Véronique Ferrer, Jean-Louis Fournel, Renaissances 1. Construction et circulation d'une catégorie historiographique (XIXe-XXIe siècle)
Relative et mobile, polysémique et malléable, variant selon les siècles, les disciplines et les pays, la catégorie de renaissance n’a cessé de faire débat depuis son invention au XIXe siècle. Sans chercher à ressusciter des querelles dépassées, ni à défendre ou déconstruire la notion, les études pluridisciplinaires ici réunies se proposent de reprendre à neuf le discours de la renaissance, de reconsidérer sa généalogie en insistant sur sa pluralité, en somme de repenser la catégorie à partir d’une approche transnationale et comparatiste qui l’aborde comme un phénomène polycentré, pluriséculaire et plurilingue. Elles forment le premier volume d’une série de quatre consacrés successivement à la construction et à la circulation de la catégorie aux XIXe-XXIe siècles (I), à la préhistoire de la catégorie du XIIe au XVIIIe siècle (II), à ses usages didactiques et ses enjeux disciplinaires depuis le XIXe siècle (III) et à ses réactualisations dans les productions artistiques contemporaines (IV).
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Extrait
"Après avoir été de l'ordre de l'évidence pendant près d'un siècle et demi (du milieu du XIXe siècle aux années 1980), la notion de Renaissance s'est mise à avoir mauvaise presse lorsqu'on lui a reproché, non sans raison, de relever d'une catégorie essentialiste et idéologique, eurocentrée et téléologique, fondée sur une vision progressivement linéaire des savoirs et de leur diffusion, affectée en outre d'un belle-lettrisme invétéré et parfois d'une forme de myopie liés à un tropisme trop national ou trop artistique. L'essai de Jack Goody Le vol de l'histoire. Comment l'Europe a imposé le récit de son passé au monde peut être considéré en 2006 comme une sorte d'acmé de cette critique et montre dans son titre comment l'enjeu est loin d'être strictement académique puisqu'il concerne le récit dominant qui se construit de l'histoire européenne et la relation conflictuelle de ce dernier avec d'autres récits possibles venus d'ailleurs. Mais, quand on détruit ou déconstruit une catégorie didactiquement utile, il est possible de se trouver face à deux réactions mécaniques. D'un côté, on assiste à une réaction de « défense » de l'existant (et c'est ce que développèrent différemment - mais dans une certaine mesure tout aussi polémiquement - Jean-Marie Le Gall ou Bernd Rock, voire Denis Crouzet) au fil de ce qui ressemble beaucoup à un retour à Burckhardt et Michelet. D'un autre côté, on se trouve dans l'obligation de substituer une autre catégorie à celle qui a été déclarée insuffisante et
trompeuse [...].» (p. 13).
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Table des matières
V. FERRER et J.-L. FOURNEL, Avant-propos V. FERRER et J.-L. FOURNEL, "Penser et inventer la nouveauté, une vieille histoire"
PREMIÈRE PARTIE. CONSTRUCTIONS D'UNE CATÉGORIE
D. MAIRA. "Pourquoi Michelet n'a pas inventé la Renaissance" P. PETITIER, "De l'effet d'un vitrail sur un historien" J. VERGER, "Le XIIe siècle de Michelet" M. A. RUEHL, "L'invention de la modernité: la Renaissance de Burckhardt reconsidérée" J. VON MÜLLER, " 'Age of Sail': Renaissance and Modernity in the Work of Aby Warburg" Ch. LUCKEN, "De la Renaissance au Moyen-Âge: appropriations médiévales d'une catégorie historiographique"
DEUXIÈME PARTIE. ITALIANITÉS DE LA RENAISSANCE ?
R. RUBINI, "Sacrifier Pétrarque et Croce: l'Homme de la Renaissance entre De Sanctis et Gramsci" A. SALVO ROSSI, "Une Renaissance néo-gibeline ? Décadence et renouveau de la République dans les écrits d'Atto Vannucci" L. FERRARO, "Cosa resta dell'Europa dopo la trincea ? Umanesimo e Rinascimento nel pensiero di Gisueppe Toffanin" L. BAGGIONI, "Renaissance et politique: la 'redécouverte' de Leonardo Bruni (1910-1928)" A. COTUGNO, "Rinascimento in traduzione della fortuna linguistica di un'idea"
TROISIÈME PARTIE. RENAISSANCES, UNE QUESTION EUROPÉENNE
E. REFINI, " 'Not a period, but a condition': The 'impressionist' Renaissance of Walter Pater and Vernon Lee" B. ROECK, "Jacob Burckhardt and His Heirs: The Construction of the Renaissance in the German-speaking World" G. PEDULLÀ, "La Renaissance de Johan Huizinga: relire Burckhardt soixante ans après" E. DOUDET, "Traduire la Renaissance: le 'problème' de Johan Huizinga" G. LECUPPRE, "L'idée d'une Renaissance du Nord dans l'historiographie belge au XXe siècle" S. GAMBINO LONGO, "La Renaissance du Nord et l'historiographie scandinave à l'épreuve de l'idéal burckhardtien" Ch. MARGUET et Ph. RABATÉ. "Les métamorphoses de la Renaissance en Espagne ou brève histoire d'une catégorie instable" F. ALAZARD, "La Renaissance à l'épreuve de la 'World History' Ch. LUCKEN, "Intermezzo"
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