Édition critique, annotée et préfacée par Évanghélia Stead
« Roman ingénieux et subtil » ou « fiévreux recueil de poèmes en prose » ? L’Embarquement pour Ailleurs de Gabriel Mourey (1892) brave les catégorisations littéraires et esthétiques en associant visée romanesque, lyrisme exacerbé et théâtre. Mourey, lui-même wagnérien et mélomane, aspire avec ce texte inédit à la synthèse des arts du symbolisme en appelant à une « glose symphonique » de son ami Debussy. Il multiplie les défis dans un texte inclassable : il tue l’intrigue dans l’œuf, dédouble son personnage, met à mal le terme de « Document », greffe sur le symbolisme les audaces de la Décadence, exaspère le fait divers par la sensation et l’inconscient, pousse le lyrisme à la cacophonie, franchit les limites de la fiction par une mise en abyme audacieuse, invite même à lire à rebours.
Cette édition critique propose de découvrir les hardiesses littéraires, esthétiques et typographiques d’un texte d’avant-garde. Elle le replace dans le climat d’époque et le situe dans le roman du jeune homme fin-de-siècle. Dix-sept annonces et comptes rendus retrouvés offrent un miroir des débats qui traversent la littérature de l’époque sur le rôle des lettres dans la vie et l’art. Gabriel Mourey débauche avec L’Embarquement la chronique de presse. Un dossier sur son atelier d’écrivain invite à découvrir sa plume versatile et à insérer les pratiques fin-de-siècle dans les transactions culturelles et médiatiques à large échelle. Plusieurs annexes précisent les allusions et montrent Mourey pleinement conscient de la confiance déposée en lui par un Joris-Karl Huysmans.