
Rome est très tôt sortie d’elle-même, en impérieuse conquérante. Presque aussi vite, elle est devenue la proie de multiples imaginaires : celui des Européens fut longtemps captivé par le mystère de sa grandeur et par l’énigme de sa "décadence". Vaste champ pour la réflexion politico-morale, mais aussi pour des mises en fiction où Rome cessait d’être exemplaire... À l'initiative de Charles Coustille, une récente livraison de la revue Critique vient arpenter "Rome hors ses murs". Si le rêve romain se poursuit aujourd’hui, c’est à bonne distance des lieux communs fatigués. Il se renouvelle grâce à Pierre Vesperini, découvreur de ces inventeurs de la littérature que furent, selon lui, les "poètes et lettrés oubliés" de la Rome républicaine. Il s’enrichit des prises et reprises romaines de Fellini et Pasolini "archéologues". Il se diversifie étrangement, lorsque Raphaël Doan bâtit une Rome contrefactuelle avec la complicité de l’ I.A. Il s’élargit de la Ville au Monde dans les cultural studies états-uniennes invitant à "dé-provincialiser" l’histoire romaine. Et il continue, bien sûr, à suivre les chemins de la fiction, voire de l’autofiction dans un livre comme celui de Béatrice Commengé, partie sur les traces d’Ovide exilé. Rome n’est décidément plus dans Rome : elle est partout où nous sommes.