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L'analyse linguistique de corpus discursifs

L'analyse linguistique de corpus discursifs

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Julien Longhi)

L'analyse linguistique de corpus discursifs : des théories aux pratiques, des pratiques aux théories 24 janvier 2008 Journée d'étude organisée à l'Université François-Rabelais de Tours (3, rue des Tanneurs, salle 12) Par Julien LONGHI (contact j.longhi [at] wanadoo.fr)

Problématique : La linguistique de corpus connaît depuis quelques années un essor croissant, et reçoit un succès grandissant auprès des institutions. Cet essor, et le succès qui l'accompagne, ne sont pas sans poser de problèmes, comme l'a déjà souligné Mayaffre, quant il affirme que « le corpus – la notion et l'objet – risque d'être victime aujourd'hui en France de son succès ». Pour le linguiste, le chantier, quoique considérable, permet de renouveler l'appréhension de son objet : comme le souligne Rastier, « étendant le champ d'investigation de la linguistique générale, la linguistique de corpus lui permet tout à la fois une reconception de son objet et de ses théories ». En outre, si les applications font l'objet d'une demande sociale croissante, le lien entre les théories et les pratiques, et également les pratiques et les théories, est à interroger de manière approfondie. Cette journée d'étude a pour but de confronter des linguistes, issus de différents courants, dont l'intérêt se porte d'une manière ou d'une autre sur les corpus discursifs, dans l'interaction du sémantique et du discursif. Chacun proposera une appréhension particulière du corpus, ainsi qu'un cadre théorique propre, et une place importante sera faite à la confrontation des points de vue. Les communications présentées s'attacheront à décrire la manière dont le Discours, appréhendé à travers les corpus, devient le lieu de l'analyse linguistique, et comment il peut tout à la fois représenter un observatoire pour la sémantique lexicale, un objet d'étude pour saisir les praxis linguistiques, et le lieu de réalisation de normes socio-discursives repérables selon une conception argumentative de la langue. Les thèmes de la nomination, de formations discursives, de la dimension argumentative/topique des discours, la caractérisation linguistique des types de discours, et les processus de référenciation en discours, seront les fils conducteurs de cette journée, qui aborde l'objet corpus selon ses aspect discursifs et sémantiques.

Argumentaire : La dimension cognitive et sémiotique sera abordée par Danièle Dubois, à travers l'analyse de différents corpus qui concernent l'expérience subjective des diverses modalités sensibles. Plus précisément, les relations entre sens lexical et construction du sens en discours seront prises en compte selon le contraste entre couleurs/odeurs. Son analyse des différents corpus mettra en valeur, dans un modèle qui articule langue, discours et cognition, le contraste entre une pratique terminologique qui s'instancie dans les discours à visée sociale de type scientifique ou experts (en analyse sensorielle), qui construisent une référence objective « universelle », et la construction d'un sens lexical dans des discours de sens commun dont la visée référentielle concerne l'expérience individuelle Cette dimension cognitive sera également reprise dans la contribution de Olga Galatanu, qui propose un modèle de description des phénomènes de construction du sens en co-texte et en contexte. Ce modèle s'appuie sur une approche de la signification lexicale associative, holistique, encyclopédique et processuelle qui l'inscrit à la fois dans la filiation de la sémantique argumentative et dans le courant d'une approche cognitive du sens linguistique. Pour elle aussi l'activité de langage transforme, avec la représentation du monde référentiel, la signification des lexèmes qui la décrivent et l'évaluent (Galatanu 2006). La réflexion sur l'activité langagière sera prolongée dans la communication de Julien Longhi, dans une perspective discursive et phénoménologique, par l'introduction du concept d'objet discursif (Longhi 2007) : un objet peut être défini comme une synthèse des apparences phénoménologiques. Ce n'est pas l'objet qui prend des apparences, mais des apparences – parce qu'elles sont conçues comme telles – qui synthétisent un objet (cf. Lebas 1999). Les apparences synthétisées ne sont pas seulement celles du monde d'expérience, elles comprennent aussi les mécanismes discursifs qui viennent à produire leurs propres normes, d'où l'appellation objet discursif. L'étude d'un corpus de discours politiques de droite (Chirac, Madelin et Le Pen de 1997 à 2004) permettra de décrire les processus constitutifs du sens de l'objet discursif libéral(isme) en mettant en valeur la stabilité, l'instabilité et la plasticité dans la construction du sens en discours. L'activité langagière, et les praxis qu'elle met en jeu, seront au centre de l'intervention de Paul Siblot : le cotexte, par la prise en compte du dialogisme et des interactions, le contexte, par celle des déterminations sociohistoriques et situationnelles, ne sont plus tenus pour extérieurs au linguistique. Si les discours construisent bien la langue, nous devrions en bonne logique retrouver dans celle-ci l'effet des déterminations du sens en discours. C'est ce point qu'il se propose d'examiner avec la notion de dialogisme de la nomination (la nomination considérée comme acte signifiant, non pas au seul moment de l'attribution initiale de la dénomination mais en toute réactualisation discursive, réinsère selon l'auteur le sujet et le référent dans le champ de la réflexion sur le signe linguistique). Pour cela il prendra appui sur les résultats d'un ensemble d'analyses conduites sur des objets de discours particuliers, à partir de marques linguistiques précises, et repérés dans le large corpus de la formation discursive coloniale relative à l'Algérie. Enfin, Nathalie Garric s'intéressera au concept de médiation, qui apparaît dans différents lieux discursifs de l'espace public. Il contribue à l'émergence de nouveaux dispositifs communicationnels, instaure de nouveaux rôles et enjeux discursifs non seulement sur des objets sociaux mais également sur des objets eux-mêmes discursifs, voire linguistiques, tels que le discours d'information médiatique. La médiation engendre de la part de ses participants une attitude réflexive ou autoréflexive marquée par des indices épilinguistiques et des stratégies épidiscursives que nous proposons d'aborder comme un nouveau poste d'observation de l'interaction entre langue et discours. L'analyse sera développée à partir d'un corpus constitué d'une quinzaine de sessions de l'émission, diffusée sur France 2 depuis 1998, L'hebdo du médiateur. Le traitement du corpus procèdera par une entrée quantitative à l'aide du logiciel Lexico 3, pour, dans le cadre de l'Analyse de discours de tradition française, accéder à des études locales reposant sur des indices essentiellement énonciatifs et argumentatifs. La médiation pourrait ainsi inaugurer un genre discursif singulier de l'ordre de ces nouvelles situations de circulation du savoir qui obligent à reconsidérer certaines des spécificités du discours de transmission des connaissances, participant celle-ci de la vulgarisation d'une certaine forme de la connaissance linguistique.

Programme de la journée :

9h : accueil des participants et introduction de la journée

9h30-10h15 : Danièle Dubois, PU, L.C.P.E. (CNRS) : Expériences communes et pratiques expertes de la sensorialité : lexique et construction du sens en discours

10h15-11h : Olga Galatanu, PU, Université de Nantes : L'analyse du Discours dans la perspective de la Sémantique des Possibles Argumentatifs : les mécanismes sémantico-discursifs de construction du sens et de reconstruction de la signification lexicale 11h-11h30 : pause café

11h30-12h15 : Julien Longhi, ATER, Université de Tours (LRL Clermont-Fd II) : Les objets discursifs et le phénomène d'anticipation lexicale en discours : processus de référenciation et argumentativité dans l'activité discursive

14h-14h45 : Paul Siblot, PU, Université de Montpellier III (Praxiling, UMR CNRS 5259) : Prise de parole, prise de position et production du sens

14h45-15h30 : Nathalie Garric, MCF, Université de Tours (L&R) : La médiation médiatique : un nouveau poste d'observation pour la réflexion linguistique et discursive 15h30-16h30 : Bilan et perspectives

Références bibliographiques :

DUBOIS, Danièle (1997) (éd) Catégorisation et cognition, Kimé, Paris.

DUBOIS, Danièle (2006) « De l'expérience subjective des catégories de couleurs à l'objectivité de la couleur : approches cognitives », Cahiers du LCPE, n°7 : Dénomination, désignation, catégories, p.67-78.

GALATANU, Olga (1999) « Le phénomène sémantico-discursif de déconstruction-reconstruction des topoï dans une sémantique argumentative intégrée », Langue Française, n°123, p.41-51.

GALATANU, Olga (2006) « Du cinétisme de la signification lexicale », p.85-104, Sujets, activités, environnement, P.U.F., Paris.

GARRIC, Nathalie & Leglise, Isabelle (2002) « La place du logiciel, du corpus, de l'analyste : l'exemple d'une analyse de discours patronal à deux voix », Les 2ème journées de Linguistique de Corpus, Septembre 2002, Université de Lorient.

LEBAS, Franck (1999) L'indexicalité du sens et l'opposition “en intension” / “en extension”, Thèse de Doctorat, Université de Paris VIII de Saint-Denis.

LONGHI, Julien (2006) « Eléments pour une pragmatique topique dynamique », Revue de Sémantique et Pragmatique, n°19/20, p.121-133

LONGHI, Julien (2007) « L'objet discursif intermittent : construction d'une forme sémantique et évolution des topoï dans un corpus de presse », p. 149-163, dans CISLARU, G., GUERIN, O., MORIM, K., NEE, E., PAGNIER, T., VENIARD, M. (éds) L'acte de nommer – Une dynamique entre langue et discours, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris.

Sarfati, Georges.-Elia (2005) « La théorie linguistique du sens commun et l'idée de compétence topique », p.81-98, dans J. ADEN (éd) De Babel à la mondialisation, SCEREN.

SIBLOT, Paul (1997) « Nomination et production de sens : le praxème », Langages, n°127, p.38-55.

SIBLOT, Paul (2007) « Nomination et point de vue : la composante déictique des catégorisations lexicales », p. 25-38, dans CISLARU, G., GUERIN, O., MORIM, K., NEE, E., PAGNIER, T., VENIARD, M. (éds) L'acte de nommer – Une dynamique entre langue et discours, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris.