En 1954, en liminaire du texte éponyme, Ponge annonce son propos : « provoquer une modification de l’idée de fleur, en y faisant rentrer bien des choses tenues à l’écart jusqu’ici. » Dans cette perspective, il réunit sous ce titre singulier divers écrits consacrés aux végétaux, ou plutôt au végétal, depuis 1926. L’entreprise poétique de l’auteur du Parti pris des choses se double ici d’une recherche philosophique encore accrue pourrait-on dire, autour du règne végétal. Il s’en explique en évoquant le projet de « faire adopter une idée philosophique de cet objet (ou plutôt de ce moment de tout individu, de tout être) ».
Nous ne sommes plus là en face de ces courts moments d’éblouissement poétique auxquels Francis Ponge nous a accoutumés, mais bien dans la traque méthodique, patiente, exhaustive, organisée d’une essence.
Et si l’on devait se hasarder à résumer une « question des fleurs » chez Ponge, peut-être pourrait-on dire que, plus encore qu’à propos d’aucune des choses qui furent les plus constants objets de son « parti pris », l’interrogation majeure à leur propos aura été : comment approcher la fleur avec des mots sans que ceux-ci viennent la flétrir ?
C’est au moment où les ménagères soigneuses les jettent à la poubelle que les fleurs méritent surtout de nous émouvoir.