Lors de leur première publication, en 1976, les textes recueillis dans cette nouvelle édition du dernier volume des Situations étaient introduits par le sous-titre « Politique et autobiographie », qui en précise bien la double dimension.
En effet, le Sartre que nous rencontrons d’abord est fidèle aux idées de Mai 68 ; il se montre attentif à ce qui se passe en France et au-delà des frontières nationales, prenant le parti des opprimés et de ceux qui se révoltent. Au nom du Secours rouge, il est le défenseur de tous ceux qui, jugés ou emprisonnés, sont les victimes d’une justice aux ordres du pouvoir ; il se range surtout aux côtés des maoïstes, dont il analyse avec une évidente sympathie la pensée et le mode d’action. L’écriture de ces textes est militante, souvent ironique, parfois violente, s’appuyant toujours sur une documentation précise et détaillée.
Tout autre est la tonalité de l’« autobiographie » : Sartre n’y est plus seul ; devenu aveugle, il n’écrit pas mais il parle. En effet, des interlocuteurs proches, tels que Simone de Beauvoir ou Michel Contat, permettent à Sartre de faire le point et de préciser sa pensée. À cet égard, l’entretien accordé à Contat est une réussite évidente. N’y manquent ni révélations étonnantes sur le rapport de Sartre à l’argent, ni aveux sur une complaisance coupable à l’égard de l’U.R.S.S., ni prise de conscience lucide : l’écrivain Sartre dresse son propre acte de décès. L’émotion est bien présente, sans rien de larmoyant : c’est déjà une « cérémonie des adieux », mais elle se clôt sur un éclat de rire.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Sartre, le vieil extrémiste", par Marc Lebiez (en ligne le 10 décembre 2024).
Ce volume intitulé Situations IX rassemble des textes des années 1970 à 1975, des années où Sartre n’est plus en état d’écrire au sens littéraire, celui auquel il s’est toujours montré attaché. Ce sont donc de longs entretiens qui furent publiés comme tels, ainsi que des interventions, elles aussi souvent orales, destinées à soutenir des héritiers de Mai 68 en butte à la justice gaulliste, ne serait-ce qu’en assumant la responsabilité juridique d’une publication qui se présentait comme maoïste. Était-ce bien raisonnable de sa part ?