Essai
Nouvelle parution
Les valeurs dans/de la littérature

Les valeurs dans/de la littérature

Publié le par Camille Esmein (Source : Karl Canvat)

Les Valeurs dans/de la littérature, textes réunis par Karl Canvat et Georges Legros, Presses Universitaires de Namur, 2004, coll. « Diptyque » (dirigée Jean-Paul Laurent et Frank Wagner)


Mise en scène de l'homme et du monde, de leurs rapports heureux, conflictuels ou absurdes, mais aussi travail sur les possibilités et les limites du langage, la littérature, plus sans doute qu'aucun autre art, est constamment traversée par les questions de valeurs, dans ses formes comme dans ses contenus.

Les écrivains sont les premiers à en faire l'expérience, qui, tantôt, veulent décrire les problèmes moraux, sociaux, politiques de leur temps (dans l'Avant-propos de La Comédie humaine, Balzac prétend se faire « l'enregistreur du bien et du mal »), tantôt entreprennent de contester, de subvertir ou de réformer des valeurs dominantes (que l'on songe à la littérature engagée de Sartre), tantôt mettent en question la notion même de valeur (Dada et les Surréalistes), tantôt encore subissent les foudres d'une société qui se sent outragée, voire menacée (Sade, Flaubert, Baudelaire, Céline, Rushdie).

Mais les lecteurs le savent tout autant, qui, en général, cherchent d'abord dans les textes littéraires des représentations intelligibles de tranches de vie qui les éclairent sur eux-mêmes et sur ceux qu'ils côtoient, les aident à comprendre et à évaluer situations et comportements, les enrichissent d'expériences imaginaires et contribuent ainsi à leur formation personnelle grâce à ce que certains sociologues de la lecture appellent joliment « un prêt-à-porter identitaire ».

Et l'Ecole n'a pas tardé à le comprendre, qui, depuis longtemps, a fait de la littérature une matière d'enseignement obligatoire dans un souci d'éducation plus que d'instruction, et de morale plus que d'esthétique.

Mais la littérature n'est pas qu'un discours idéologique sur le monde extérieur. Elle constitue elle-même un univers qui connaît ses propres problèmes et conflits de valeurs. Ainsi, par exemple, du débat bien connu sur la hiérarchie des auteurs et des oeuvres : y a-t-il des « incontournables », un « panthéon », et, si oui, selon quels critères ? Mais aussi de celui sur le sens et l'opportunité des innovations formelles : on se souvient, entre autres, de la condamnation des esthétiques jugées « décadentes » par certains régimes totalitaires du XXe siècle, épris de « réalisme constructif », ou, en moins violent, des polémiques sur « la mort de l'homme » qui ont entouré, en France, le développement du Nouveau Roman.

Ces questions étaient au coeur du cycle de conférences adressées aux étudiants, aux enseignants de français et au grand public organisé par la Faculté des Lettres de l'Université de Namur durant l'année 2001 2002. Des spécialistes français et belges se sont interrogés sur le statut de la littérature et sa possible dévaluation actuelle (Alain Viala, Université de Paris 3 et Université d'Oxford ; Antoine Compagnon, Université de Paris 4 et Université Columbia de New York), sur le sens des études littéraires aujourd'hui (Paul Aron, Université Libre de Bruxelles), sur les rapports entre valeurs littéraires et valeurs scolaires (Emmanuel Fraisse, Université de Cergy-Pontoise), ainsi que sur les mécanismes par lesquels, dans un texte, une voix valide certains jugements (Vincent Jouve, Université de Reims) ou, dans la lecture, chacun de nous évalue une oeuvre (Jean-Louis Dufays, Université Catholique de Louvain).

Cet ouvrage rassemble les textes de ces conférences. Il aidera les enseignants de lettres à approfondir, en toute liberté intellectuelle et maîtrise ultime de leurs pratiques, la nécessaire réflexion sur les défis divers, voire contradictoires, de leur métier aujourd'hui.