Questions de société
L. Ferry  sèche ses cours, mais qui va payer la note? dossier màj 18/06/11

L. Ferry sèche ses cours, mais qui va payer la note? dossier màj 18/06/11

Publié le par Marc Escola

Selon le Canard Enchaîné de mercredi, Luc Ferry a perçu "4499 euros net par mois" pour toute l'année 2010-2011, pour 192 heures de cours... non donnés. Le président de l'université Paris 7, Vincent Berger, avait rappelé le 31 mai à Luc Ferry, dans un troisième courrier, son "obligation" de donner les cours.

Reçu à Matignon pour s'expliquer, Luc Ferry a déclaré faire partie des enseignants détachés auprès d'administrations, et attendre encore "l'arrêté de détachement" auprès du Conseil d'analyse de la société lui permettant d'être dispensé de cours à l'université.

On apprend que "Matignon paiera pour les cours non assurés"...avec l'argent public, avec lequel L. Ferry avait déjà été rémunéré pour les cours qu'il n'a pas donnés!

Lire le Communiqué de QSF sur "L'affaire Luc Ferry" (15/06/11). Sur SLU, lire une revue de presse ainsi que  Moi Luc F., entre fiction et non-fiction. Retour sur l'évangile selon Sot Luc 

Lire aussi: "Des nouvelles de nos ex: Ferry sèche les cours" (Le Mammouth déchaîné, juin 2011)

- Dépêche AFP du 10/06/2011:

Matignon prendra en charge le remboursement à l'université Paris-Diderot (Paris-VII) des salaires versés à Luc Ferry, en raison des cours qu'il n'a pas assurés en 2010-11, selon l'entourage du premier ministre, François Fillon. L'ancien ministre de l'Education est actuellement détaché en tant que président délégué du Conseil d'analyse de la société, organisme placé auprès du premier ministre, et "Matignon prendra bien entendu le remboursement en charge", a précisé cette source. "On est en train de finaliser" la procédure de remboursement du salaire versé à Luc Ferry par l'université Paris-Diderot, "ce n'est pas encore signé", avait auparavant indiqué le président de l'université, Vincent Berger. Dès lors, Luc Ferry "ne fera pas cours", d'ici à la fin de l'année universitaire, avait-il ajouté. "La régularisation est en cours, Luc Ferry est détaché pour l'année universitaire 2010-2011 et le remboursement de son salaire à l'université pour l'année 2010-2011" est prévu, avait de son côté souligné le ministère de l'Enseignement supérieur.

- Dépêche AFP du 11/06/2011:

Le député UMP Yannick Favennec a protesté aujourd'hui contre la décision de Matignon de rembourser à l'université Paris-Diderot des salaires versés à Luc Ferry pour des cours qu'il n'a pas assurés en 2010-11, jugeant que c'était au philosophe de le faire. "Je trouve scandaleux que ce soit Matignon qui rembourse l'université (Paris-VII) où Ferry n'a jamais exercé! C'est à lui de le faire, pas au contribuable", a écrit l'élu de Mayenne dans un tweet.
Interrogé par l'Agence France-Presse, il s'est ensuite demandé ce qui justifiait de rémunérer ainsi l'ex-ministre de l'Education. "Si Matignon dit on rembourse parce que M. Ferry était détaché par l'université dans un organisme sous son autorité (le Conseil d'analyse de la société, dépendant du premier ministre, ndlr) j'aimerais savoir quels rapports, quels travaux il a produits à Matignon qui justifient" le remboursement, a dit Yannick Favennec. "Dans le contexte actuel, je ne pense pas que ce soit une bonne image de la politique qu'on renvoie, ça me navre!", a-t-il ajouté.
Luc Ferry "a perçu l'argent, c'est à lui de rembourser les sommes qui lui ont été versées de manière indue puisqu'il n'a pas exercé son professorat", a ajouté le député.

Comme le signale  La Provence dans ses colonnes:
s'il est accusé aujourd'hui par [Le Canard] de bénéficier d'"un emploi fictif", c'est sous son autorité de ministre de l'Éducation nationale qu'il a été décidé en 2003 d'accorder un poste tout aussi fictif à Charles Debbasch, l'ancien doyen de la fac de Droit d'Aix et conseiller privilégié de la famille Gnassingbé qui dirige le Togo depuis 1967. 

Voir aussi la chronique de François Morel sur France Inter: Ferme ta gueule, Luc Ferry


À lire sur SLU:

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"Avec la loi sur l'autonomie, Luc Ferry ne peut plus sécher ses cours", par Philippe Jacqué, "Le Monde", 7 juin 2011

Luc Ferry manque à son université. Professeur de philosophie à l'université Paris-Diderot (Paris-VII) depuis 1996, l'ancien ministre de l'éducation nationale était censé assurer cette année ses enseignements. Sa mise à disposition auprès du Conseil d'analyse de la société (CAS) qu'il préside est obsolète depuis septembre 2010. Depuis cette date, il aurait donc dû reprendre son service d'enseignant-chercheur en plus de sa charge de président du CAS. Chose qu'il n'a jamais faite, déplore-t-on à Paris-VII.

En fait, depuis 1996, le philosophe n'a jamais mis les pieds sur le campus de Paris-Diderot, "ni le moindre orteil", relève un universitaire de la faculté de lettres, arts et cinéma, dont relève le philosophe. Luc Ferry a toujours bénéficié de décharge de service d'enseignement, sous forme d'arrêté ministériel. De 1994 à 2002, quand il présidait le conseil national des programmes du ministère de l'éducation, puis pendant la période où il était ministre de l'éducation nationale (de 2002 à 2004), puis en tant que président du CAS depuis 2004.

Pendant ses divers mandats, l'université assurait le traitement du fonctionnaire - autour de 4500 euros aujourd'hui -, tandis que chaque institution lui donnait une allocation de fonction. Le CAS lui alloue par exemple 1 700 euros mensuel.

Cependant, avec la loi d'autonomie des universités, tout change… Etant responsable de sa masse salariale et de sa politique de ressources humaines, une université ne peut plus justifier ce type de mise à disposition non compensée. En effet, explique au Monde Vincent Berger, président de l'université Paris-Diderot, "depuis que notre université a accédé à l'autonomie, nous sommes responsables et comptables de nos emplois et nous ne pouvons pas accorder de décharge d'enseignement sans raison ou sans convention de détachement de personnel. Depuis septembre 2010, Luc Ferry devrait assurer son service d'enseignement comme tous les professeurs. Cela fait quelques mois que nous lui demandons de régulariser sa situation et nous espérons que cela sera fait très prochainement."

Contacté par Le Monde, Luc Ferry estime qu'il ne s'agit là que d'un simple "pépin administratif". "En tant que président du CAS, je bénéficie d'une mise à disposition, car j'ai beaucoup de travail. Avec la nouvelle loi d'autonomie des universités, les mises à disposition prennent simplement plus de temps… Il faut passer par une convention entre le CAS et l'université. Tout va donc rentrer dans l'ordre."

"CELA PEUT RELEVER D'UN EMPLOI FICTIF"

Cependant, comment un membre du conseil d'administration (CA) de Paris-Diderot, cette perspective est impossible : "Une université n'a pas le droit d'employer une personne qui ne travaille pas pour elle. Cela peut relever d'un emploi fictif".

Au ministère de l'enseignement supérieur, on s'agite donc pour trouver une voie de sortie honorable à Luc Ferry. L'idée est ainsi de donner une "délégation du CNRS" à l'universitaire. Tout en restant à Paris-VII, cette procédure permettrait à Luc Ferry de "cesser tout service d'enseignement pendant le temps de sa délégation (six mois ou un an) pour se consacrer à une activité de recherche au CNRS".

Afin de valider cette décision, le CA de Paris-Diderot a dû se réunir le 31 mai en formation réduite aux seuls enseignants-chercheurs pour analyser cette demande du CNRS. Selon un membre du CA, "beaucoup d'universitaires ont alors découvert que Luc Ferry était membre de l'université, et qu'il n'y enseignait pas !"

"Je n'ai aucune envie d'être dans l'illégalité", assure Luc Ferry, par ailleurs membre du comité consultatif national de l'éthique. "Je me suis mis d'accord avec Paris-VII. Si la convention entre le CAS et l'établissement n'est pas signé avant le 15 juin, je ferai mes heures d'enseignement." Avec la fin des cours, peu d'étudiants fréquentent encore le campus si ce n'est pour se rendre à la deuxième session d'examens. Il sera donc difficile de caser les 192 heures d'enseignement qu'il doit pendant les deux dernières semaines de l'année. Pour le philosophe, ce n'est pas un problème : "Je ferai une leçon façon Collège de France", comme le lui a proposé l'université. - Philippe Jacqué