Questions de société
Démission collective des directeurs de départements littéraires de l'ENS

Démission collective des directeurs de départements littéraires de l'ENS

Publié le par Marc Escola



14 novembre 2006:

Au terme d'un constat sur les dysfonctionnements successifs des instances administratives de l'ENS
et suite à de graves dissensions entre la Direction de l'École et les différents départements dont la Bibliothèque des Lettres,

les directeurs des départements et de la bibliothèque littéraires

Jean-Loup Bourget (Histoire et théorie des arts)

Michèle Ghil (Langues et cultures d’ailleurs)

Jean-Louis Halpérin (Sciences sociales)

Claude Kergomard (Géographie)

Laure Léveillé (Bibliothèques des Lettres)

François Menant (Histoire)

Michel Murat (Littérature et langages)

Elisabeth Pacherie (Etudes cognitives)

Jean-Paul Thuillier (Sciences de l’Antiquité)


ont présenté leur démission collective à la Directrice de l'ENS,
Mme Monique Canto Sperber.


Les démissionnaires ont reçu le soutien des enseignants de l'École littéraire, qui se réuniront en assemblée générale vendredi 18 novembre, ainsi que celui des élèves. (Lire ci-dessous)

M. Duclert, commissaire de l'exposition "Lucien Herr & l'ENS dans l'Affaire Dreyfus" qui devait être inaugurée le 15 novembre, a également présenté sa démission le matin même et refusé de participer à l'inauguration.



Dépêche AFP (15.11.06 | 17h34) :
"La directrice de Normale Sup vivement contestée
Dix directeurs de départements et bibliothèques littéraires de l'Ecole normale supérieure (ENS) ont annoncé mercredi qu'ils démissionnaient pour protester contre les méthodes de la directrice, Monique Canto-Sperber, dont l'élection il y a un an avait déjà été contestée. "Il s'agit d'une décision grave et tout à fait inédite des enseignants-chercheurs responsables de toutes les unités de formation et de recherche qui composent la partie "Lettres" del'ENS", ont assuré les directeurs dans un communiqué. Ils reprochent à la directrice, dont la nomination par Jacques Chirac il y a un an, contre l'avis de la commission chargée de formuler un avis au président, avait déjà été vivement contestée, de "multiplier les initiatives et décisions personnelles (...) sans concertation préalable et souvent sans connaissance approfondie des dossiers".

Communiqué de presse:
"Les dix Directeurs des départements et bibliothèques littéraires de l’Ecole normale supérieure (Paris) ont adressé une lettre de démission collective à la Directrice de l’établissement (ci-dessous), Mme Canto-Sperber, le lundi 13 novembre. Les signataires de cette démission entendent marquer leur désaccord profond avec les méthodes de gouvernement de Mme Canto-Sperber. Il s’agit d’une décision, grave et tout à fait inédite, des enseignants-chercheurs responsables de toutes les unités de formation et de recherche qui composent la partie « Lettres » de l’ENS, dont Mme Canto-Sperber affirmait, lors de sa nomination, qu’elle se donnait pour mission de lui redonner tout son lustre. En réalité, depuis son entrée en fonction il y a un an, la Directrice de l’ENS, a certes obtenu un effort financier important de la part du Ministère de tutelle permettant à l’établissement de répondre à certains des défis de politique scientifique auxquels il est confronté, mais elle a aussi multiplié les initiatives et les décisions personnelles. Les directeurs des départements et bibliothèques littéraires sont amenés à constater en outre que toutes ces décisions ont été prises sans concertation préalable, et souvent sans connaissance approfondie des dossiers.
Le malaise patent dans les départements et les services, dû à ce gouvernement chaotique, s’est aggravé au cours de ces dernières semaines  : décision de tarifs élevés pour les lecteurs de la bibliothèque, contre l’avis du comité mandaté pour examiner cette question ; modalités d’application du nouveau diplôme ENS allant à l’encontre des engagements pris par le passé à l’égard des élèves ; mise en échec de négociations entreprises de longue date et visant au rapprochement des concours littéraires des ENS de Paris et de Lyon et à l’amélioration générale des classes préparatoires littéraires (« hypokhâgnes »  et « khâgnes ») ; désaveu public des professeurs expressément mandatés pour cette négociation, sans que ceux-ci puissent s’exprimer, etc.
Plus généralement, les départements littéraires ne sont pas tenus informés des décisions les concernant. En revanche, chaque département a subi des interventions discrétionnaires dans le détail de sa politique scientifique et internationale, dans le choix des Commissions de spécialistes (pour le recrutement de nouveaux enseignants) ou leur fonctionnement. Les directeurs de département ne sont pas consultés sur les orientations financières, dont certaines sont opaques. Les signataires de cette démission collective, à laquelle se sont associés d’autres responsables de l’ENS, estiment qu’ils ne peuvent plus travailler dans un climat de confiance et que la Directrice porte la responsabilité de ces graves dysfonctionnements."

Lire l'article de Libération (18 novembre 2006).

*  *  *

21 novembre:

Aux noms des directeurs de département démissionnaires, il faut désormais ajouter ceux d'enseignants-chercheurs & directeurs d'études de l'Ecole littéraire:
Houda Ayoub, Déborah Levy-Bertherat, Nadeije Laneyrie-Dagen, Mathilde Mahé,  Paul Clavier et Gilles Pécout

L'AG tenue vendredi 17 novembre et rassemblant quelque 92 personnes -- enseignants et représentants des élèves -- a voté 3 motions portant
1) sur L'annulation des décisions prises lors Conseil d'Administration du 16 octobre 2006 (dont celle sur les droits d'inscription à la bibliothèque qui a déclenché le mouvement);
2) sur le soutien aux démissionnaires;
3) sur la défiance envers Monique Canto-Sperber à qui l'on reproche, outre son autoritarisme et son interventionnisme, son inexpérience et son incompétence pour diriger l'ENS, ce d'autant plus qu'elle est par ailleurs engagée dans de multiples activités extérieures qui ont plus à voir avec son ambition personnelle qu'avec une saine gestion de l'établissement.

Compte rendu de l'AG:
L’AG débute à l’heure prévue. L’assistance compte environ 92 personnes, parmi lesquelles se trouvent des enseignants scientifiques, des élèves et certains de leurs représentants, ainsi que des personnels administratifs de l’ENS. Nadeije Laneyrie-Dagen (professeur d’histoire de l’art et représentante élue au CS) ouvre la séance, en rappelant que le manque d’expérience des membres de l’ENS en mouvement de contestation n’a pas facilité la diffusion des informations ni l’organisation des événements actuels. Elle transmet également à l’assemblée les excuses de Christophe Charle (directeur de l’IHMC et représentant élu au CA), qui a convoqué cette AG aux côtés des deux autres représentantes élues (Nadeije Laneyrie-Dagen et Lucie Marignac) mais est retenu par une soutenance de thèse.
    L’ordre du jour comprend donc la diffusion d’informations générales sur ces événements, afin d’éclairer l’ensemble des participants à l’AG sur leurs causes et leur développement ; on demandera ensuite aux collègues scientifiques de l’ENS de s’exprimer, afin d’aboutir à une discussion générale et enfin à un vote.
Il est décidé qu’Annick Peters se chargera de dresser un compte rendu de l’AG.

    Pour commencer, Nadeije Laneyrie-Dagen fait la liste des directeurs d’études de départements qui ont décidé de démissionner : Houda Ayoub, Déborah Lévy-Bertherat, Nadeije Laneyrie-Dagen, Mathilde Mahé et Gilles Pécout. Paul Clavier précise qu’en tant que directeur des études au département de philosophie, il est démissionnaire, et qu’en tant que directeur des études littéraires de l’ENS, il a refusé sa nomination, tout en acceptant d’exercer l’intérim.

    François Menant (professeur d’histoire médiévale et directeur du département d’histoire) explique la démarche des directeurs des départements littéraires et la raison de leur démission collective. Ceux-ci ne forment pas un corps, et ce n’est donc que récemment, à la suite d’une réunion des enseignants avec Monique Canto-Sperber, le 30 octobre, puis lors d’une première réunion entre directeurs, qu’ils ont pris conscience que les ingérences et pressions que chacun subissait quotidiennement de la part de la directrice constituaient un fait commun à tous. Cette prise de conscience, associée à l’intense lassitude ressentie par chacun d’entre eux et à la reconnaissance du fait qu’ils n’avaient guère le choix des armes dans la riposte, les a conduits à choisir après mûre réflexion de démissionner en bloc (plus tard dans l’AG, en revenant sur cette question, Francis Wolff, directeur du département de philosophie, ajoute que les directeurs des départements littéraires savaient qu’un entretien avec la directrice ne changerait rien, et que certains parmi eux, ne pouvant plus supporter ses pressions, désiraient démissionner de toute façon). La décision de démissionner a donc été prise après un vote qui avait recueilli l’unanimité des voix moins une et une abstention.
    François Menant pose donc la question de la suite à donner à l’opposition à la directrice : deux voies semblent possibles, la démission de la directrice (ce qui soulève le problème des pressions qui pourraient s’exercer sur elle pour l’y décider) ou une négociation, qui permettrait de lui imposer des conditions dont on pourrait surveiller l’application permanente par l’intermédiaire d’une sorte de « comité de surveillance ».

    Annick Peters souligne le développement d’une éventuelle divergence entre le mouvement des démissionnaires et les membres du collectif constitué pour s’opposer entièrement et par principe à des frais d’entrée à la bibliothèque (divergence dont la directrice pourrait faire usage) ; elle mentionne également la possibilité de recourir, en cas de fin de non recevoir de la part de la directrice de l’ENS, à un médiateur, éventuellement choisi par le ministère. À propos des frais d’entrée, Laure Léveillé, directrice démissionnaire de la bibliothèque des Lettres, précise que le vote du CA du 16 octobre, qui a institué ces frais, n’est que l’aboutissement des pratiques de gouvernement de la directrice, contre lesquelles les démissionnaires se sont unanimement soulevés.

    Gilles Pécout (professeur d'histoire contemporaine et directeur des études en histoire) prend la parole sur la question de la réforme des concours. Il rappelle un point d'histoire, donne ses positions sur le fond et s'associe clairement à travers cette question à la dénonciation des pratiques de la directrice.
Sous la direction précédente de l'ENS, une réflexion avait été entamée sur l'évolution des classes préparatoires littéraires (A/L) à partir du constat d'une diminution de leurs effectifs. C'est à ce titre et en accord avec ses collègues du département que Gilles Pécout, a participé aux premières réunions. La réflexion a débouché sur la nécessité d'imposer de véritables hypokhâgnes indifférenciées préparant à Ulm et à Fontenay (puis Lyon) pour revitaliser le vivier.
À partir de là, la discussion s’est structurée par disciplines. Mandaté par l'Inspection générale d'histoire et de géographie, et par la nouvelle direction de l'ENS, Gilles Pécout s'est retrouvé dans un groupe de réflexion sur l'histoire dans les programmes des hypokhâgnes indifférenciées et au concours d'entrée. La création d'une banque d'épreuves communes avec un programme commun apparaît comme une solution pour s'assurer du caractère vraiment indifférencié des hypokhâgnes et contribuer à freiner le tarissement des effectifs. Mais ce programme commun ne signifie en rien la fusion des filières (ou des Écoles) ni l'abandon des spécificités de chaque École. Gilles Pécout, qui a communiqué à la direction et à ses collègues historiens les documents préparatoires écrits et tenu compte de leurs réactions, défend le maintien d'un esprit général des programmes en proposant de très larges questions en alternance : l'une sur le xixe siècle depuis 1789 et l'autre sur le xxe siècle, avec l'assurance que l'histoire de France soit toujours représentée dans le binôme.
Tel était l'état des tractations avec les représentants de Lyon et les divers professeurs de khâgne lorsque la directrice est intervenue comme de droit. Cette intervention est significative des pratiques dénoncées. Première étape : absence de concertation et refus de réunir les représentants des divers groupes de réflexion de l'établissement. Deuxième étape : désaveu public et officiel des enseignants concernés à partir d'une affirmation mensongère ou pour le moins oublieuse (remise en question de la légitimité des groupes). Troisième étape : intervention d'autorité à partir d'une connaissance incomplète des dossiers et d'un discours superficiel sur la défense de la spécificité de l'École. Quatrième étape : lettre personnelle de regret sur le « malentendu navrant » et l'incompréhension de ses propos et récupération officielle du travail des groupes avec félicitations directoriales aux désavoués de la veille (e-mail du 16/11 envoyé par la direction à tous).

    Jean-Paul Thuillier (directeur du département des sciences de l’Antiquité) répond au reproche, qui a souvent été adressé aux directeurs de département, de faire eux-mêmes de la rétention d’information ; en fait, les directeurs ne sont pas au courant des négociations touchant les départements de leurs collègues, et lui-même ignorait totalement que l’histoire et la philosophie faisaient partie des épreuves concernées par la réforme du concours, et non seulement les langues anciennes.

    Le cas particulier de la bibliothèque des Lettres est exposé par sa directrice, Laure Léveillé. La question des frais d’entrée était envisagée depuis 2004 et des discussions ont eu lieu depuis, le conseil des Sages en a eu connaissance. Les conclusions des groupes de travail relatifs à la question ont été transmises à Monique Canto-Sperber, qui en a transformé le contenu. D’autre part, la précipitation qui a présidé à la décision du CA est née de l’annonce, en juillet 2006, par la directrice de l’ENS, que désormais le seul financement que recevrait la bibliothèque des Lettres de l’École tiendrait dans la dotation quadriennale (qui représente seulement 1/3 du budget de la bibliothèque) car la Dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’ENS, traditionnellement affectée en grande partie au fonctionnement de la bibliothèque, ne verserait plus un sou pour cette dernière. D’où la décision de percevoir des frais d’entrée de la part des lecteurs et de chercher de généreux mécènes (ce fund raising relevant d’ailleurs d’un monopole de la direction).
    Depuis les propos de la directrice de l’ENS ont été infirmés par Jean-Claude Mallet, le président du CA. En fait, Monique Canto-Sperber s’abrite derrière le « fameux » rapport que l’Inspection générale des finances a fait sur l’École, et qu’elle est la seule à avoir lu, ayant toujours refusé d’en communiquer les conclusions (sinon ponctuellement, à propos des Presses de l’ENS, conclusions du reste fortement critiquées, voire jugées irrecevables) pour refuser d’utiliser la DGF pour le financement de la bibliothèque. Aucun texte, apparemment, ne l’interdit de fait.
    Laure Léveillé a donc procédé à la rédaction de 6 scénarios financiers, depuis le scénario catastrophe (budget de la bibliothèque réduit des 2/3) au scénario de « la vie heureuse » (retour au budget traditionnel) qu’elle a transmis à la directrice ; depuis, l’ensemble de l’activité de la directrice de la bibliothèque des Lettres consiste à gérer la crise, ce qui entraîne un énorme gaspillage d’énergie.

    Quelques scientifiques prennent alors la parole : Pierre-François Cohadon, maître de conférences en physique et représentant élu au CA, souligne la solidarité des scientifiques sur la question des intolérables modes de gouvernement de la directrice, mais confesse la faible mobilisation de ses collègues, en raison de la mauvaise diffusion de l’information, et du fait que les problèmes les plus graves concernent essentiellement les seuls littéraires. Il ajoute que, pour sa part, il a été témoin, en CA-CS restreint, de scènes où la directrice de l’ENS manifestait publiquement son désaveu du choix de commissions de spécialistes « littéraires ». Pierre-François Cohadon relève enfin qu’une des sources des problèmes actuels provient du fonctionnement aberrant du CA, qui comprend 10 membres nommés pour seulement 10 membres élus (avec une voix prépondérante pour le président du CA, NB), mais que les problèmes naissent également d’un fonctionnement perverti du système en amont du CA.
    Monsieur Claude Delalande, directeur de laboratoire au département de physique et représentant élu au CA (qui rappelle que le budget en physique à l’École a été divisé par trois, ce qui a conduit les laboratoires de physique de l’ENS à s’associer avec le CNRS pour bénéficier de financements CNRS, et à supprimer la moitié des abonnements de la bibliothèque de physique), fait état d’une identité de point de vue entre scientifiques et littéraires sur les questions de forme (gouvernement) mais pas de fond : d’après lui, l’immense majorité des scientifiques sont d’accord avec le diplôme de l’ENS « à titre expérimental ». L’existence d’un tel consensus est remise en cause immédiatement par le précédent intervenant, Pierre-François Cohadon, par Frédéric Paulin, directeur de la FIMFA (formation Licence-Master en mathématiques suivie par les élèves mathématiciens), et par Frédéric Caupin, maître de conférences en physique et ancien élu au CA.

    Ce dernier propose de voter une motion pour exiger la suppression des frais d’entrée à la bibliothèque, ce qui ne fait pas l’unanimité à l’AG, qui a été réunie pour évoquer les moyens d’opposition à la directrice, et non les questions de fond (sur lesquelles les gens sont d’ailleurs divisés). D’autre part, si les pratiques de la directrice sont intolérables, ce n’est pas en revanche aux directeurs des départements de définir la politique de l’ENS, mais au CA.
    Francis Wolff explique que les directeurs des départements démissionnaires ont pu, à l’occasion d’une rencontre prévue de longue date avec le président du CA, Jean-Claude Mallet, exposer pendant 5 heures leurs doléances respectives (qui n’ont pas été mises par écrit). Ainsi, si le dialogue doit reprendre, ce sera en présence du président du CA, que l’écoute de ces doléances a rendu de facto médiateur.

    Les deux représentants des élèves présents à l’AG sont invités à exprimer le point de vue de leurs camarades. Ils mentionnent l’existence d’un texte envoyé à tous les élèves par leurs représentants et indiquant qu’ils sont d’accord sur tout avec le mouvement actuel. Ils soulignent la volonté de la directrice de diviser l’École en opposant les élèves aux enseignants ; ce fut particulièrement le cas l’an passé, lorsque la directrice a pris l’initiative d’un projet d’évaluation des enseignants par les élèves (pour imposer les masters co-habilités). Les élèves ont des revendications communes : si tous ne sont pas opposés au diplôme de l’ENS (de toute façon imposé par le vote du CA du 16 octobre dernier), ils sont en revanche unanimes pour exiger qu’il soit facultatif pour les Normaliens et en tout état de cause gratuit (ce qui n’est pas aujourd’hui le vœu de la directrice) ; les élèves ont l’intention de faire pression sur la directrice et sur le président du CA dans ce sens.

    Bernard Pautrat (maître de conférences en philosophie) évoque, à titre d’exemple, encore, des méthodes intolérables de la directrice, une lettre de cette dernière datée du 17 novembre, portant sur une commission de spécialistes en philosophie, qui doit se réunir le 22 pour attribuer un demi-poste d’ATER et procéder à l’examen « du dossier de candidature » (un simple C.V. attestant une relation lointaine entre l’impétrant et la philosophie). L’assemblée paraît très choquée par ce fait, qui semble toutefois courant…

    Enfin, on passe aux questions à soumettre au vote ce jour (car il faut que les déclarations issues de l’AG soient claires en vue de la reprise des discussions au début de la semaine suivante).

    Les votants sont constitués des enseignants-chercheurs de l’École quel que soit leur statut et des membres du personnel de la bibliothèque présents. Les éventuels votants scientifiques (alors réduits à 2 personnes) décident de ne pas voter, estimant qu’ils ne représentent pas la cinquantaine d’enseignants des départements scientifiques). On comptabilise alors 70 votants.

    Après quelques débats (portant sur l’opportunité de faire porter en haut lieu une demande de démission de la directrice, ou sur celle de demander à voir le rapport de l’IGF), Lucie Marignac (directrice des éditions de la rue d’Ulm et représentante élue au CA) propose, en accord avec Nadeije Laneyrie-Dagen, le vote de 3 motions. Il est précisé, sans que cela soit intégré au texte des motions, que le « soutien » accordé aux directeurs (motion 2) n’est pas un « mandat » de représenter les enseignants ; le choix dans la motion 3 du mot « directrice » ou « direction » suscite un débat : le mot « direction » aurait vraisemblablement rallié le même nombre de suffrages que les deux premières motions, « directrice » paraissant à quelques-uns trop personnalisé.
Les trois motions adoptées sont :
1. L’annulation de certaines décisions prises au CA du 16 octobre 2006 (caractère obligatoire et modalités d’application du diplôme de l’ENS, question des frais d’entrée à la bibliothèque)
2. Le soutien aux directeurs des départements et directeurs des études démissionnaires, ainsi qu’au collectif du personnel de la bibliothèque et aux représentants élus.
3. La défiance envers la directrice de l’ENS.
 
Résultats :
Question 1 : L’annulation de certaines décisions prises au CA du 16 octobre 2006 (caractère obligatoire et modalités d’application du diplôme de l’ENS, question des frais d’entrée à la bibliothèque)
    Pour : 69   
    Contre : 0       
    Abstention : 1       
  
Question 2 : Le soutien (qui ne signifie pas mandat) aux directeurs des départements et directeurs des études démissionnaires, ainsi qu’au collectif du personnel de la bibliothèque et aux membres élus
    Pour : 68   
    Contre : 1
    Abstention : 1

Question 3 : La défiance envers la directrice de l’ENS
    Pour : 57
    Contre : 5
    Abstention : 8

L’ordre du jour ayant été épuisé dans des délais raisonnables, la séance est levée à 14h25.

*  *  *

Article du Canard enchaîné du mercredi 22 novembre, p. 2 :

   "La hussarde de Normale Sup' (suite)

    La prestigieuse Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm tangue comme un bateau ivre. La révolte contre son autoritaire directrice, la philosophe Monique Canto-Sperber, ne faiblit pas depuis la démission, intervenue le 13 novembre et révélée par "Le Canard", des dix directeurs des départements littéraires.
    Depuis, c'est Mai-68 ou presque : une assemblée générale réunissant l'ensemble des enseignants littéraires et des représentants des enseignants scientifiques s'est tenue le 17 novembre. Elle a voté une motion demandant l'annulation des deux décisions du conseil d'administration du 16 octobre qui ont mis le feu aux poudres : le vote de droits lourdement payants à la Bibliothèque ; et la création d'un diplôme de fin d'études obligatoire et, lui aussi, payant. Qui plus est, une motion de "défiance envers la directrice " a recueilli 57 voix sur 70. 
    Directement responsable de sa nomination brutale, il y a un an, l'Elysée surveille l'affaire comme le lait sur le feu et tente d'élaborer un scénario de sortie de crise. Canto-Sperber, qui prend le temps de causer à France Culture et à Public-Sénat avec Elkabbach, s'est déjà fait remonter les bretelles par les dircab' des ministres de l'Education nationale et de la Recherche, Robien et Goulard.
    L'intéressée est désormais "mise sous tutelle", selon le mot d'un conseiller de Chirac. Elle ne pourra plus prendre de décision importante sans l'aval du président du conseil d'administration de l'ENS, le conseiller d'Etat Jean-Claude Mallet. Lequel avait, en fait, été nommé pour l'"encadrer". Aujourd'hui, en privé, il assure qu'il cherche pour Canto-Sperber, à terme, une "porte de sortie" - comprendre : sa démission - car "la situation n'est pas récupérable"... "L'important, c'est de tenir encore six mois, jusqu'à la présidentielle", tente de se rassurer le conseiller de l'Elysée.
    A vrai dire, une cascade de démissions avait déjà salué, en novembre 2005, la nomination de Canto-Sperber, due à un efficace coup de piston de la conseillère élyséenne Blandine Kriegel, passant outre l'avis de la Commission ad hoc. Ainsi s'étaient retirés les présidents du conseil d'administration et du conseil scientifique. Reconnaissante, Canto-Sperber s'était dépêchée de renvoyer l'ascenseur en nommant à la présidence de la Fondation de l'ENS Alexandre Adler. Lequel n'est autre que le mari, à la ville, de son "amie de trente ans" Blandine Kriegel, la conseillère de l'Elysée.
    Evidemment".

*  *  *
Tous les textes des lettres, messages, tribunes et revue de presse sur le blog: