
Editions HONORE CHAMPION - JOURNAL n° 1, février 2009
3 rue Corneille, 75 006 PARIS Tél. +33(0)1 46 34 07 29 - Fax: +33(0)1 46 34 64 06
champion@honorechampion.com / www.honorechampion.com
Sommaire
1. Editorial, par Jean Pruvost. / 2. Les publications récentes / 3. Brèves du savoir, par Catherine Mayaux. / 4. Le mot du Libraire, par Luc Englander / 5. Chronique de langue : Du bouc et du bouquin (Jean Pruvost). / 6. Histoire éditoriale Honoré Champion : De la rive droite à la rive gauche
1. EDITORIAL par Jean Pruvost, Directeur éditorial
Rappelons tout d'abord l'histoire de cette librairie et de cette maison d'édition. C'est à l'âge de treize ans qu'Honoré Champion, né en 1846, entrait dans une librairie érudite en tant que commis. Ses aptitudes remarquables, sa mémoire sans faille et son affabilité le firent vite apprécier de tous les érudits : Sainte-Beuve, par exemple, lui confiait le rangement de sa bibliothèque. Vint le moment où le jeune homme prit son envol, peu après avoir déniché de précieux manuscrits de Vauban. En 1874, il s'établissait à son compte et lançait donc la librairie et la maison d'édition qui porteraient son nom.
Cette maison d'édition et sa « librairie à chaises », où les habitués avaient leur place « comme à l'Académie » rappellent ses biographes, devint dès lors le lieu privilégié de publications érudites pour l'ensemble des sciences humaines. Lorsqu'Honoré Champion mourut en 1913, c'est son plus jeune fils qui lui succéda et la maison poursuivit sa carrière en surmontant les deux Guerres mondiales. En 1942, étaient léguées à l'État le trésor des 25 000 lettres écrites par Honoré Champion.
C'est en 1973 que Michel Slatkine, éditeur genevois, également pionnier de l'édition érudite et du livre ancien, rachetait les Éditions Honoré Champion auxquelles il donnait un nouvel élan. En avril 2005, ces dernières étaient installées 3 rue Corneille, au coeur du Quartier latin. De directeur éditorial en directeur éditorial, « Honoré Champion » n'a cessé depuis de progresser dans sa mission nationale et internationale, prestigieuse, passant sans difficulté le cap du XXIe siècle, en rassemblant en 2009 plus de vingt directrices et directeurs de collection du plus grand renom avec plus d'un millier d'auteurs. Enfin, les deux fils de Michel Slatkine s'investissaient dans cette belle aventure, pérennisant au XXIe siècle la jeunesse d'une maison que le fondateur avait d'emblée incarnée, dès 1874.
L'essentiel a été dit. Peut-être convient-il que je me présente : je suis quinquagénaire et le plus âgé de toute l'équipe que vous trouverez rue Corneille où nous serons toujours heureux de vous accueillir. Professeur d'université, « dicopathe » disent mes amis journalistes, j'enseigne en effet l'histoire de la langue, des mots et donc des dictionnaires. C'est ainsi que je suis entré il y a plus de dix ans comme directeur de collection dans la maison Honoré Champion. En recevant le Prix Logos pour Dictionnaire et nouvelle technologies, le Prix de l'Académie française pour les Dictionnaires français : outils d'une langue et d'une culture, en ayant publié environ 350 livres, articles, et chroniques de langue, j'ai eu la sensation de remercier directement mes étudiants et mes collègues pour la confiance qu'ils m'ont accordée sans laquelle rien ne se fait. C'est ce même sentiment qui m'anime pour les Éditions Honoré Champion : la direction éditoriale qui m'a été confiée n'a de sens que dans le fait de servir mes Collègues, directeurs de collection et auteurs, et donc en tout premier nos lecteurs. J'ai la chance d'être assisté par Catherine Mayaux, directrice éditoriale adjointe, Professeur de littérature à l'Université, et une équipe très dynamique, rue Corneille comme à Genève. A cette équipe vient par ailleurs de s'ajouter le Professeur Michel Magnien qui prend la direction du secteur correspondant à la Renaissance.
Nous serons toujours très heureux de vous accueillir 3 rue Corneille : nous sommes à l'écoute de tous vos projets.
2. LES PUBLICATIONS DE JANVIER 2009
LES TEXTES :
- Enfance Renier. Chanson de geste du XIIIe siècle. Editée par Delphine Dalens-Marekovic (Classiques Français du Moyen Âge 160)
- Alain-René Lesage. Oeuvres complètes sous la direction de Christelle Bahier-Porte et Pierre Brunel. Tome IX. Oeuvres "adaptées" I. Nouvelles aventures de l'admirable Don Quichotte de la Manche. Edition critique de David Alvarez (Sources Classiques 89)
- Georges-Louis Leclerc de Buffon. Oeuvres complètes III. Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roy. Tome III (1749). Texte établi, introduit et annoté par Stéphane Schmitt avec la collaboration de Cédric Crémière. (L'Age des Lumières 46, série 2)
- Mémoires secrets (dits de Bachaumont) pour servir à l'histoire de la République des Lettres en France, depuis 1762 jusqu'à nos jours ou Journal d'un observateur. Volumes I-V. Sous la direction de Christophe Cave et Suzanne Cornand. (L'Age des Lumières 47, série 1)
- Sébastien Longchamp. Anecdotes sur la vie de Monsieur de Voltaire. Texte établi par Frédéric S. Eigeldinger. Présenté et annoté par Raymond Trousson (Bibliothèque des correspondances 50)
- Emile Zola. La Fabrique des Rougon-Macquart. Edition des dossiers préparatoires. Volume IV. Publiés par Colette Becker avec la collaboration de Véronique Lavielle (Textes de Littérature Moderne et Contemporaine 101)
- Albert Mocquel. Propos de littérature (1894) suivis de Mallarmé, un héros (1899) et autres textes. Précédés d'une étude par Paul Gorceix (Textes de Littérature Moderne et contemporaine 110)
LES ETUDES
- Sophie Longuet. Couleurs, foudre et lumière chez Dante (Essais sur le Moyen Age 39)
- La Ville à la Renaissance. Espaces – Représentations – Pouvoirs. Sous la direction de Gérald Chaix. Actes du XXXIXe colloque international d'études humanistes (1996) réunis et présentés par Marie-Luce Demonet et Robert Sauzet (Le Savoir de Mantice 16)
- Denys Barau. La Cause des Grecs. Une histoire du mouvement philhellène. (1821-1829) (Histoire Culturelle de l'Europe 10)
- Miriam Rosman. La France et Israël. 1947-1970. De la création de l'État d'Israël au départ des Vedettes de Cherbourg (Bibliothèque d'Etudes Juives 33, série Histoire)
3. BREVES DU SAVOIR par Catherine Mayaux, Directrice éditoriale adjointe et Jean Pruvost
- 2 mars 2009. Demi-journée d'étude Annotations manuscrites dans les livres à la Renaissance (14h-18h. BNF- Site François-Mitterrand. Salle 70) qu'accompagne une présentation de livres qui aura lieu du 2 au 12 mars dans la salle d'exposition de la réserve de la BNF sur le thème Lecteurs de Calvin au cours des siècles.
- 18 mars 2009. XVIIe édition de la Journée internationale des Dictionnaires organisée par le laboratoire LDI (Paris 13, UCP, CNRS) : Dictionnaires et Sciences. Université de Cergy-Pontoise (33 BD du Port 95011 Cergy-Pontoise. Amphithéâtre Larousse). Ouverture par MM. les Secrétaires perpétuels de l'Académie des Sciences. Avec la participation de Madame le Professeur Joëlle Ducos, co-directrice de la collection Classiques Français du Moyen Age.
- 30 mars 2009 : Passeurs de textes: imprimeurs et libraires à l'âge de l'Humanisme. Colloque organisé par le Centre d'études supérieures de la Renaissance (Tours) et l'École nationale des chartes (Paris) avec la collaboration de la Bibliothèque Sainte-Geneviève (Paris) et du Musée de la Maison d'Érasme (Anderlecht [Bruxelles]) sous le patronage de la SFDES et de la FISIER. École nationale des chartes (lundi 30 mars 2009) 19 rue de la Sorbonne, 75005 Paris - Bibliothèque Sainte-Geneviève (mardi 31 mars 2009) 10, place du Panthéon, 75005 Paris.
OUVRAGES HONORE CHAMPION COURONNES PAR DES PRIX LITTERAIRES, 2007-2008
- François Brunet. Théophile Gautier et la musique, Médaille d'argent du Prix Émile Faguet de l'Académie Française, 2007
- Jack Feuillet. Introduction à la typologie linguistique. Prix fondation Emile Benveniste de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 2007
- Yvan Loskoutoff. Rome des Césars, Rome des Papes. La propagande du cardinal Mazarin. Prix Madeleine Laurain-Portemer de l'Académie des Sciences morales et Politiques. 2007
- Roxane Martin. La féérie romantique sur les scènes parisiennes 1791-1864. Prix Roland de Jouvenel de l'Académie Française, 2008
- Béatrice Perez. Inquisition. Pouvoir. Société. La province de Séville et ses judéoconvers sous les Rois Catholiques. Prix Alberto Benveniste de la recherche, 2008
- Pascal Rannou. De Corbière à Tristan. Les amours jaunes : une quête de l'identité. Prix Henri de Régnier de l'Académie Française, 2007
- Marine Roy-Garibal. Le Parnasse et le Palais. L'oeuvre de Furetière et la genèse du premier dictionnaire encyclopédique en langue française (1649-1690). Prix Germaine-André Lequeux de l'Académie Française, 2007.
- Arnaud Tripet. Ecrivez-moi de Rome… le mythe romain au fil du temps. Prix Mottart de l'Académie Française, 2007
4. LE MOT DU LIBRAIRE par Luc Englander
Avez-vous déjà franchi le seuil de notre librairie ? Depuis quatre années déjà, elle se situe au 3 de la rue Corneille, en face de l'entrée des artistes du théâtre de l'Odéon, dans notre bonne ville de Paris.
Mais rentrons vite dans le vif de l'actualité éditoriale de ces derniers jours : à côté de nos ouvrages, vous trouverez sur nos présentoirs la dernière parution de l'École des Chartes, La Prise de décision en France (1525-1559), Recherche sur la réalité du pouvoir royal ou princier à la renaissance. Onze études réunies par Roseline Claerr et Olivier Poncet.
Vous serez également très intéressés par le travail de réimpression des Editions Slatkine Reprints. En effet, il est à nouveau possible de se procurer Les Sources occultes du Romantisme, Illuminisme – Théosophie, 1770-1820, d'Auguste Viatte, paru initialement à Paris en 1928.
Mais les Editions Slatkine ne se contentent pas de réimprimer. Nous venons de recevoir en effet la Bibliographie de l'oeuvre de Théodore de Banville, collectée pour la première fois par Peter J. Edwards et Peter S. Hambly.
Vous découvrirez également dans notre librairie quelques nouveautés du fonds Droz.
Reçus ces jours-ci pour exemple, le tome sixième et dernier de l'édition établie sous la direction de Philippe Ménard, du Devisement du Monde de Marco Polo ; ainsi qu'une histoire de la réécriture française des contes arabes de Restif à Butor, Les amoureux de Schéhérazade de Dominique Jullien.
Je rappelle que je dispose également d'un stock permanent de la collection semi-poche Titre Courant (catalogue disponible sur demande), et du dernier ouvrage de Jean Wirth, Les marges à drôleries des manuscrits gothiques.
Avec le plaisir de vous accueillir,
Luc
librairie@honorechampion.com
5. CHRONIQUE DE LANGUE
Du bouc et du bouquin
Extraits du Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes (1690), Antoine Furetière :
Bouquin. Vieux bouc. On appelle figurément un vieux bouquin, un homme puant & lascif qui a passé sa vie dans la débauche. […] On appelle aussi de vieux livres frippez & peu connus, de vieux bouquins.
Bouquiner. Chercher de vieux livres inconnus & frippez chez des Libraires, ou s'amuser à les lire. Il y a force curieux qui ne font toute leur vie que bouquiner.
Furetière qui a lu Ménage, notre premier grand étymologiste, ne se trompe guère lorsqu'il donne l'origine du mot bouquin, non pas l'animal mais l'ouvrage qu'on lit : « Ce mot vient de l'Allemand buck ou bouc, qui signifie un livre ; & parce que les premiers livres imprimés nous sont venus de ce pays-là, on a appelé bouquins les vieux livres. » Il s'agit effectivement du mot néerlandais, boec, « livre », repris à un vieux mot germanique boks, que l'on retrouve également dans le vieil anglais boc. Sont de fait à proscrire les étymologies fantaisistes qui relient le bouquin au cuir du bouc, sous prétexte que le parchemin (du grec pergamênê, et donc étymologiquement les peaux préparées à Pergame) constituait le matériau premier de nos vieux livres.
Signalons d'ailleurs au passage que l'utilisation du parchemin poussait à abandonner les premiers livres présentés sous la forme d'un rouleau, un « volumen », pour promouvoir les livres rectangulaires et constitués de pages autonomes, les « codex ». Dans la mesure où la taille même des peaux permettait de découper de grands rectangles, avec un équerrage rigoureux, il suffisait en effet de les plier en deux ou en quatre pour obtenir des cahiers parfaits prêts à être assemblés pour fabriquer l'ouvrage. Les mathématiques sont utiles partout, y compris en bibliophilie : il y a en effet une loi appliquée aux parchemins, la loi de Gregory. Celle-ci formulée en 1885 permet d'analyser les parchemins en fonction du nombre de cahiers, à partir de l'identité des couleurs de deux pages se faisant face à l'intérieur du livre, le côté dit « chair » du parchemin, plus blanc, et le côté « poil » de ce même parchemin, plus jaunâtre ou grisâtre. On avait de fait déjà perçu, dès les premiers « codex » en parchemin, qu'il était plus esthétique que deux pages qui se font face soient de même couleur.
Revenons à Ménage qui, dès 1650, publiait Origine de la langue française, une étude qui aboutira en 1694 à notre premier véritable Dictionnaire étymologique de la langue françoise. Pas plus ici que chez Furetière, le bouquin n'est tenu en grande estime : « nous appelons ainsi un vieux livre dont on ne tient plus de compte » précise l'érudit. Et en 1694, Ménage d'ajouter avec cette franchise en partie perdue aujourd'hui dans la chose écrite : « J'avois encore remarqué dans la première édition de ces Origine, que l'Allemand buch ou bok, si on en croyoit Lipse dans sa Lettre 44 de la troisième Centurie de ses Lettres […] venoit du latin Buxus. […] Cette Etymologie de Lipse n'a pas plu au Pere Labbe. Mais comme elle n'est pas de moi, je n'ai point intérêt de la défendre. ».
Pourquoi buxus, le «buis » ? Parce que selon Lipse, le buis servait à la reliure et expliquait donc l'origine du mot. En vérité, l'étymologie moderne donne partiellement raison à Lipse, il s'est seulement trompé de végétal et de « racine » : le « bouquin » aurait en effet pour très lointaine origine l'étymon boka, « hêtre ». On aurait, dit-on, utilisé le bois de cet arbre pour les tablettes sur lesquelles on inscrivait les runes, c'est-à-dire les tout premiers signes graphiques utilisés par les peuples germaniques.
Parmi les étymologies fantaisistes, qui font le charme des étymologies fausses, citons celles de Guénin, évoquée par P. Larousse : « Quand un de ces anciens volumes, faisant partie d'une bibliothèque séculaire, était resté de longues années immobile et privé d'air sur son rayon, où la poussière combinée avec l'humidité avait fini par l'encrasser, le pénétrer, le ronger (sans compter les mites et autres malignes bêtes), il contractait une odeur forte analogue à celle d'un bouc ou bouquin ; et de là est venu qu'un volume moisi, qui sentait le bouquin, s'est appelé par abréviation un bouquin. » De quoi lever le coeur… Heureusement, Tristan Bernard, à travers les propos de l'un de ses personnages, nous donne une autre image, pour le moins plus rafraichissante : « On est allé lire dans la forêt… Je me suis mis à bouquiner, figurez-vous ! ». Et c'est à peu près à cette période que le bouquin a pris une connotation résolument sympathique, celle qui fait demander si vous n'auriez pas de bons bouquins à me conseiller. Qu'il s'agisse de beaux livres cartonnés ou des livres brochés (Collection Champion Classiques), chez Honoré Champion, vous en trouverez à foison !
Jean Pruvost
6. HISTOIRE EDITORIALE HONORE CHAMPION
De la rive droite à la rive gauche…
Orphelin d'un père originaire de la Bourgogne qui s'était ruiné dans le commerce du vin descendu par la Seine jusqu'aux entrepôts des quais de Bercy, Honoré Champion devait quant à lui, sur la rive gauche de la Seine, faire rayonner culturellement l'histoire, la littérature mais aussi la linguistique, en bénéficiant de la confiance de tous les savants venant lui rendre visite, tout en bâtissant des projets érudits dont il allait assurer l'édition. Le père avait échoué rive droite, le succès viendrait avec le fils, Honoré, sur la rive gauche...
Ainsi, au terme d'une carrière de libraire et d'éditeur, installé toute sa vie sur les quais de la Seine, d'abord Quai Voltaire où il succédait au libraire Thibault, père d'Anatole France, puis Quai Malaquais, où sa librairie et sa maison d'édition étaient devenues, à deux pas de l'Académie française, le rendez-vous des écrivains, des érudits et des historiens, Honoré Champion trouvait sa pleine reconnaissance auprès des lexicographes consignant son parcours dans leur dictionnaire l'année même de son décès, à 67 ans, sous la forme d'un long article. Notamment celui de Louis Coquelin, dans le numéro 78 du Larousse mensuel illustré, en août 1913, article que nous publierons dans le n° 2 du Journal Honoré Champion.