Comment se positionner dans l’actuel champ littéraire, se distinguer des autres sous l’influence desquels on se place ? Telle est la question qui s’impose à tout écrivain débutant. Comment encore faire évoluer cette posture au sein d’un champ qui ne cesse de se modifier au fil du temps ? C’est ce que ne manque pas de se demander ultérieurement ce mȇme écrivain.
Tel est le parcours, tout sauf rectiligne, dont nous voudrions redessiner quelques-uns des tours, détours et retours, en disséquant les œuvres, de la première (Lucarne) jusqu’à la plus récente (Tisser), de Jean-Luc Raharimanana – toutes produites au départ d’une aire géographique, particulièrement isolée de la francophonie littéraire : Madagascar, sise dans une zone elle-mȇme longtemps restée marginalisée par rapport aux aires littérairement prédominantes de la francophonie postcoloniale que sont l’Afrique de l’Ouest et l’archipel des Antilles.
Mais alors que l’Afrique lui paraît proche, au point d’y vouloir rattacher son île, Raharimanana ne souffle, sur les Antilles de Glissant, de Chamoiseau, pas un mot ; c’est un silence que cet ouvrage ne manquera pas d’interroger. Il en est d’autres : recouverts sous une épaisse couche d’anciens contes, ses anti-récits n’en continuent pas moins d’être hantés par les beaux restes (Baudelaire, Rimbaud) d’une littérature française qu’ils déconstruisent à bon escient.