Traduit de l’allemand par Michèle Ouerd & Annick Yaiche
C’est un fait que l’on assiste, depuis quelques années, à un "retour" de l’ange, dont les formes sont pour le moins diverses. Certes, l’ange est commode. Patient, messager, virtuel, intemporel ou exterminateur, il est surtout gardien, désormais, d’un homme incapable de se garder lui-même, et semble devoir correspondre à la folie sécuritaire qui s’est emparée de notre monde.
L’ange de Fechner, au contraire, ne garde rien, et n’a qu’une vague relation avec notre espèce. Il est cosmique ou cosmologique, et s’il nous regarde de quelque manière, c’est plutôt comme une sentinelle facétieuse, campée devant ce qui nous est destiné, mais que nous ne pouvons voir, terrassés par la peur de ce qui nous semble de plus en plus inaccessible: notre propre capacité à imaginer le monde. Tel serait alors aussi l’ange de Fechner: témoin de la perte de nos propres ailes.
Paru en 1825, De l’Anatomie comparée des anges avait su attirer l’attention d’auteurs tels que William James, Henri Bergson, Alfred Jarry ou Sigmund Freud, qui n’hésite pas à ranger Fechner au panthéon des philosophes sur lesquels il s’est «appuyé».
Le petit écrit «Sur la danse» (1824), traduit par Claude Rabant, témoigne également de l’humour et de la force imaginative de ce philosophe né et mort à Leipzig (1801 -1887) et qui fut, entre autres, l’inventeur de la psycho-physique.
De Gustav Theodor Fechner (1801-1887), père de la psychophysique, qui étudiait les relations entre les événements physiques et les phénomènes psychiques, L’éclat a également publié : Nanna, ou la vie psychique des plantes et Le petit livre de la vie après la mort, qui constituent avec cette Anatomie comparée des Anges, un triptyque poético-scientifique, dont l’humour métaphysique n’a pas échappé au père du Père Ubu, Alfred Jarry, pas plus qu’au grand savant que fut Henry Corbin.