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Nouvelle parution
A. de Alcântara Machado, Brás, Bexiga et Barra Funda. Informations de São Paulo (inédit en fr.)

A. de Alcântara Machado, Brás, Bexiga et Barra Funda. Informations de São Paulo (inédit en fr.)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Antoine Chareyre)

António de Alcântara Machado, 

Brás, Bexiga et Barra Funda (Informations de São Paulo)

Inédit en français. Édition critique et pseudo-fac-similé. 

Traduction du portugais (Brésil), suppléments, notes, bibliographie et postface par Antoine Chareyre.

Paris, L’oncle d’Amérique, mai 2021.

EAN13: 9782957497607 — 252 p. — 21 €

Parution le 07/05/2021.

 

« Brás, Bexiga et Barra Funda est l’organe des Italo-Brésiliens de São Paulo. (…) Brás, Bexiga et Barra Funda, en tant que membre de la presse libre, tente de fixer tout au plus quelques aspects de la vie laborieuse, intime et quotidienne de ces nouveaux métis nationaux et nationalistes. C’est un journal. Rien de plus. De l’information. C’est tout. Il n’a ni parti ni idéal. Il ne commente pas. Il ne discute pas. Il n’approfondit pas. (…) Dans ses colonnes, on ne trouve pas une seule ligne de doctrine. Ce ne sont que faits divers. Événements de la chronique urbaine. Épisodes de la rue. (…) Brás, Bexiga et Barra Funda n’est pas un livre. »

(La rédaction.)

« Une affaire sérieuse. »

« En fin de compte, ce que voulait vraiment Alcântara Machado c’était tuer la littérature. Il l’a tuée. Brás, Bexiga et Barra Funda est le meilleur journal jamais apparu au Brésil. Il ne contient pas une goutte de littérature. » | Carlos Drummond de Andrade

L’AUTEUR | Le Brésilien António de Alcântara Machado (1901-1935) se forme dans le journalisme au début des années vingt et, repéré par Oswald de Andrade, rejoint bientôt l’avant-garde de São Paulo dont il se fait un enthousiaste agitateur, assumant la direction de la revue Terra roxa e outras terras (1926) et de la fameuse Revista de Antropofagia (1928-1929). Après la parution remarquée du reportage Pathé-Baby (1926) – déjà traduit en français –, il s’impose avec les nouvelles de Brás, Bexiga et Barra Funda (1927) et de Laranja da China (1928) comme un prosateur essentiel de sa génération, en styliste hors pair et génie de la forme ultra-courte. Disparu précocement, il laisse quelques nouvelles éparses, un roman inédit, des travaux érudits du côté de l’historiographie brésilienne et une œuvre copieuse de journaliste, critique et chroniqueur. À l’égal de ses amis Oswald de Andrade et Mário de Andrade, mieux connus en France, il demeure aujourd’hui un classique du modernisme brésilien.

« Ses livres sont tous des sortes de chef-d’œuvre parce qu’il réalise toujours intégralement ce qu’il a entrepris. »

« Un exemple typique de l’affaire pliée. » | Mário de Andrade

« Je le baptiserais volontiers António de Alcântara Machado de Assis. » | Oswald de Andrade

LE TEXTE | Le petit Gaetaninho, entre deux parties de foot en pleine rue, rêve de traverser la ville en fiacre, mais ce n’est pas simple pour un humble gamin des faubourgs. La belle Carmela Santini, couturière typique, s’offre les frissons du flirt en automobile dans les rues chic du centre. Aristodemo Guggiani, jeune homme remuant, n’était pas le mieux désigné pour devenir un bon patriote brésilien ; le service militaire achèvera sa formation. Nicolino Fior d’Amore, garçon de coiffure, rumine son chagrin amoureux et cède au coup de folie. Adriano Melli aime Teresa Rita, qui le lui rend bien, mais comment épouser une fille de l’aristocratie locale quand on est le fils d’un parvenu italien ? La pauvre Lisetta Garbone, elle, aimerait bien avoir un bel ourson comme cette fille riche croisée dans le tram, c’est toute une scène. Puis ce sont les histoires, heureuses ou tragiques, de Miquelina dont le cœur balance entre deux joueurs au gré d’un match de foot, de l’orphelin Gennarinho Intaliano promis aux hautes destinées de la politique, de dona Nunzia et de sa famille au deuil un peu démonstratif, de l’habile commerçant Natale Pienotto, du barbier Tranquillo Zampinetti en pleine crise de citoyenneté…

D’un exotisme paradoxal, les onze nouvelles qui composent ce petit volume très concerté, paru en 1927, sont toutes consacrées à l’évocation d’une drôle de population : cette communauté italienne, omniprésente et pittoresque, qui fait de la ville de São Paulo, au début du XXe siècle, une véritable « petite Italie ». Le recueil emprunte justement son titre aux trois quartiers périphériques où se concentraient alors les plus humbles de ces immigrés et de leurs descendants. Et si le sous-titre Informations de São Paulo finit d’assimiler le livre à un journal local, c’est parce que l’auteur, journaliste avant toute chose, se plaît à traiter cette vivante thématique dans l’esprit d’un authentique chroniqueur, voire d’un simple fait-diversier, loin de toute littérature ou, plutôt, de toute affectation littéraire, de toute prétention à la fiction. Ce qu’expose éloquemment la préface originale, un « Éditorial » signé « La rédaction ».

Par l’anecdote, en effet, et contre la fiction à thèse, l’auteur aborde son sujet sans idéologie aucune, de manière presque documentaire, sans autre parti-pris que ce constat bien simple et tout pragmatique, presque euphorique : l’immigration est un fait, les Italiens sont là, en masse, et leurs enfants font déjà le Brésil de demain. Un discours qui, tel un « traité du nouveau Brésil » comme l’écrivit un critique, devait résonner fort dans les milieux intellectuels, où rien ne faisait tant discuter que la définition de la nationalité, et qui, hors contexte, peut encore donner à penser.

Mais au-delà de ce contenu fictionnel et de ses enjeux, ce qui fait de ce recueil un épatant petit chef-d’œuvre, c’est la formule littéraire particulièrement aboutie, mise au point par un jeune adepte de l’école moderniste brésilienne : une prose vive et concrète, au goût du jour, on ne peut plus près du réel mais sans reconduire les méthodes du vieux naturalisme ou du réalisme social ; un mode narratif qui court-circuite allègrement toute convention, toute conception un peu roborative de la fiction. Et c’est le style : dense, synthétique, rapide et syncopé, impeccable de concision, économique à souhait, portant haut les vertus de l’ellipse et de la suggestion ; et sous une certaine apparence de sèche objectivité, une drôlerie permanente, un humour pince-sans-rire, une ironie un peu sentimentale et jamais vraiment satirique, en somme un regard amusé et plein de tendresse sur les figures typiques et les drames symboliques d’un bout d’humanité très attachant et qui représente, c’est entendu, bien plus que lui-même. Une comédie humaine en miniature.

À sa parution, l’ouvrage suscita au Brésil une réception impressionnante, de la part des critiques de tous bords, quasiment unanimes dans l’éloge, saluant aussi bien la nouveauté du thème, son actualité et sa fécondité, que la plume originale d’un nouvel écrivain fraichement associé à l’avant-garde, et qui donnait là son premier livre de fiction. Un succès critique que devaient confirmer plusieurs générations de lecteurs, de tous âges, consacrant ce titre, resté le plus populaire dans l’œuvre de l’auteur, comme un classique de la modernité et un sommet de la nouvelle brésilienne.

L’ÉDITION | Un texte aussi canonique appelait de longue date une traduction. Il méritait également d’être servi par une édition soignée et susceptible de faire référence, quand bien même il s’agira d’abord, pour le lecteur français, de découvrir une œuvre et un auteur.

Selon le principe du « pseudo-fac-similé », la couverture directement adaptée de l’originale annonce un établissement du texte et une composition typographique fidèles aux caractéristiques de l’édition de 1927, autorisant une expérience de lecture où la matérialité de l’œuvre, son rythme visuel et son caractère, authentiquement, peuvent encore jouer leur rôle.

Cette première édition française s’offre aussi comme une édition critique en bonne et due forme, sans équivalent au Brésil, sous la responsabilité du traducteur Antoine Chareyre, familier du modernisme brésilien dont il s’est presque fait une spécialité, et à qui l’on doit déjà la traduction de Pathé-Baby, du même auteur. En complément, tout d’abord, un choix de textes épars de l’auteur éclaire son rapport à l’écriture journalistique et le montre, surtout, abordant en d’autres occasions cette même thématique italo-brésilienne qui fait l’unité du recueil. Les notes sur les textes donnent du champ au plaisir de l’érudition la plus éclectique, au gré des suggestions de l’œuvre, et invitent les plus curieux à une lecture avertie tant ces petites fictions, en apparence d’une simplicité enfantine, se révèlent riches en clins d’œil qui leur donnent une surprenante profondeur, et en références à une culture, à un imaginaire collectif propres à un lieu et une époque, qui ne sont pas pour rien dans le charme singulier de la prose d’Alcântara Machado. Dans sa postface, enfin, le traducteur fait la synthèse des connaissances, actualisées par ses propres recherches, pour retracer l’histoire de l’œuvre de sa conception à sa fortune critique, tout en donnant quelques repères essentiels sur la biobibliographie de l’auteur, située dans le contexte moderniste.

Une édition savante et un peu complète pour un grand texte du patrimoine, néanmoins destinée aux lecteurs de tous horizons.

TABLE | Éditorial. Gaetaninho. Carmela. Caserne de réservistes n°35. Amour et sang. La société. Lisetta. Corinthians (2) vs Palestra (1). Notes biographiques du nouveau député. Le monstre à quatre roues. Magasin Progrès de São Paulo. Nationalité. SUPPLÉMENTS: Aristides Silva ou le quatrième pouvoir. Voltolino. Écoute, Marinetti. Eldorado. Notes sur la visite du Bologna FC. Gaetaninho (première version). Capitaine Bernini (fragment inédit). NOTES. BIBLIOGRAPHIE. POSTFACE.