Définir la prolepse. Un diagramme, une courbe et un glossaire."

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Table des matières…

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : ESSAI DE TYPOLOGIE

Choisir un nom

La terminologie endogène

Promettre

Prévenir

Anticiper

Prolepse : histoire et usages d’un mot

La prolepse rhétorique

La prolepse syntaxique

La prolepse comme anachronisme

Le sentiment de prolepse

Une première description

Figure et variations

Pour une approche dynamique de la narration

Prolepses diégétiques vs prolepses discursives

La prolepse et le « récit premier »

Signalisations

Une figure de l’après-coup : comment distinguer l’ellipse de la prolepse ?

Ouvertures proleptiques

Le début in medias res, ou l’illusion d’une prolepse

Récit premier et vitesse de croisière

Le cas des prolepses autonomes

Une fausse symétrie : la prolepse, mauvais miroir de l’analepse

Reconnaître la prolepse autonome et la prolepse préparatoire

Typologie intuitive et erreurs d’appréciation

Les échelles de la prolepse

Réduire la portée

Le niveau phrastique. Ordre du récit, ordre des mots (1)

DEUXIÈME PARTIE

USAGES DE LA PROLEPSE ET FORMES ROMANESQUES

Coutures apparentes

La prolepse dans le fonds romanesque du premier xviie siècle

Le terreau des prolepses

De la difficulté d’établir des lois

L’énonciation représentée : l’exemple du « long roman » et des histoires enchâssées

Le récit hétérodiégétique en question

Souligner l’architecture éditoriale

Exordes

Débuts et fins de section

Créer la scansion

Chevilles proleptiques

Scansion dramatique

Débordements

Portrait du narrateur en Cassandre : apostrophes proleptiques

Les compagnons de Fortune

Contrastes : la maîtrise et le débordement

Une crise de l’artifice ?

La nouvelle historique et galante

Changement de modèles

Le modèle historique

Le modèle théâtral

Que reste-t-il des vieux romans ?

Allusions historiques

Sommaires proleptiques

Du bon usage de la maxime

L’historien « intéressé »

La prolepse naturalisée

Le roman-mémoires

Souvenirs du siècle passé

La prolepse aux lisières du récit

Horresco referens : « je sens trembler ma main »

« Une espèce de prédiction » : avatars de l’oracle

De la Fortune à la Providence

Afficher le désordre

La parole échappée (points d’ancrage)

Rhétorique de l’excuse (points de raccord)

L’oubli du lecteur

À la recherche d’un nouvel ordre

La prolepse légitimante

L’« ordre des temps » et la « suite naturelle du discours »

L’ordre des événements et celui des connaissances

Vers l’ordre de la mémoire

Appendice. Ordre du récit, ordre des mots (2)

TROISIÈME PARTIE : PROLEPSE ET TENSION NARRATIVE

De la suspension au suspense

Archéologie d’une métaphore

En grec : d’Aristote à Longin

En latin : Quintilien

Que suspend la suspension ?

Le substantif suspense

Une association classique : la suspension et la surprise

Sustentatio : les conséquences d’une traduction

Les plaisirs de la suspension et de la surprise

Du Cerceau : « la suspension ne suppose point l’incertitude »

Vers une suspension sans surprise

Diderot et Lessing

Hitchcock et les théories contemporaines du suspense

Qui joue au jeu du suspense ?

 « Le babil indiscret de Jupiter » Anciens et Modernes en parallèle

L’ancien et le moderne

Les scoliastes

Le premier xxe siècle

Présentation du débat

Le quoi et le comment (how suspense et what suspense)

La surprise et le merveilleux

Le plaisir de la relecture (du suspense proleptique au suspense paradoxal)

L’ignorance des personnages

La durée de l’effet

Fonction interne

La question de l’unité

La surprise impossible

« Le récit du récit ». Paratextes proleptiques

Les sommaires et leurs avatars

« Arguments » : les faits dans l’ordre

Préfaces : une information dispersée

Le procès du paratexte

La querelle des arguments

Préfaces : le procès fait au lecteur

Laisser la moelle pour l’écorce

Sélections

Substitutions

QUATRIÈME PARTIE : LE ROMAN TIENT-IL SES PROMESSES ?

La nébuleuse de la prolepse

« L’art tout classique de la préparation » : prolepses et amorces dans la pensée classique

Commentaires homériques

L’époque classique : prévenir et préparer

Confusions modernes

Vers la prolepse par présupposition

Prophéties : les voix de la prolepse

Confusions critiques

L’échelle de créance

Le statut diégétique de l’anticipation actoriale

Prédictions à l’unisson

Serments indiscrets

De la déception à l’aporie

Des prolepses qui sont des leurres

Échecs de la prolepse

Repérer l’échec

Questions de confiance

Considérations internes : la figure du narrateur

Considérations externes : l’auteur et le mode de publication

À qui la faute ? Les hésitations de l’interprète

La mort d’Olympe (Nervèze)

Le portrait de Patrice (Prévost)

Choix critiques

Épilogue – Le retour de la Dutour.

CONCLUSION

ANNEXE. La prolepse dans la querelle d’Homère. Une anthologie

GLOSSAIRE. Autour de la prolepse

BIBLIOGRAPHIE

INDEX DES NOMS PROPRES

TABLE DES FIGURES