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La construction du roman. Entre ébauche et finition : Zola

La construction du roman. Entre ébauche et finition : Zola

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Jean-Sébastien Macke)

ARGUMENTAIRE

Fruit d’une écriture « à programme » fondée sur des « documents préparatoires », la fabrication du roman, chez Zola, a souvent été considérée, par la critique d’époque, comme une écriture « à tiroirs » (Ferdinand Brunetière) ou saluée, inversement, comme une écriture « au compas », digne d’un ingénieur (Paul Alexis). Ce colloque souhaite re­venir sur ces images de l’écrivain au travail.

Pour ce faire, la génétique des textes offre des perspectives éclairantes qui donnent la primauté aux traces matérielles et au processus dynamique de l’écriture plutôt qu’à la vision d’une méthode mécaniste, figée par l’histoire littéraire traditionnelle et qui rabat les principes de la doctrine naturaliste sur la création en acte. Des dossiers préparatoires des Rougon-Macquart, avec l’Ébauche et les Plans détaillés notamment, jusqu’aux pla­cards corrigés, se laisse découvrir le périple d’une écriture, depuis ses phases explora­toires et sinueuses de scénarisation jusqu’à ses ultimes réglages de finition pré-édito­riales dans les épreuves. Ces traces et tracées de l’œuvre à l’état natif, emportés dans leurs tâtonnements, leurs repentirs et leurs fulgurances sont l’une des meilleures preuves des écarts qui distinguent l’aventure effective de l’invention et la doctrine scientiste du Ro­man expérimental.

L’entreprise numérique autour de laquelle se construit ce colloque réside dans l’encodage et la mise en ligne des Ébauches des Rougon-Macquart. L’établissement d’un tel corpus résulte d’un souci de cohérence et fait signe vers la possibilité de navi­guer aisément au travers de la masse avant-textuelle propre à l’œuvre zolienne. Il en va d’une approche sélective, mais significative, destinée à éclairer des processus et des schèmes récurrents. Bien évidemment, on ne saurait se priver de faire le lien avec les dossiers préparatoires dans leur intégralité, cela dans un va-et-vient méthodologique fécond, où les changements d’échelle contribuent à faire émerger des problématiques différentes et variées.

En effet, les Ébauches prennent la forme d’un soliloque volontariste à la première personne. Chacune est un objet sémiotique complexe qui brouille les types textuels ou rhétoriques et se construit au moyen d’un hétéroclisme de matériaux verbaux : images, injonctions, auto-consignes, bribes de dialogues, ratures et biffures (Almuth Grésillon). Ce soliloque est aussi innervé par un réseau de références intertextuelles, explicites ou virtuelles, qui tracent les contours d’un « cadre énonciatif » (Philippe Hamon), à partir duquel s’enchaînent des « cohérences superposées » (Daniel Ferrer), des « approches successives » (Jacques Neefs). Les noyaux scénaristiques sont perpétuellement évalués par un lexique exprimant la réticence, la négation, la modulation, l’inversion, l’infléchis­sement, complexifiant aussi la « double locution génétique » (Jean-Louis Lebrave) en une série d’instances pluri-décisionnelles, démultipliées par l’échelle cyclique des Rou­gon-Macquart.

Plusieurs propositions méthodologiques ont été formulées depuis qu’Henri Mitte­rand, lors du colloque Zola. Genèse de l’œuvre, en 1999, a ouvert le domaine de la « gé­nétique du scénarique ». En effet, les dynamiques de l’Ébauche rendent peu pertinentes des approches locales de l’écriture, dans la mesure où la construction scénaristique s’éla­bore au fil de blocs textuels aux contours flous. Intrigues, personnages, drames, rythmes réclament sans doute un changement d’échelle « macrogénétique », afin de prendre en charge l’analyse des avant-textes d’une série romanesque, depuis les dossiers prépara­toires planificateurs jusqu’à l’orchestration symphonique et l’expression stylistique au stade final des variantes.

Centré sur les manuscrits dans la perspective généticienne, ce colloque se donne aussi des horizons pluridisciplinaires : la sociologie de l’écrivain, abordé dans son en­vironnement de travail et ses relations aux champs littéraires et médiatiques de son temps (Alain Pagès), l’ouverture de la génétique scénarique sur les arts du son et de l’image (Alain Boillat).


Ce colloque croisera plusieurs perspectives :

- L’histoire de la réception des écrits de travail de Zola depuis la fin du XIXe siècle.

- L’étude des avant-textes et avant-images, de l’Ébauche aux placards corrigés, de la génétique du brouillon à celle de l’imprimé.

- Les propositions d’une génétique culturelle médiatique étudiant les adaptations des romans zoliens au théâtre et sur la scène lyrique, autant que les liens de la genèse de l’œuvre et de la presse.

- La transmission, en direction des publics, des travaux de la génétique, notamment l’expérimentation d’ateliers d’écriture impliquant les humanités numériques. Corré­lée à cette transmission, une approche longitudinale des supports redevable d’une évolution des méthodes et des paradigmes génétiques.

 
Comité scientifique | Julie André (École Polytechnique), Aurélie Barjonet (Uni­versité de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Noëlle Benhamou (Université de Picardie), Cristelle Cavalla (Sorbonne Nouvelle), Céline Grenaud-Tostain (Universi­té d’Evry), Alain Pagès (Université Sorbonne Nouvelle), Jean-Marc Quaranta (Uni­versité d’Aix-Marseille), Rudolf Mahrer (Université de Lausanne) ; Clive Thomson (Université de Guelph) ; Corinne Weber (Université Sorbonne Nouvelle)

 
Avec les soutiens de l’ITEM-CNRS, de l’EUR Translitterae (ENS) et du DILTEC (Sorbonne Nouvelle-Paris-3)

Colloque en visioconférence sur inscription. Prière d’écrire à olivier.lumbroso@sorbonne-nouvelle.fr afin d’obtenir le lien Zoom-CNRS.

Programme du colloque en document joint.