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"1848 et la littérature" (EHESS) ANNULÉ

Publié le par Université de Lausanne (Source : Véronique Samson)

L'événement est reporté à une date ultérieure, qui sera signalée prochainement dans l'agenda de Fabula.

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1848 et la littérature

Journée d'étude organisée avec le soutien du Centre de recherches historiques de l’EHESS

16 janvier 2020, 9h-18h, 54 bd Raspail, BS1_28

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DESCRIPTION :

Les révolutions de 1848 ont été perçues comme des révolutions littéraires dans plus d’un sens. Pour beaucoup de leurs contemporains, d’abord, les événements de Février et de Juin auraient été précipités par la littérature, et surtout par les romans rendus accessibles à tous les publics avec l’invention du feuilleton et de formats éditoriaux bon marché. Que ce soit pour retirer à la lutte politique sa légitimité ou pour en expliquer l’échec, la responsabilité est tout de suite rejetée sur cette production littéraire, que la Deuxième République va rapidement chercher à encadrer, notamment avec la loi de juillet 1849.

Mais 1848 s’est aussi avéré être une révolution pour la littérature, ou en littérature. Alors que les actes d’accusations s’accumulent contre les écrivains et que s’amplifie leur procès rétrospectif, l’idéal de « l’art pour l’art » est revendiqué plus fortement que jamais. Le champ littéraire tend alors à s’autonomiser, c’est-à-dire à développer des critères d’évaluation internes, de manière à se soustraire aux critères moraux ou politiques que voudraient lui imposer nombre de critiques contemporains. 1848 aurait, du même coup, inauguré la modernité formelle de la littérature : les écrivains se mettent à écrire contre le lecteur, et la littérature se dote d’une réflexivité inédite, se faisant, pour le dire comme Barthes, « écriture ».

Le grand récit de cette révolution littéraire, amorcé dès la seconde moitié du 19ème siècle, s’est cristallisé au siècle suivant avec les travaux de Bourdieu, de Barthes et de Sartre, entre autres. Or le statut de 1848 demeure paradoxal dans les études littéraires. D’un côté, ce moment est présenté comme le pivot de l’histoire de la littérature française ; de l’autre, il a suscité relativement peu de travaux de recherche ciblés. En outre, les études littéraires ont hérité de ces travaux fondateurs un corpus restreint : on constate encore aujourd’hui la domination du canon Baudelaire-Flaubert dans la recherche autour de 1848. En se penchant sur des auteurs qui s’inscrivent moins volontiers dans la « modernité » littéraire, cette journée d’étude voudrait donc inviter de nouvelles perspectives sur le grand récit de 1848.

Plus particulièrement, nous voudrions explorer l’hypothèse que, contrairement à ce qu’a pu dire Baudelaire, les écrivains n’ont pas été tout à fait « dépolitiqué[s] » par la Deuxième République et le Second Empire : aurait plutôt été instauré à ce moment un autre rapport, moins direct, au social et au politique, comme l’a suggéré Dolf Oehler dans Le Spleen contre l’oubli, juin 1848. Il ne s’agira donc pas simplement d’étudier la représentation des révolutions de 1848 et du coup d’État de 1851 dans la fiction française, mais plutôt de comprendre comment ces événements ont transformé les conceptions du littéraire, en demandant à la fois comment 1848 agit sur la littérature et comment 1848 redéfinit le mode d’action de la littérature dans la société. À quel point l’année 1848 marque-t-elle une rupture dans la vie littéraire ? Si rupture il y a, est-elle ressentie sur le moment ou constituée dans les décennies qui suivent ? Et quels infléchissements particuliers apportent Février, Juin ou encore Décembre 1851 ?

L’objectif de cette journée d’étude sera d’abord de mettre en valeur la pluralité des modes d’action par l’écrit, en intégrant à l’analyse les supports et les contextes de publication, et en situant l’œuvre « littéraire » dans son contexte médiatique. Il sera ainsi possible de penser la complémentarité, ou les tensions, entre divers modes d’action au sein d’une même œuvre d’écrivain. Du même coup, nous voudrions mettre à jour les réseaux qui sous-tendent le champ littéraire en 1848 et à ses lendemains, avec pour but d’interroger l’opposition établie a posteriori par l’histoire littéraire entre une littérature populaire, ou de divertissement, et une littérature moderne, réflexive.

Il s’agira également de déterminer si 1848 fait date dans les trajectoires individuelles d’écrivains, en étudiant des cas de redéfinition de postures ou de stratégies dans le champ, des cas de réorientation de projets littéraires, de modes ou de styles d’écriture, d’adoption de nouveaux genres, ou, plus explicitement encore, des cas de reprise ou de transformation après 1848 d’œuvres entamées en aval. En nous éloignant un peu plus de l’épisode révolutionnaire, nous nous demanderons enfin quel rôle lui est réservé dans les fictions rédigées au cours des années 1850-60 qui l’intègrent dans leur chronologie. Comment cet épisode apparaît-il, et quel est son effet dans la production du sens ? Inversement, comment disparaît-il, et quelles sont les modalités de son cryptage ?

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PROGRAMME :

 

9h-11h30 : Écrire en 1848. Modes et supports de l’intervention littéraire

Présidente de séance : Paule Petitier (Université Paris Diderot)

 

- « À la recherche de la meilleure des républiques ». Les romanciers feuilletonistes engagés sous la Deuxième République

Sébastien Hallade (Université Sorbonne Université)

 

- La relique dans Les Mystères du peuple d’Eugène Sue : un modèle pour la littérature après 1848

Magalie Myoupo (Université de Lorraine)

 

- Le Salut public : Champfleury et Baudelaire en 1848

Véronique Samson (Université de Cambridge)

 

- Professions de foi ouvrières

Dinah Ribard (EHESS)

 

12h-13h30 : Retour sur les grands récits, des origines à Dolf Oehler

Discussion menée par Louis Hincker (Université Clermont Auvergne), Judith Lyon-Caen (EHESS) et Gisèle Sapiro (EHESS)

 

Pause déjeuner

 

15h-18h : Écrire 1848. Présence et absence des événements, visibilité et invisibilité des écrits

Présidente de séance : Véronique Samson (Université de Cambridge)

 

- 48, le siècle cassé en deux : les Goncourt politiqués

Éléonore Reverzy (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)

 

- Nerval, Petits Châteaux de Bohême : un adieu au lyrisme ?

Vincent Boucheron (Université Paul-Valéry Montpellier 3)

 

- 1848, la mémoire et l’histoire

Corinne Saminadayar-Perrin (Université Paul-Valéry Montpellier 3)

 

- Les romans sur 1848 : comment l’événement modifie l’écriture de l’histoire dans la fiction 

Marie Davidoux (Université Paris Diderot)

 

- « Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui » : généalogie littéraire du cryptage et de l’enfouissement de 1848 sous le Second Empire

Mathieu Roger-Lacan (EHESS et Université Paris Diderot)

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Organisation : Judith Lyon-Caen, Mathieu Roger-Lacan et Véronique Samson