Matthieu Dupas, La Galanterie comme mode de vie. Amour, civilité et mariage dans Mélite ou Les Fausses lettres de Pierre Corneille
Matthieu Dupas
La Galanterie comme mode de vie. Amour, civilité et mariage dans Mélite ou Les Fausses lettres de Pierre Corneille
Paris, Classiques Garnier, Masculin/féminin dans l’Europe moderne, 2023
Lire Mélite ou Les Fausses lettres (1629) de Pierre Corneille à la lumière de l’histoire et de la théorie du genre et de la sexualité permet de mettre au jour la structure historique et sociopolitique de la galanterie du XVIIe siècle.
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Extrait :
"Sous la Monarchie absolue, les élites sociales se voient confisquer l’initiative politique désormais monopolisée par le Roi. Refoulées de la sphère de l'État, elles ne se replient pas dans la sphère privée de la famille, mais dans cette nouvelle sphère d’activité qu’on appelle alors civilité, et qu’on appellera plus tard société civile. Sous l’égide de l’État absolutiste, ces rites de civilité ordinaires, mondains, littéraires, amoureux, etc. prennent leur essor, donnant ainsi consistance à cette sphère d’activité en train de s’inventer. Parmi eux, le rituel galant se signale par son caractère hétérosocial – il organise les interactions hommes/femmes –, érotique – il s’organise autour de la dynamique de désir entre amant et amante –, et égalitarisant – il atténue la hiérarchie de genre en y substituant cette dynamique érotique entre amants aux dépens de leur statut dans la hiérarchie familiale et féodale.
Fonctionnant comme un rituel amoureux conforme aux schèmes culturels de la civilité, mais aussi comme un rite de civilité mimant le rituel amoureux courtois, la galanterie est l’indice d’une nouvelle effectivité de pouvoir à l'œuvre dans la société française d’Ancien Régime et qui se manifeste d’abord dans ce nouveau mode de régulation des rapports de genre. Son effectivité n’est pas celle d’un pouvoir souverain (du père, du roi, ou de Dieu) castrant le désir de ses sujets mais d’un pouvoir immanent travaillant à intensifier le désir de ces sujets désormais invités à s’autoréguler : un pouvoir disciplinaire."