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Et ce sera Justice ? Modalités, défis, enjeux et portée de l’établissement de la responsabilité pénale des auteurs de crimes de masse (Ottawa)

Et ce sera Justice ? Modalités, défis, enjeux et portée de l’établissement de la responsabilité pénale des auteurs de crimes de masse (Ottawa)

Publié le par Marc Escola (Source : Catalina Sagarra)

Université d'Ottawa : du 20 au 22 mai 2024

Dans le cadre de ce troisième volet de nos travaux portant sur la culpabilité analysée dans le cadre des violences politiques extrêmes de masse, il s’agira, ici, d’appréhender celle-ci sous l’angle du droit et de la justice, à partir d’une approche pluridisciplinaire, qui met en écho le droit, la sociologie, la criminologie, l’anthropologie, l’histoire, la philosophie, la psychanalyse, la linguistique, la littérature, et les arts en général, avec l’objectif d’ouvrir un dialogue entre chercheurs, associations de victimes, collectifs de parties civiles, journalistes, artistes…, dans le but d’analyser la manière dont ces différentes disciplines et acteurs se saisissent de la culpabilité des auteurs de tels crimes. 

Au cœur de la réflexion, trois axes centraux d’analyse :

Le premier axe de réflexion se penchera sur les défis que pose au droit et à la justice l’établissement de la culpabilité des perpétrateurs dans le cadre d’une criminalité de masse : une masse d’auteurs, une masse de victimes. Comment le droit relie-t-il personnellement la responsabilité pénale de milliers d’exécutant-es à leurs victimes, qui se comptent elles-aussi par milliers, centaines de milliers, voire par millions ? Comment les poursuivre sur la base du principe, fondamental en droit criminel, de l’individualité des délits et des peines alors que le crime est par nature collectif et que l’on sait combien le facteur de masse, en diluant psychologiquement les responsabilités, agit comme un redoutable facilitateur du passage à l’acte ? En outre, la poursuite des individus sans la prise en compte de la dimension collective des crimes ne porte-t-elle pas en elle le risque de passer totalement à côté de la compréhension de la réalité de cette criminalité politique de masse en la réduisant à une collection d’actes individuels ? Comment les disciplines autres que le droit appréhendent-elles ce dilemme et jusqu’à quel point les victimes le comprennent-elles et l’acceptent-elles ? De fait, si le principe de la responsabilité collective a été admis par le Tribunal militaire international de Nuremberg, il n’en va plus de même aujourd’hui au regard du droit à un procès équitable. Conviendrait-il alors de remettre en cause cette position et de répondre à cette criminalité de masse par des procès « massifs » ? C’est la « solution » adoptée par le Salvador qui a promulgué au cours de l’été 2023 et en vue de lutter contre les puissants gangs de rue qui font régner la terreur dans le pays, une loi permettant de juger jusqu’à 900 accusés dans le cadre d’un seul et même procès, sachant que ce type de poursuite ne va pas sans se heurter à de sérieux défis et obstacles en termes de justice.  

Le deuxième axe de réflexion s’arrêtera sur les différentes formes et degrés de participation des auteurs dans le cadre d’une criminalité de système, en sachant que si cette criminalité de masse est bien le fruit d’une somme d’actes individuels, elle s’inscrit cependant dans une chaîne de responsabilités/culpabilités complexe où interviennent de nombreux acteurs. La justice se trouve, dès lors, confrontée à un véritable dilemme : jusqu’où peut-on/doit-on étendre/arrêter la chaîne des responsabilités lorsque l’ensemble d’une société et ses différents paliers de gouvernement ont participé directement, indirectement ou par abstention à la perpétration de ces crimes, avec pour conséquence le fractionnement de la culpabilité en autant de personnes qu’il y a de services impliqués dans un partage des « tâches » et un enchevêtrement des responsabilités qui conduisent à leur « neutralisation » ? Dans l’optique de la lutte affirmée du refus de tout impunité, convient-il d’établir ces responsabilités/culpabilités en dehors d’une cour de justice ? Quels sont les acteurs qui ont la capacité, la légitimité, la légalité de s’atteler à cette tâche ? Quel type de justice, autre que celle du prétoire, est à même de répondre à cette criminalité qui ne soit pas vécue comme un déni de justice ?

Peut-on, par ailleurs, étendre la qualification pénale de crimes comme celui de génocide, lorsque celui-ci est le point d’aboutissement d’activités « légales » qui conduisent, en toute connaissance de cause, à l’élimination de populations entières. Nous pensons ici aux activités d’extraction minière conduites en Amazonie, et qui, en entraînant la destruction du territoire par déforestation et pollution, conduisent à la disparition inévitable des communautés autochtones qui y vivent. Les dirigeants de telles entreprises peuvent-ils être accusés et poursuivis pour génocide à partir du moment où ils avaient connaissance des conséquences de leurs activités et qu’ils ont décidé d’en assumer les risques ? En d’autres termes, peut-on penser une culpabilité sans intention lorsque l’on a affaire à des crimes de cette ampleur et de cette gravité ?

Le troisième axe de réflexion se concentrera sur la portée de la reconnaissance juridique de ces crimes. Il s’agira, ici, d’aborder l’impuissance et, dans le même temps, malgré tout, la demande incessante de la part des victimes d’une justice rétributive seule à même, à leurs yeux, de leur rendre effectivement justice ? Devant la récurrence de ces attentes, deux questions se posent : que dit le juge de ces crimes et de la culpabilité de leurs auteurs que ne disent pas l’historien, le sociologue, le philosophe, le politologue, l’homme d’État ou d’Église ? Et que nous disent ces derniers que le droit ne peut affirmer dans les mêmes termes qu’eux ? Quelle est la portée du dire de justice qui donne à son expression une force politique, sociale et symbolique à nulle autre pareille ? Quelle est la portée de la parole du témoin, selon qu’elle est entendue ou non dans le cadre d’une salle d’audience ? Enfin, la reconnaissance judiciaire des faits a-t-elle la même portée lorsqu’elle ne s’accompagne pas du prononcé de sanctions, comme cela a été le cas en Argentine avec l’organisation de « procès pour la vérité » rendu par le Juicio por la Verdad ? Questionnement qui nous amène à nous interroger sur l’importance essentielle de la reconnaissance des crimes en mettant en écho les reconnaissances juridique, morale, historique, politique des culpabilités. La société peut-elle contribuer à cette reconnaissance à travers les arts, comme ont cherché à le faire la dernière production cinématographie Argentina, 1985 (2022) ou le documentaire de cette année, El juicio, qui abordent tous deux le procès de la junte argentine de 1985 contre les chefs de la dictature militaire ?

Modalités de participation

Inscription : 

Les personnes désirant participer à cette troisième rencontre sur la culpabilité face aux crimes de masse, aux génocides, aux crimes contre l’humanité, devront envoyer avant le 31 décembre 2023 le titre et le résumé de leur communication (150 mots maximum) et préciser dans quel axe celle-ci s’inscrit. 

Les propositions pourront être envoyées à l’une ou l’autre des adresses ci-dessous mentionnées en précisant l'objet « Colloque Ottawa ». Le comité organisateur fera connaître sa réponse par voie électronique (e-mail) le 15 janvier 2024 au plus tard. 

La communication orale ne devra pas dépasser 30 minutes et toute communication nécessitant un appui technique (PowerPoint, vidéoprojecteur, etc.) devra être signalée. 

Les communications, après évaluation, feront l’objet d’une mise en ligne dans la e-revue GenObs. 

Les langues du colloque sont le français, l'espagnol et l’anglais.

Les inscriptions sont ouvertes à toute personne intéressée par la problématique du colloque.

Frais d’inscription : 

150 dollars CAD.

Pour les étudiant.e.s et les accompagnant.e.s, le coût de l’inscription est de 100 $ CAD. 

Hébergement : les informations concernant l’hébergement seront transmises ultérieurement après acceptation des propositions. 

Comité organisateur et contacts :

Catalina Sagarra (Trent University, Canada) : catalinasagarr@trentu.ca.

Muriel Paradelle (Université d’Ottawa, Canada) : Murielle.Paradelle@uOttawa.ca.

Vivianne Chatel (Université de Fribourg, Suisse) : viviane.chatel@unifr.ch

Revue GenObs@trentu.ca

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URL DE RÉFÉRENCE : http://ojs.trentu.ca/ojs/index.php/genobs/announcement