Questions de société
Dix éditeurs en défense des sciences humaines et sociales

Dix éditeurs en défense des sciences humaines et sociales

Publié le par Vincent Ferré

[source : Mediapart]


Dix éditeurs en défense des sciences humaines et sociales

«Nous partageons la conviction que la vivacité de notre démocratie repose sur la compréhension de notre temps pour laquelle les sciences humaines et sociales jouent un rôle éminent.» Dix éditeurs (Fayard, Erès, MSH, La Découverte, Actes Sud, Ed. Thierry Magnier, Les Prairies ordinaires, L'Atelier) cosignent un texte de soutien aux chercheurs, universitaires et enseignants actuellement mobilisés pour défendre l'autonomie de leurs activités.

Nous, éditeurs de sciences humaines, forts de nos orientations et  sensibilités distinctes, assumons avec conviction un effort commun et quotidien pour assurer une large diffusion à des travaux, recherches et documents qui nous semblent indispensables à la  réflexion politique. Nous partageons la conviction que la vivacité de  notre démocratie repose sur la compréhension de notre temps pour  laquelle les sciences humaines et sociales jouent un rôle éminent.
Cet effort de compréhension, pour être réel et efficace, repose sur  trois piliers solidaires : une recherche stimulée et encouragée, sûre de ses moyens, un enseignement de qualité et ambitieux, une édition  et une diffusion soutenues et vivantes. Or, ces trois piliers  connaissent aujourd'hui des difficultés importantes largement  aggravées par des orientations politiques inacceptables et  inquiétantes.Les décisions gouvernementales concernant l'organisation  du système universitaire et des  centres de recherches provoquent légitimement critiques et  mobilisations. Elles continuent d'inquiéter parce qu'elles menacent  les moyens humains et financiers et surtout l'autonomie d'une recherche qui est souvent caricaturée et dont la légitimité est trop  régulièrement remise en cause. Qu'il s'agisse du financement de la
recherche ou qu'il s'agisse de l'enseignement des sciences sociales à  l'université ou au lycée, on constate une commune volonté : celle de  valoriser les formes de pensée les plus convenues et les plus  immédiatement utiles au monde économique. Comment ne pas faire un  lien, en effet, entre le rappel de la nécessaire utilité des  recherches en sciences sociales et la prétention de mieux enseigner  les "fondamentaux de l'économie et de la sociologie" ou encore de
"mieux faire connaître", c'est-à-dire plus positivement, le monde de l'entreprise, proposé comme modèle
de toutes les institutions. Dans tous les cas, des pressions  s'exercent pour réduire et réorienter la recherche et l'enseignement  vers des objectifs purement utilitaristes.La remise en cause du prix  unique du livre (régulièrement réclamée par quelques parlementaires  et lobbies) ne serait pas seulement un mauvais coup contre la  librairie et le pluralisme de l'édition. Elle achèverait de mettre en  péril les trois piliers qui assurent la vivacité des sciences  humaines et sociales, et par la même une partie essentielle de ce qui  participe éminemment à notre conscience démocratique : une recherche  dynamique et indépendante, un enseignement sérieux et pluraliste, une  édition et une librairie raisonnablement protégées et soutenues.Notre  profession  connaît bien les difficultés que rencontre toute opération de
diffusion et de partage des connaissances en sciences sociales. Mais  si nous en connaissons le prix, nous en connaissons aussi  l'indispensable valeur.
Plus largement, nous entendons ici manifester  notre solidarité avec toutes celles et tous ceux qui, parce que  chercheurs, universitaires ou professeurs du secondaire, ou simplement citoyens lecteurs, manifestent leur attachement à une
réalité précieuse : celle de pouvoir penser notre société  désorientée, ses tensions comme ses consensus, ses inégalités comme ses progrès, en un mot sa réalité, mais aussi et surtout de pouvoir penser les changements indispensables à un système qui apparaît de moins en moins capable de faire face aux défis fondamentaux du XXIe siècle.

Claude Durand,PDG des éditions Fayard
Marie-Françoise Dubois-Sacrispeyre,Directrice éditoriale des Editions Erès
Guy Dreux,Directeur de la collection Troisième Culture
François Gèze, PDG des éditions La Découverte
Jean-Michel Henny, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme
Hugues Jallon, Directeur éditorial des éditions La Découverte
Thierry Magnier, Directeur des éditions Thierry Magnier et des
éditions Actes Sud Junior
Françoise Nyssen, Présidente du directoire des éditions Actes Sud
Rémy Toulouse, Directeur des éditions Les Prairies Ordinaires

Bernard Stephan, Directeur général des éditions de l'Atelier