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Croire au merveilleux scientifique? (Séminaire des Doctoriales de la SERD)

Croire au merveilleux scientifique? (Séminaire des Doctoriales de la SERD)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Émilie Pézard)

Le séminaire des jeunes chercheurs de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes, consacré cette année au thème « Croire », donne lieu le 25 février prochain à une séance organisée par Émilie Pézard sur les rapports entre croyance, science et merveilleux.

Tandis que l’essor du positivisme semble consacrer la victoire de la raison sur le surnaturel, la seconde moitié du XIXe siècle voit se développer le « merveilleux scientifique », qui représente des phénomènes stupéfiants appartenant pourtant au champ d’étude de la science. Comment pense-t-on alors la contradiction qu’implique cette nouvelle forme de merveilleux alliant extraordinaire et rationalité ? Quelle est la place de la croyance dans la représentation de ces phénomènes invraisemblables mais possibles ?

Manon Amandio (Université Paris-Nanterre) : Représenter l’irreprésentable : la question du magnétisme dans les Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe

Parfois qualifiées de « fictions scientifiques[1] », certaines nouvelles d’Edgar Allan Poe représentent des événements extraordinaires rendus compréhensibles par une explication rationnelle. C’est notamment le cas de trois des nouvelles des Histoires extraordinaires, « La vérité sur le cas de M. Valdemar », « Révélation magnétique » et « Les souvenirs de M. Auguste Bedloe », dont le magnétisme est le sujet principal.

Pratique controversée reposant sur la croyance en des fluides universels invisibles, le magnétisme mis en fiction, représenté tant par les réflexions du narrateur-personnage sur le sujet que par la scène magnétique, pose la question de la croyance du lecteur face à une fiction qui exprime un savoir lié à des phénomènes extraordinaires. Cette communication interrogera donc la capacité de la représentation du magnétisme à articuler, par le biais du rapport à la croyance, les notions de merveilleux et de scientifique dans les nouvelles d’Edgar Allan Poe.

Anne Orset (Université Paris-Sorbonne) : La profession de foi des Rougon-Macquart : du « merveilleux physiologique » à l’œuvre dans le naturalisme de Zola

La série des Rougon-Macquart contient quelques faits extraordinaires (delirium tremens de Coupeau, combustion spontanée de Macquart, innéité du docteur Pascal) qui font surgir le merveilleux au cœur du roman naturaliste, pourtant conçu par Zola comme une stricte observation du réel. En examinant les différents régimes de croyances (superstition du profane, dogmatisme du savant, convictions du romancier) auxquels sont soumises ces scènes qu’on pourrait qualifier de « merveilleux physiologique » on se propose de réinterpréter le naturalisme zolien comme le credo en un pouvoir merveilleux des forces vitales à l’œuvre dans la nature, à la lumière du Traité d’hérédité naturelle dans lequel Lucas, l’inspirateur de Zola, confesse une « foi profonde » en « la magie de la nature ». C’est aux interférences entre les partis-pris esthétiques du romancier et ses convictions épistémiques qu’on voudrait ici s’intéresser.

Clément Hummel (Université de Caen) : Au-delà des légendes et des superstitions : le rationalisme scientifique de Rosny aîné

« J.-H. Rosny ne dit pas “Dieu”, mais « la nature » », écrivait Maurice-Verne en 1917. Encore faudrait-il ajouter avec Dominique Warfa qu’à ses yeux « seule compte la Nature (avec une majuscule !), et corollairement la science qui peut la décrire ». Si l’auteur de La Mort de la Terre et des Navigateurs de l’Infini se caractérise par une imagination débridée et l’invention de « créatures faites d’une autre matière que notre matière » qui ont fait de lui la figure tutélaire du merveilleux-scientifique, il est nécessaire de rappeler que Rosny aîné est avant tout le « poète du cosmos », des sciences et du rationalisme. Se conjuguent chez Rosny une « passion poétique [pour les sciences] » et la recherche du vrai, de l’authentique, du factuel. En effet, l’individu n’a pas besoin de croire en la potentialité d’éléments extraordinaires, mais en un « océan de probabilités » (« La Goule », 1900) offert par la Nature : c’est la seule merveille qui pourra produire une épiphanie. La majorité des récits estampillés « merveilleux-scientifique » de Rosny aîné illustrent l’hésitation propre au fantastique : ainsi cette infirmière sur un champ de bataille en 1914 qui, voyant deux soldats absolument identiques, se croit « dans une réalité supérieure » (L’Enigme de Givreuse, 1917) ou la rationalisation à l’excès du vampirisme, traité comme le symptôme à soigner d’une maladie liée au magnétisme (La Jeune Vampire, 1911). Nous proposerons une lecture des récits fantastiques de Rosny aîné en analysant la façon dont le romancier du merveilleux-scientifique soulève le voile du spiritisme à l’aide de la science et du rationalisme pour faire apparaître la vérité.

 

Le séminaire a lieu dans le bâtiment C, salle 678, de 10h à 13h. Tous les jeunes chercheurs dix-neuviémistes sont les bienvenus.

Université Paris Diderot, 5 Rue Thomas Mann, 75013 Paris. Métro ligne 14, RER C, bus 62, 64, 89, 325, tram T3a.

À propos du séminaire « Croire » : http://doct19serd.hypotheses.org/407

À propos des Doctoriales de la SERD : http://doct19serd.hypotheses.org/

Pour toute demande d’information : contact.doctoriales.serd@gmail.com

Cette séance de séminaire bénéficie du soutien de l’ANR Anticipation :  http://anranticip.hypotheses.org/

 

 

[1] Jean-François Chassay, « Revenir d’entre les morts : Poe et le magnétisme animal », Edgar Allan Poe, une pensée de la fin, sous la direction de Jean-François Chassay, Jean-François Côté, Berrtand Gervais, Montréal, Liber, 2001, p. 91.