Jean-François Stévenin, mort l’année dernière, avait tâté de tous les métiers du cinéma. Il est connu pour avoir joué dans plus d’une centaine de films, et réalisé trois films : Passe Montagne, Double Messieurs et Mischka.
En 1970, il avait accompagné le réalisateur allemand Peter Fleischmann sur le tournage de son deuxième film Les Cloches de Silésie, l’un des premiers films de fiction traitant d’ökologie – comme l’écrit Stévenin.
Il tiendra le journal de cette expérience et de cette aventure, qu’il enverra 46 ans plus tard à Yann Dedet, le qualifiant « d’expérience déterminante pour le cinéma ». Chaque nuit, il raconte au magnétophone le travail quotidien tout en développant des solutions pour chaque lendemain aux problèmes qui s’amoncèlent inévitablement au cours d’un tournage, ainsi qu’en développant les réflexions que lui enseigne ce tournage qui s’étale de juillet à décembre 1970. L’année suivante, en 1971, il tapera ces bandes à la machine, en préservant le jeu vocal et littéraire. Déjà acteur et écrivain. Loin d’être seulement le récit picaresque des difficultés quotidiennes de ce tournage, c’est aussi un document exceptionnel témoignant de l’invention progressive que Stévenin fait de son cinéma futur. C’est ainsi que naît en lui l’élaboration, et déjà l’écriture par une méthode découverte sur le terrain d’opérations, de son film Passe Montagne, qu’il parvient à anticiper tout en se défonçant sur le film d’un autre. De l’action naît l’action. Ce récit vocal dit, jour après jour, l’invention spirituelle d’un futur créateur qui, ayant digéré quasiment tous les métiers du cinéma sans quoi il estimait ne pouvoir tenir la place centrale – réunira dans une même énergie toutes ces disciplines pour inventer et produire son premier film, d’une écriture aussi inventive et vibrante que celle de ce journal.
Yann Dedet, dont le premier livre Le Point de vue du lapin (P.O.L, 2017) était le récit en duo du tournage de Passe Montagne, a assuré l’édition de ce livre et rédigé la préface.