Édition
Nouvelle parution
Alonso de Contreras, Histoire de ma vie (éd. Jean-Raymond Fanlo)

Alonso de Contreras, Histoire de ma vie (éd. Jean-Raymond Fanlo)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Classiques Garnier)

Alonso de Contreras

Histoire de ma vie

Édition et traduction de Jean-Raymond Fanlo

Paris, Classiques Garnier, Géographies du monde, 2023

Alonso de Contreras part enfant de chez lui, devient marin, soldat, puis chevalier de l’ordre de Malte. Il raconte ses navigations, ses combats, ses déceptions, ses épreuves, ses duels… Un formidable document sur la navigation, la guerre, les rapports avec le monde musulman au début du XVIIe siècle. Sa vie est « le plus beau roman picaresque connu », a dit Braudel.

Table des matières…

Extrait : "Tout le monde n’aimera pas ce livre. Ceux qui exigent des œuvres et auteurs moralement irréprochables ne doivent pas lire Alonso de Contreras. Misogyne, mâle dominant, « féminicide », « islamophobe », tortionnaire, trafiquant d’esclaves, il réunit tous les attendus d’une sentence sans appel. Et lorsqu’il plaide coupable, il aggrave son cas. Avec sa dague, il a balafré les fesses d’une femme. C’est mal, il le sait, il le dit. Seulement il ne peut se retenir de comparer la blessure à l’entame d’un melon. On voit bien qu’il sourit. Il est indéfendable.

Pour le lire, il faut remettre les œuvres dans la perspective de leur temps avec un minimum de sens historique, savoir par exemple qu’au XVIIᵉ siècle le pillage, la torture, la mise à mort, la mutilation, sont ordinaires dans les armées. Que tuer sa femme adultère était une affaire d’honneur. Le père de Madame de Maintenon, fils d’Agrippa d’Aubigné, assassine sa première femme et n’est pas sérieusement inquiété ; pour le même crime, Carlo Gesualdo ne l’est pas plus : il a agi, dit le rapport judiciaire, « mu par une juste cause ». Quant à la course, la navigation corsaire en Méditerranée, les morts, les pillages, le trafic d’esclaves dont elle est indissociable, c’est une « arme économique » et un commerce lucratif qui rapporte des rançons, une main d’œuvre bon marché, et la ressource énergétique qui fait avancer les galères en fournissant les rameurs. Le très chrétien ordre de Saint-Jean de Jérusalem a fixé des tarifs précis pour les hommes, les femmes et les enfants. De l’autre côté de la Méditerranée, à Tripoli, Tunis ou Alger, la religion change, mais le commerce est le même.

Ce monde inacceptable, on peut le condamner en se félicitant qu’il ne soit plus tout à fait le nôtre, et en sachant que beaucoup reste à faire. Mais il fait partie de notre histoire, il concerne notre pauvre humanité : il mérite d’être compris. Alonso de Contreras mérite d’être compris. Sa vie est « le plus beau roman picaresque connu », a dit Braudel."