À la mort de son père, Juif d’Oran naturalisé français puis israélien, Ariella Azoulay découvre dans un document que sa grand-mère portait le prénom Aïcha. En deux récits mêlant autobiographie et théorie politique, l’autrice serpente entre les catalogues de bijoux, les photos trouvées et les collections d’objets pillés, pour déployer par fragments l’histoire de sa famille et mettre en parallèle les colonialismes français en Algérie et sioniste en Palestine. Entre ces projets impériaux, elle saisit bien des continuités, à commencer par la volonté obstinée de détruire l’enchevêtrement séculaire des mondes juifs, arabes et berbères, un entrelacs qu’elle revendique pour mieux le restaurer.
Lire la correspondance entre Ariella Aïsha Azoulay et Samira Negrouche…
Lire "Désapprendre le patrimoine", un entretien entre Ariella Aïsha Azoulay et Lotte Arndt…
Ariella Aïsha Azoulay est écrivaine, chercheuse, cinéaste expérimentale et commissaire d’archives anticoloniales. Née en 1962 dans la colonie sioniste de Palestine, elle est professeure à l’université Brown où elle enseigne la théorie politique, la résistance aux formations impériales et les imaginaires anticoloniaux réclamant le retour, la restitution et le tikkoun olam, la réparation du monde. Autrice d’une dizaine de livres parus dans de nombreux pays, elle a publié entre autres Potential History: Unlearning Imperialism (Verso, 2019) et From Palestine to Israel: A Photographic Record of Destruction and State Formation (Pluto Press, 2011). Inédit, La Résistance des bijoux est son premier livre traduit en français.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Les langues, comme des bijoux", par Sonia Dayan-Herzbrun (en ligne le 25 octobre 2023).
Dans une lettre ouverte parue en février 2021 dans la Boston Review, Ariella Aïsha Azoulay, s’adressant à Benjamin Stora qui venait de publier son rapport sur « la mémoire de la colonisation et la guerre d’Algérie », se disait consternée par l’absence qu’elle y constatait des crimes coloniaux, parmi lesquels la destruction des cultures juives du Maghreb. Avec le décret Crémieux et l’imposition d’une citoyenneté à l’européenne aux « israélites indigènes », les juifs avaient été séparés des Arabes, des Berbères et des musulmans «au milieu desquels ils vivaient et dont ils partageaient la langue, les cosmologies, les croyances, les traditions, les paysages, l’histoire et la mémoire ». Cette dépossession est celle qu’a subie la famille paternelle d’Ariella Azoulay, et c’est pour renouer ce qui a été défait qu’elle a décidé de prendre le prénom de sa grand-mère, Aïsha.