Le harcèlement scolaire est l’affaire de tous. La littérature de jeunesse, dont le lectorat cible est constitué en premier lieu par les jeunes confrontés à cette violence, s’est emparée de ce thème. Depuis les années 2010, les fictions pour enfants et adolescents traitant le harcèlement scolaire se multiplient, au point de favoriser l’émergence d’un nouveau genre littéraire : les schools bullying stories. Sans jamais renoncer au plaisir de la fiction et de l’imaginaire, ces romans invitent leur lecteur à réfléchir sur le harcèlement scolaire et participent par là même à sa prévention.
Conciliant analyse littéraire et réflexion didactique, ce livre met en exergue les spécificités narratives, littéraires et esthétiques du genre des schools bullying stories tout en proposant aux professeurs des activités clés en main autour des romans. Il offre ainsi aux enseignants et aux professionnels de l’éducation des outils pour développer auprès de leurs élèves des activités de prévention du harcèlement scolaire.
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos de Nathalie Prince
Préface de Claude Bisson-Vaivre
Introduction
CHAPITRE 1 : La question du harcèlement scolaire dans la littérature de jeunesse
1 – La réappropriation littéraire d’une problématique sociétale : enjeux et innovations
Les scenarii de harcèlement scolaire dans la littérature de jeunesse – Une approche darwinienne de la « faune » scolaire – Les « z’héros » : une nouvelle image de l’enfant souffre-douleur loin du héros type de la littérature de jeunesse
2 – Les professeurs de papier et le harcèlement scolaire
Les professeurs complices du harcèlement : préjugés sociétaux et générationnels ou réalité inacceptable ? – Les professeurs engagés : entre maladresse et efficience de l’action professorale – Le rôle formateur des professeurs de papier pour les enseignants en exercice
CHAPITRE 2 : La littérature de jeunesse comme outil pour prévenir le harcèlement scolaire
1 – Dépasser la répartition idéologique des personnages : retrouver l’adolescent derrière la figure du harceleur
Interroger la représentation du harceleur dans le personnel romanesque de la littérature de jeunesse – La lecture à rebours ou la déconstruction du stéréotype du harceleur - La « lecture pseudonymée » ou la mise en exergue de l’illégitimité de toute forme de harcèlement
2 – Définir la posture du harceleur passif
Comprendre le rôle des spectateurs dans la dynamique du harceleur – Clarifier les motivations du harceleur passif – Passer de la posture de harceleur passif à celle de
3 – Le spectateur derrière l’écran : liker, c’est harceler
« Pouce ! » : apprendre à réfléchir avant de liker ou de commenter
CHAPITRE 3 : La littérature de jeunesse comme expérimentation de l’empathie
1 – Le défaut d’empathie et la violence scolaire
La déshumanisation des actants impliqués dans le harcèlement – L’empathie comme outil de prévention du harcèlement scolaire
2 – Exploiter la posture du lisant
Repenser l’approche pédagogique des textes en valorisant la posture du lisant – La littérature de jeunesse, « une pédagogie de l’autre »
3 – Le héros harcelé : l’autre est un « je »
Comprendre l’empathie et apprendre à se reconnaître dans l’autre – Accepter l’empathie de l’autre et libérer la parole
CONCLUSION : Que peut la littérature de jeunesse ?
AVANT-PROPOS DE NATHALIE PRINCE (Auteure de La littérature de jeunesse, A. Colin, 2021)
« Aucun enseignant ne peut affirmer qu’il n’a jamais été confronté à la souffrance et au mal-être d’un élève, qu’il n’a jamais perçu, même de façon confuse, les tensions entre adolescents qui minent le groupe classe. » (Nadège Langbour)
Mais alors que faire ?
Et si, une fois de plus, la littérature de jeunesse, en racontant des histoires, pouvait changer les choses ?
Le titre, programmatique, de l’essai de Nadège Langbour annonce la couleur : La littérature de jeunesse contre le harcèlement scolaire. Développer l’empathie pour prévenir le harcèlement.
C’est un livre qui montre de quoi la littérature de jeunesse est capable et de quel bois elle se chauffe.
C’est un livre qui fait le tour des auteurs et des autrices d’aujourd’hui pour dire ce que peut la littérature maintenant. Un livre qui ne doit pas traîner sur une étagère pendant des siècles.
C’est un livre qui lit, entre autres, les auteurs français, à commencer par Clémentine Beauvais, Hubert Ben Kemoun, Gwladys Constant, Gilles Paris, Claire-Lise Marguier, Franck Andriat, Ahmed Kalouaz, Anthony Horowitz, Yves Grevet, Gaël Aymon, Arthur Ténor, Hélène Vignal, Vincent Mondiot, Muriel Zürcher, Sylvie Allouche, Philippe Barbeau, Vivien Bessières, Marion Brunet, Davide Cali, Marie Colot, Noémya Groham, Julia Jarman, Aymeric Jeanson, Théo Kotenka ou Adèle Tariel. Autant dire de grands écrivains.
C’est un livre qui empoigne à bras-le-corps le harcèlement sous toutes ses formes, tant au collège qu’au lycée.
C’est un livre de guerrière dont les seules armes sont les livres. Une sorte de pHARe dans la nuit. Mais comment avancer à mains nues et à livre ouvert ?
Comment lever une armée de professeurs bienveillants et d’élèves empathiques ?
En ouvrant les portes du « grand théâtre du monde » que la littérature permet d’observer, et en découvrant qu’on peut choisir son rôle sur le vaste plateau de la vie.
Qu’ils soient actifs ou insoucieux, maladroits ou géniaux, affligeants ou humanistes, les « professeurs de papier » que le lecteur rencontre au hasard des pages donnent du grain à moudre au fil de ces tragédies en cinq actes qui doivent choquer, révolter, inquiéter, secouer, toucher.
Qu’ils soient victimes ou bourreaux, mal-à-l’aise-dans-leurs-baskets ou trop-à-l’aise-sur-leurs-réseaux, grandes gueules ou petits « je », les jeunes surgissent sur la scène littéraire avec leurs contradictions, leur jeunesse justement et leur in-finitude (au sens où ils ne sont pas encore finis, encore en train de se faire). Ils se mettent des claques dans le cœur à tout va, pour essayer de sortir du noir. Mais qui n’essaie pas de sortir du noir ? Comment leur faire entendre, du fond de leur minuit, qu’il leur faut un peu de patience ? Qu’il leur faut attendre ? Et que la vie est belle !
En servant les émotions sur un plateau comme Hérodiade la tête de Saint-Jean Baptiste, les livres permettent aux jeunes qui s’en emparent de sortir du silence, de leur bulle, de leur souffrance et, le temps d’une lecture, d’être submergés et de changer de peau. Le « héros-exutoire » permet d’exorciser les peurs liées au harcèlement et invite à un désir d’altérité qui est un désir de s’accepter tel que l’on est. N’est-il pas prouvé scientifiquement que plus les enfants et les adolescents lisent, plus ils sont capables de se projeter dans d’autres vies que les leurs et de se poser des questions ? L’empathie, qu’elle soit cognitive ou émotionnelle, est au cœur du jeu social. Je lis, donc je suis. Ou à tout le moins j’apprends à être.
À partir de treize fiches pédagogiques qui s’appuient sur treize romans pour la jeunesse, Nadège Langbour, après avoir décrit avec justesse les différents visages que peut prendre le harcèlement en classe et toutes les nuances de noir qui l’accompagnent, propose un mode d’emploi nécessaire de la prévention du harcèlement à partir des livres et à partir de la lecture. Parce que lire, c’est agir.