A. Bénichou, Rejouer le vivant. Les reenactments, des pratiques culturelles et artistiques (in)actuelles

Anne Bénichou,

Rejouer le vivant. Les reenactments, des pratiques culturelles et artistiques (in)actuelles,

Dijon, Presses du réel, 2020., Presses du réel, collection "Français", 2021.

EAN13 : 9782378961541 - 420 p. - 30 €.

L'ouvrage Rejouer le vivant interroge la manière dont le passé est re-joué en fonction d'enjeux actuels à travers ses « reconstitutions » vivantes.

Depuis le début du millénaire, les pratiques de reenactment suscitent l'engouement dans des sphères d'activité et des domaines aussi différents que les arts, l'histoire vivante, la télévision, les univers virtuels, etc. Ce goût de refaire indique l'émergence de nouvelles sensibilités à l'égard du passé. Qu'ils soient pratiqués par des amateurs, des professionnels ou des artistes, qu'ils recréent des événements historiques, des phénomènes culturels ou des œuvres performatives du passé, qu'ils aient des visées récréatives, artistiques, historiographiques ou patrimoniales, les reenactments manifestent un désir de réintégrer le corps, les affects, le performatif dans les représentations historiques. Ils réinventent les manières d'articuler les mémoires vivantes, les archives et les représentations médiatiques. Anachroniques, ils font dialoguer des historicités plurielles et hétérogènes avec notre actualité, permettant de mieux comprendre le monde d'aujourd'hui et d'agir sur lui. Leur succès est le signe d'une certaine démocratisation de l'histoire.

L'histoire « reenactée » est une histoire négociée entre divers acteurs. Elle a la capacité de provoquer les débats et les polémiques indispensables à la vie démocratique, de faire émerger des formes d'agentivité. Mais qu'advient-il de cette portée politique et émancipatrice des reenactments, dès lors que les institutions et les industries culturelles et artistiques s'en saisissent, les initient et les produisent ? Cette appropriation ne risque-t-elle pas d'en désamorcer la charge critique ? Ne participe-t-elle pas, plutôt, d'un tournant dialogique de certaines pratiques institutionnelles ?

Sommaire

Introduction
Flottement sémantique et nouvelles sensibilités à l'égard du passé

Première partie
Des pratiques et des objets théoriques (in)actuels

I. Des pageants à Second Life : le jeu de l'immersion et de la distanciation
1. Construction, contestation et requalification des récits nationaux
2. Les musées et les parcs d'histoire vivante
3. Une dialectique de l'immersion et de la distanciation (authenticité et identification, anachronisme et feintise, double sens et simulacre)
4. Les nouveaux médias et la condition intermédiatique

II. Comportement restauré, agentivité, tournant affectif de l'histoire
1. Le reenactment et la performativité
2. Un instrument d'agentivité
3. Le reenactment (tout) contre l'archive
4. Des formes d'histoires affectives

III. Les téléréalités historiques : les potentiels non explorés du reenactment (Le Lot du diable)
1. Une réception duale
2. Des oublis infructueux
3. Comment « surmonter le présent » ?

IV. Les reenactments artistiques : des répertoires en régime intermédial
1. La poursuite d'une intuition : le répertoire et l'intermédialité
2. Négocier les récits intermédiatiques dans la mésentente (Jeremy Deller, Peter Watkins, Raed et Rania Rafei)
3. Incorporer/excorporer les images d'un conflit (Arkadi Zaides)
4. La « représentance » : un défi des reenactments artistiques

Deuxième partie
Des mises en scène symboliques des conflits d'aujourd'hui

I. Représenter ou reperformer les genres : éthique et politique des choix esthétiques (Jennie Livingston, Trajal Harrell)
1. La culture des bals et le voguing
2. Filmer : les pièges du regard ethnographique
3. Performer le film, ou la rencontre inopinée du voguing et de la postmodern dance
4. L'histoire de la danse comme répertoire : entre esthétique et politique

II. Le reenactment de l'exposition coloniale : risques du performatif, échappée filmique (Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña)
1. Les expositions d'êtres humains venus d'ailleurs
2. Rejouer le sujet assujetti : les risques d'un malentendu
3. Déconstruire le regard colonial à travers le dispositif filmique
4. Hybridation culturelle, « psychologie du colonialisme » et futur décolonial

III. Y a-t-il du « non-reenactable » ? Une question forcément polémique (Brett Bailey)
1. Tableaux vivants, échanges de regards et dispositifs muséaux : un art de la présence
2. Chronique d'un affrontement : les médias, la rue, les tribunaux
3. Le « zoo humain », une formule polémique
4. Organiser le dissensus : esthétique contre politique, droits de la création contre droits de la personne
5. « Coexister dans le dissensus »

Troisième partie
Des répertoires à rejouer, à l'horizon du musée

I. Recréer pour faire l'histoire (des arts) (Françoise Sullivan, Luis Jacob)
1. Se décentrer : danser, voyager, s'ouvrir aux autres
2. Mythes de l'origine, remédiations, reprises
3. Récits mythiques en quête d'auteurs
4. Se décentrer encore : la drag queen, le chien, le Sourd
5. Rentrer chez soi métis et nomade
6. L'œuvre en devenir

II. Reperformer au musée et s'inscrire dans l'histoire de l'art (Marina Abramović)
1. Reperformer les œuvres d'autrui : des sources documentaires aux reenactments
2. Une création interdocumentaire et une « volonté d'archiver »
3. Une « machine à actualiser le présent » et à réinterpréter les icônes
4. Faire reperformer ses œuvres par autrui : tableau vivant et script photographique
5. La remédiation ou la fabrique paradoxale de présence et d'authenticité
6. Les nouveaux usages des images de reenactment et les mutations institutionnelles

III. Les musées à l'épreuve du vivant : de la collection au répertoire ? (Moments. A History of Performance in 10 Acts)
1. Les rencontres renouvelées de la danse et du musée
2. Ni musée ni théâtre, une exposition dispersée et évolutive
3. Une communauté intergénérationnelle et dissensuelle
4. Le répertoire : la création interdocumentaire, le partitionnel et le corps
5. Les limites du musée

IV. Les enjeux géopolitiques des répertoires (Re.Act. Feminism)
1. « Une cartographie critique » en guise d'histoire
2. Un dispositif mobile et dialogique
3. Une vision parallactique ?
4. Adopter l'attitude du généalogiste
 

Conclusion
L'émergence d'un champ d'études, ou le parachèvement d'une institutionnalisation

Bibliographie
Liste des illustrations
Index
Remerciements et note

Anne Bénichou enseigne la théorie de l'art et les études muséales à l'Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les archives, les formes mémorielles et les récits historiques issus des pratiques artistiques contemporaines et des institutions chargées de les préserver et de les diffuser. Aux Presses du réel, elle a dirigé Recréer / scripter – Mémoires et transmissions des œuvres performatives et chorégraphiques contemporaines (2015) et de Ouvrir le document – Enjeux et pratiques de la documentation dans les arts visuels contemporains (2010).

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