Alexandre Vialatte écrivait en substance qu’aussitôt que l’industrie humaine invente un objet, il se trouve quelqu’un pour en entreprendre la collection. Dans Un monde à collectionner (éd. L'herbe qui tremble), Jan Baetens s’intéresse précisément à la manière dont des écrivains, des bédéistes, des artistes, des cinéastes, des éditeurs ont fait de la collection un objet de représentation, de mise en ordre et de compréhension du monde : tantôt thème narratif (telle BD de Blutch mettant en scène un collectionneur dépassé par l’ampleur de sa collection), tantôt principe organisateur d’une œuvre, ainsi les "tentatives d’épuisement" d’un lieu de Georges Perec ou Thomas Clerc, les inventaires d’une ville (Saint-Marcellin filmé rue après rue par Gérard Courant), d’un pays tout entier (les États-Unis vus par Michel Butor), les collections de citations hôtelières de Nathalie de Saint Phalle ou encore la prolifération d’exemples qui, chez Maurice Grevisse, finissent par dévorer sa célèbre grammaire Le Bon Usage. Et quand inventorier un fragment du monde ne suffit plus, on peut entreprendre de le dupliquer purement et simplement, à l’instar de Kenneth Goldsmith. En s’interrogeant sur le devenir-collection du monde, cet essai suggère que le plaisir de la collection est celui d’inventer des rapports qui sans elle n’existeraient pas ; et que "le vrai collectionneur est celui qui s’autorise le droit à l’erreur, sans craindre les faux pas. Sans ratés de collectionneur, une collection n’est rien d’autre qu’une forme d’héritage".
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Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne