Édition
Nouvelle parution
P. Durand et A. Glinoer, Naissance de l'Editeur. L'édition à l'âge romantique  (réédition)

P. Durand et A. Glinoer, Naissance de l'Editeur. L'édition à l'âge romantique (réédition)

Publié le par Camille Esmein (Source : Les impressions nouvelles)

Pascal Durand et Anthony Glinoer, Naissance de l'Éditeur. L'édition à l'âge romantique, Deuxième édition, revue.

(Préface de Hubert Nyssen.)

Paris-Bruxelles, Les impressions nouvelles, collection « Réflexions faites », 2008, 240 p.

EAN : 9782906131910
22 €

Le livre

La fonction d'éditeur est de celles qui nous paraissent aujourd'hui aussi naturelles que l'existence d'une littérature faite de livres, de prix littéraires et d'auteurs individuels. Perception trompeuse : l'édition a une histoire et, par conséquent, sa stabilité n'est pas définitivement acquise.

Cette histoire est à la fois longue et très circonscrite. D'un côté, elle se confond avec l'histoire même du livre et du lent processus de division du travail dont celle-ci a été le théâtre : aux métiers cumulés de l'imprimeur, de l'éditeur et du libraire va succéder, à l'époque moderne, une répartition de plus en plus stricte de ces fonctions entre des acteurs différenciés. De l'autre, cette histoire peut être superposée à celle qui voit naître, entre 1820 et 1850, à la fois la figure de l'« auteur » et la figure de l'« éditeur », au cours d'une période correspondant très exactement à la révolution esthétique du romantisme et à la mise en place des structures du champ littéraire moderne.

L'objet de l'ouvrage est de rendre compte de cette double histoire et de cerner les facteurs qui ont autorisé l'émergence d'une fonction symbolique sans précédent : celle de l'éditeur, vu comme double et comme partenaire de l'auteur dans l'acte de production du livre.

En ce sens, l'ouvrage rassemble, pour les insérer dans un commentaire nourri, de nombreux textes d'écrivains, de journalistes, de critiques littéraires ou d'éditeurs de la période concernée, de manière à composer quelque chose comme le portrait collectif de l'éditeur moderne. Aux côtés de Kant, Condorcet, Nodier, Balzac, Gautier, Daudet ou du jeune Mallarmé, c'est toute une galerie de témoignages qui sont ici réunis pour la première fois, sous les signatures injustement oubliées ou négligées de Frédéric Soulié, Élias Régnault, Alfred Asseline, Edmond Werdet ou encore Jules Janin, portant tour à tour sur la double marche de la « chose littéraire » et de la « chose éditoriale » un regard souvent ironique, parfois caustique, mais toujours éloquent. Au détour de ces témoignages, ce sont aussi quelques-uns des premiers grands éditeurs dont le portrait se trouve tracé et, surtout, cerné à l'intérieur du système de la production littéraire à l'âge de la modernité commençante, tels Curmer, Ladvocat, Charpentier, Hachette ou Lemerre.

L'enjeu de cette reconstruction sociologique et historique, fondée sur des documents souvent inédits, n'est pas simplement d'érudition ou de curiosité à l'égard de quelques figures injustement occultées par le culte exclusif des grands auteurs. Il est aussi d'alerter sur les logiques qui font aujourd'hui évoluer le système éditorial vers une production « sans éditeurs », articulée à de grands groupes anonymes nationaux ou internationaux, pour lesquels le livre n'est qu'un produit parmi d'autres. Mettre en évidence les facteurs ayant présidé à la constitution d'un champ littéraire et éditorial autonome revient aussi bien, en effet, à porter au jour les facteurs qui, aujourd'hui, tendent à réduire cette autonomie, produit d'une longue lutte des producteurs intellectuels contre la soumission de leur activité aux deux contraintes de l'État et de l'Économie.

Original par son objet comme par sa méthode, l'ouvrage représente une contribution inédite à l'histoire des pratiques culturelles, et plus spécialement à l'histoire du livre moderne. Dans sa dimension anthologique, il réunit pour la première fois, en un ensemble cohérent et significatif, des textes injustement négligés - dont beaucoup n'ont jamais été republiés depuis leur première parution -, qui composent une sorte de portrait collectif de l'éditeur à l'âge moderne. Dans sa dimension analytique, il entrecroise de façon lisible par un large public les perspectives de l'histoire des idées, de l'histoire littéraire et de la sociologie des pratiques culturelles. Il sensibilise aussi aux menaces que les concentrations éditoriales font peser sur l'autonomie de la production intellectuelle et littéraire.

Extrait de la préface :

"Pascal Durand et Anthony Glinoer nous font donc témoins d'épisodes par quoi l'on comprend que la « crise de l'édition » était présente en germe, avec le code génétique de l'éditeur, au moment même où la fonction éditoriale paraissait s'établir avec une pérenne clarté. Ainsi comprend-on mieux par quels chemins et astuces la volonté économique, qui impose à l'édition la servitude du profit, s'est déployée au détriment de la «figure» même de cet éditeur.

Que les éditeurs littéraires, eux aussi, soient mortels, c'est dès lors une évidence. Et nous sommes désormais quelques-uns à penser qu'ils n'échapperont au pire que s'ils parviennent à se soustraire aux lois d'un commerce vorace qui n'est pas le leur. La perspective d'une mort annoncée est d'ailleurs suggérée dans un « requiem » par lequel se termine ce fascinant essai qui, brisant le cadre étroit d'une étude historique, est à sa manière, et par le ton même de ses auteurs, une jubilante célébration de l'utopie éditoriale." 

HUBERT NYSSEN
Écrivain et fondateur des éditions Actes Sud

Les auteurs

Pascal Durand est professeur ordinaire à la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège dans les deux domaines de la théorie critique de l'information et de la sociologie des institutions culturelles. Directeur du Centre d'Études du Livre Contemporain, auteur de nombreuses études sur l'histoire sociale des pratiques d'édition, on lui doit par ailleurs plusieurs ouvrages portant sur Mallarmé et la poésie moderne, dont il est un spécialiste internationalement reconnu : Les Poésies de Mallarmé (Gallimard, 1998) ; Crises. Mallarmé via Manet (Peeters/Vrin, 1998) ; Les Poètes de la Modernité. De Lamartine à Apollinaire (avec J.-P. Bertrand, Seuil, coll. « Points », 2005).

Anthony Glinoer est professeur adjoint à l'Université de Toronto. Spécialiste de l'époque romantique, sociologue de la littérature, il a donné deux éditions critiques d'auteurs aussi importants que Victor Hugo ou Sainte-Beuve : Victor Hugo et Charles-Augustin Sainte-Beuve, Correspondance (Paris, Honoré Champion, « Bibliothèque des correspondances », 2004) et Charles-Augustin Sainte-Beuve, Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme (avec J.-P. Bertrand, Paris, Bartillat, 2004).

Sommaire détaillé de l'ouvrage

Préface par Hubert Nyssen

Introduction : Qu'est-ce qu'un éditeur ?

Chapitre premier : D'un régime à l'autre

Le livre et l'exemplaire
L'immatérialisation de la valeur
Rousseau, Panckoucke : deux cas de figure

Chapitre 2 : Du libraire à l'éditeur

Le déclin de la librairie
Apparition d'un éditeur : le cas Ladvocat
L'éditeur adoubé : Le Livre des Cent et un

Chapitre 3 : Le sacre de l'éditeur

La vulgarisation de l'imprimé
Trajectoires de libraires-éditeurs

Avènement de l'éditeur
Chapitre 4 : Les deux marchés de l'édition

L'art et l'argent
Les deux littératures

L'or ou le plomb
L'édition industrielle
Deux modèles : « Curmer » vs «  Hachette »

Requiem pour l'édition ?

Annexe : recrutement social et trajectoires professionnelles des principaux éditeurs romantiques

Bibliographie

Notes