Essai
Nouvelle parution
Denis Crouzet, Paris criminel, 1572

Denis Crouzet, Paris criminel, 1572

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne

Lorsque, le 24 août 1572, Charlotte Arbaleste se réveille vers 5 h 00 du matin et regarde à sa fenêtre, que voit-elle ? Les rues avoisinantes sont remplies de gens qui vont et viennent. Le massacre de la Saint-Barthélemy a en effet commencé depuis deux ou trois heures avec l’assassinat de l’Amiral de Coligny et la tuerie des capitaines huguenots présents dans la capitale. Sans doute s’étend-il déjà à la population protestante de la ville. Les Parisiens sont sortis de chez eux pour se faire les spectateurs-acteurs d’une immense tragédie, dont Denis Crouzet réévalue le nombre des victimes : au moins 4 000, peut-être plus. Il démontre que cette tragédie n’a été possible que parce que le « peuple » a pris part, tant activement que passivement, à une grande euphorie collective aspirant à réitérer le massacre biblique des adorateurs du Veau d’or. C’est toute une ville qui a tué ou laissé tuer les « hérétiques » dans le cours d’un atroce crime de masse que l’on peut rapprocher des grands pogroms de l’histoire passée.

Comprendre comment le pouvoir royal, à contre-sens du rêve de paix civile qui l’animait, a pu être pris au piège d’un imaginaire eschatologique commandant à chaque « bon catholique » de prendre part à un grand massacre qui exprimait une intense foi en Dieu, tel est le projet de ce livre qui s’apparente à une enquête policière oeuvrant dans l’obscurité des jours et des nuits d’épouvante.

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Table des matières :

Avant-propos. Trente ans après

Chapitre I
Âmes mortes, histoire perdue
Un monde à haut risque
« et pour nous gardons le silence… »
Les métamorphoses d’après les violences
Des témoins sans regards
Chapitre II
Une politique de l’énigme en prophétie
Gouverner face à la folie des mots
Prudence et stratagèmes : que dire et ne pas dire ?
Un événement comme mis en énigme
« … de parler peu et de celer son secret »
Le mariage pour mettre fin aux haines
Chapitre III
La concorde et les dangers du langage
Dans l’énergie de l’anima mundi
Pietas et justitia : vers le règne de l’Amour
La magie rompue
Chapitre IV
Ombres et pénombres à la cour
Le renoncement à l’espérance
L’extrême fragilité de tous les possibles
L’histoire comme instrument de veille face aux périls
Les spectres d’un passé qui devient présent
Les rémanences d’une fable complotiste
Chapitre V
La « nécessité » criminelle
L’assassinat du « plus grand capitaine de la Chrestienté »
Dans la démesure violente : la ville et la Cour
Écrire, malgré soi, le tragique sur le vif
L’« aspreté » de Charles IX et le revenir de l’énigme
La « nécessité » face à la « malice du temps »
Un développement historique virtuel
Un « coup d’estat » avant les coups d’État ?
Chapitre VI
Une très grande tuerie par un tout petit nombre ?
Quand la donne de l’écriture historique change
Le paradigme d’un massacre de voisins
Une question d’adéquation à la violence pogromique
En revenir à la violence collective
À la recherche des invariants
Chapitre VII
Morts sans corps, vivants euphoriques
L’eau purificatrice ? Un inconscient de 1572
L’invariant de l’invisibilisation des ennemis de Dieu
Des victimes plus nombreuses qu’il n’est présumé
L’invariant de l’altérisation
Le « peuple » en puissance de tuer
Jours et nuits de fête
Chapitre VIII
La grande « illusion solitariste »
Le salut dans « l’affiliation unique »
Une tuerie prophétique
Ceux et celles qui sont dans les rues et qui regardent
Quand le Sacré s’installe dans Paris
Une hypnose heureuse de l’inhumanité
Chapitre IX
En aval de la « scène originelle »
Août 1572 dans la « distinction mosaïque »
Retrouver Moïse et le peuple de l’Alliance.
Annihiler les nouveaux Cananéens
Massacrer en situation de révélation théophanique
Des désirs de tuer surgis de l’imaginaire
Conclusion. Anachroniser pour comprendre

Sources
Travaux