Questions de société
Etudiants en filière littéraire, pensez-vous que votre formation est adaptée au monde de l'entreprise ?

Etudiants en filière littéraire, pensez-vous que votre formation est adaptée au monde de l'entreprise ?

Publié le par Vincent Ferré (Source : Le Monde)

Article interactifEtudiants en filière littéraire, pensez-vous que votre formation est adaptée au monde de l'entreprise ?LEMONDE.FR | 18.09.08 | 11h59  •  Mis à jour le 18.09.08 | 13h24


La littérature mène à tout, même à l'informatique !, par Gwen Caradec, bachelière A1 (lettres-mathématiques), ex-élève d'hypokhâgne et de khâgne, informaticienne.On entend dire que la filière littéraire, mais aussi la filière scientifique perdent des effectifs. Où vont donc les étudiants ? Pour une bonne partie en filière commerce/finances, pardi, là où ils pensent pouvoir décrocher un métier bien payé. Ce n'est pas nouveau : quand j'ai entamé mon cursus littéraire au lycée, certains étonnés me disaient : "Tu veux devenir prof ?"
Or, cette filière permet de développer les qualités suivantes :
- une bonne culture générale
- une bonne orthographe, une qualité qui devient rare (dans mes différents jobs, j'étais préposée à la relecture de bataillons d'ingénieurs et de polytechniciens)
- rigueur, logique
- faculté à se poser des questions (le commentaire de texte est un exercice couramment pratiqué)
- esprit d'analyse et de synthèse (idem pour l'analyse et le résumé)
- une intelligence du monde : lire des auteurs très différents de votre monde ouvre l'esprit et permet de comprendre mieux le monde
- patience : un texte ardu ne se livre pas à vous immédiatement, il faut creuser
Bémol : il faudrait à mon avis :
- ne pas séparer la littérature d'autres matières complémentaires, comme les maths (ancien bac A1, très équilibré de ce point de vue)
- compléter cette formation littéraire générale par une formation plus professionnalisante ou un apprentissage (un BTS Edition et un apprentissage en informatique dans mon cas).

  • Vive ( vivent est aussi toléré) les humanités !, par Michel Frontère

Je termine un mastère 2 de lettres modernes après une reprise d'études. Je pense qu'on a tellement rabâché aux jeunes bacheliers que les études littéraires ne conduisaient à rien, hormis l'enseignement, qu'elles n'offraient pas suffisamment de débouchés, qu'ils ont déserté cette filière ; c'était flagrant l'an dernier à l'université Paul-Valéry, Montpellier-III. (...)

  • Eveiller l'esprit, par Jean-Charles Tissot

Après une classe prépa littéraire et une licence de philo, me voilà dans un poste de communication dans une entreprise du CAC 40. Certes, mon profil est atypique, néanmoins il est souvent jalousé. Le monde littéraire devrait plutôt être appelé ''des humanités'' car il vous enseigne mille et une sagesses et adresses que la vie peine à illustrer clairement. Le monde de l'entreprise a besoin de personnes cultivées, avec une conscience historique et culturelle importante. L'omniprésence de la pub, des enjeux mondiaux exigent des personnes à responsabilité de garder une certaine distance critique - distance qui, même si la personnalité la détermine grandement, est acquise, comprise et appropriée dans l'exercice littéraire ou plus généralement dans le développement d'une conscience humaniste.

La formation littéraire est cruciale pour l'effort de la pensée, par ailleurs exigée de la part de tout citoyen. Néanmoins, je le reconnais, elle n'est pas suffisante. Un normalien n'a pas plus d'aisance qu'un licencié de quoi que ce soit devant le type d'exigences demandées par l'entreprise. Tout se joue dans la vivacité d'esprit, dans la faculté d'intégrer le fonctionnement du monde de l'entreprise. Tout se joue aussi dans la volonté d'aller chercher des stages, de s'inscrire dans une perspective cohérente aux yeux de l'employeur. Le monde de l'entreprise est vaste, et il y a toujours un endroit où quiconque se sent chez soi.

  • Le principe de précaution, par Denoual Le Roux

Les filières littéraires ne répondent pas à l'impératif de pragmatisme contemporain, c'est ce qu'on veut bien nous dire. Titulaire d'une maîtrise en lettres grâce à la pratique de deux langues étrangères, j'ai travaillé dans la finance en back office, mais pas en France évidemment. Franchement, je n'ai jamais souffert de la comparaison avec des collègues issus de formation commerciale. Le problème essentiel des filières littéraires, ce sont les stéréotypes qu'elles véhiculent. Ainsi on pense que la recherche littéraire consiste en commentaires personnels et avis esthétiques inspirés, que le manque de sérieux est inhérent à ce type de cursus. La nécessité de la preuve et l'organisation d'un argumentaire ne relèvent pourtant pas de l'arbitraire. Les recruteurs craignent la différence et ne veulent pas prendre de risque. Le principe de précaution...

  • Yes we can !, par Elk H

Je suis intimement convaincue que les formations littéraires ont leur place dans l'entreprise. J'ai reçu une formation de traductrice quadrilingue suivie d'un mastère en management, je pense que notre profil apporte de la fraîcheur au monde du travail, car nous apportons une sensibilité différente (...), surtout dans la conjoncture actuelle où les gros groupes sont implantés partout et où le manque de connaissance de la culture locale peut avoir un effet désastreux, sans oublier un atout majeur comme les langues. Il reste à convaincre les DRH frileux de nous faire confiance, pas besoin de HEC ou autre "grande école" pour accomplir de GRANDES choses !

  • Une bien mauvaise image, par Stéphane B.

Après un bac L, j'ai effectué mes études à Lille-III, en anglais puis en infocom. Si certains cursus sont mal adaptés aux besoins de l'entreprise, on oublie souvent de préciser que les filières dites "littéraires" (je préférerais "pluridisciplinaires") s'ouvrent à la professionnalisation. Ainsi, mon mastère m'a permis d'être embauché avant la fin de mes études, puis de décrocher moins d'un an après un poste à la hauteur de mon diplôme. Aujourd'hui, après un concours réussi grâce aux enseignements pluridisciplinaires de ce mastère (une bonne base en culture générale notamment), je suis attaché territorial et travaille dans la communication publique. Alors, bien sûr, je ne travaille pas en entreprise, mais est-ce là une finalité ? Les universités de sciences humaines et sociales forment aussi à une insertion dans les secteurs publics et parapublics (plus de 50 % dans la filière dont je suis issu), auxquels sont peut-être moins préparés les étudiants sortant des écoles.