Édition
Nouvelle parution
K. Kollwitz, Mais il faut pourtant que je travaille. Journal, articles, souvenirs

K. Kollwitz, Mais il faut pourtant que je travaille. Journal, articles, souvenirs

Publié le par Université de Lausanne

Käthe Kollwitz

Mais il faut pourtant que je travaille.

Journal, articles, souvenirs

Trad. de l’allemand par Sylvie Pertoci

L'Atelier contemporain

Date de publication : 10 septembre 2019
Nombre de pages : 520
ISBN : 979-10-92444-84-1
Prix : 35 €

Ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre et du Goethe Institut.

 

Les témoignages des proches de Käthe Kollwitz font tous état de son laconisme. Ses œuvres, au contraire, parlent à voix haute, elles sont criantes ; elles revendiquent, dénoncent et déplorent. Du fait de cet écart entre le silence de la personne privée et la force expressive de son art, écart qui relève moins d’un état de fait que d’une méconnaissance critique, Kollwitz s’est parfois vu réduite à son image d’« artiste engagée » – femme, de surcroît, et Allemande, et figurative –, avec les conséquences que l’on peut vérifier pour la réception de son travail. C’est en vue de combler ce déficit que L’Atelier contemporain propose le texte intégral de son journal, à côté d’autres documents autobiographiques et de ses articles. Mise en perspective dans la préface de Marie Gispert, augmentée d’un vaste cahier iconographique retraçant l’évolution du travail de Kollwitz, ainsi que d’une centaine de documents photographiques totalement inédits en France, cette édition est appelée à constituer l’ouvrage de référence pour tous ceux qui souhaitent approcher l’œuvre de cette grande figure artistique.

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Dans ces écrits, dont le plus ancien remonte à 1908 – Kollwitz est alors âgée de 41 ans –, on découvre une personnalité dont l’indéniable engagement dans son époque est à la fois plus profond et plus fluctuant que ce que l’on pourrait imaginer. Plus profond, au sens où il s’enracine dans sa généalogie (une famille fortement marquée par l’évangélisme social et le marxisme) et dans sa vie la plus quotidienne (son mari médecin se consacre corps et âme à sa patientèle ouvrière). Plus fluctuant, parce qu’il se fonde justement, non sur une conviction intellectuelle inflexible, mais sur un rapport largement affectif aux événements qui se déchaînent autour d’elles. De sorte que qualifier Kollwitz de marxiste, de socialiste, ou seulement de pacifiste, relève d’une simplification qui nous rend aveugle à l’extrême complexité qui marque son époque, son propre rapport au monde, et donc son travail : « On me prête une conscience politique avisée. J’ai pourtant beaucoup de mal à me forger une opinion... » note-t-elle ainsi en 1920.

Ces textes constituent ainsi un document d’autant plus important pour la compréhension de son œuvre et de son temps, qu’il nous révèle une femme qui ne se conçoit pas moins comme un être privé que comme un animal politique, et qui affronte toute turbulence conjointement dans ces deux domaines. L’attention de Kollwitz est largement polarisée par sa vie familiale et intérieure ; et à côté des observations sur la vie publique et intellectuelle de l’Allemagne de la première moitié du XXe siècle, le Journal recueille nombre de notations extrêmement personnelles sur ses relations avec ses proches, sur ses voyages, ainsi que sur le face-à-face avec son travail, ses angoisses et ses phases de dépression. La mort au front de son fils Peter dès le déclenchement de la première guerre mondiale, puis sa volonté souvent désespérée de donner une expression plastique à sa douleur – double hantise qui ne trouvera à s’exprimer qu’en 1932, dans la sculpture des Parents endeuillés – constituent à cet égard un des fils rouges de ce document et la clef de compréhension d’un drame qui est tout autant celui de l’Europe que de son art et de sa vie intime.

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Käthe Kollwitz est née en 1867 à Königsberg (rebaptisée Kaliningrad en 1946). Elle a seize ans lorsqu’elle dessine pour la première fois des ouvriers – dessins inspirés tant par les poèmes entendus que par ses incursions dans les quartiers pauvres de Königsberg. Ses parents lui demandent pourquoi elle ne choisit pas de « beaux sujets » de dessin. « Mais ils sont beaux », répond-elle.

C’est durant ses études d’art à Munich qu’elle prend connaissance du pamphlet de Max Klinger en faveur du dessin, Peinture et Dessin. Pour Klinger, certains sujets nécessitent d’être dessinés. Les arts graphiques conviennent mieux que la peinture à l’expression des aspects les plus sombres de l’existence. Käthe lit et relit ces pages avec ferveur et comprend que sa vocation n’est pas de devenir peintre. De ce jour jusqu’à la fin de sa vie, elle renonce à la peinture et à la couleur : la force de son œuvre graphique est celle du noir et blanc.

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"Plus jamais la guerre", par Adrien Cauchie (en ligne le 17 décembre 2019).

Près de deux ans après avoir publié, pour la première fois en français, des extraits du journal de Käthe Kollwitz, L’Atelier contemporain en donne l’intégralité. Les lecteurs de l’allemand pouvaient déjà y accéder depuis 1989. Cette nouvelle édition est sans doute motivée par la tenue d’une rétrospective la concernant au musée de Strasbourg (octobre 2019-janvier 2020). Toute cette actualité rend pleinement justice à une artiste dont l’œuvre puissante mérite d’être connue et dont le journal a de quoi devenir un livre de chevet pour qui s’intéresse à l’art, à l’histoire ou à l’écriture de soi.