Le 26 août 2022, un nouvel arrêté a modifié le cadre légal définissant le doctorat. Cet arrêté modifie en particulier le fonctionnement des comités de suivi de thèse, devenus comités individuels de suivi de thèse (CSI). Nous, directeurs et directrices de thèse, enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, souhaitons protester contre l’énorme surcroît de travail et la complexification induits par cette réforme.
En effet :
11) L’arrêté rend obligatoire la présence du directeur ou de la directrice dans le déroulement du CSI.
Cette obligation multiplie les présences nécessaires des directeurs et directrices dans un processus qui leur demandait globalement un travail déjà accru. En effet, il·elles participent déjà à de multiples comités pour des doctorant·es qu’il·elles ne dirigent pas. Dans une période courte imposée par les écoles doctorales (souvent le seul mois de juin), cela implique une réunion tous les jours ou tous les deux jours.
Cette obligation rend extrêmement complexe l’organisation des réunions, qui doivent croiser l’agenda de trois ou quatre personnes sur une période déjà très occupée par les examens, les corrections de copies, les jurys, les journées d’étude et les colloques.
Enfin, on peut s’interroger sur les conséquences contre-productives de cette mesure sur le but initial des comités de suivi de thèse : comment un comité, déjà bien souvent nommé sur les conseils du directeur ou de la directrice, pourra-t-il signaler des problèmes dans la direction (harcèlement, moral ou sexuel, directions défaillantes, etc.) si le directeur ou la directrice est présent avant et après la réunion ?
22) L’arrêté rend obligatoire la tenue du CSI dès la première année pour une réinscription en deuxième année.
Pour des doctorant·es qui n’en sont généralement qu’aux toutes premières étapes de leur travail, cette obligation se révèle extrêmement stressante et noie un mois qui devrait être consacré à l’avancée de leurs recherches sous des démarches administratives chronophages et des rédactions de notes d’intention tout à fait inutiles un an après la rédaction d’un projet de thèse.
Dans le même ordre d’idées, on constate un stress important des doctorant·es dont la réinscription pour une deuxième année de thèse pourrait être remise en cause alors qu’il·elles n’en sont qu’au début de leur travail.
33) En revanche, l’arrêté ne clarifie pas du tout des points décisifs de la procédure.
Le rôle du CSI reste mal défini. La confusion règne entre un rôle strictement administratif, notamment dévolue aux préventions du harcèlement et de la direction défaillante, et un rôle de conseil scientifique. Ce rôle de conseil, dans bien des cas, s’apparente à une « direction bis ». Il entraîne ainsi le contraire de ce pour quoi il était prévu : dessaisir les directeur·rices de leur responsabilité et de fait encourager les directions défaillantes. Au mieux, il s’apparente à une suite de mini-soutenances de thèse infantilisantes et empêchant le travail en autonomie des doctorant·es.
Par ailleurs, les différences règnent entre les Écoles doctorales, chacune adaptant l’arrêté sous des formes différentes. Le résultat est un chaos des procédures : quelqu’un qui participe à plusieurs CSI doit adopter une attitude nouvelle pour chaque réunion – les formulaires en particulier varient du tout au tout entre des formulaires interrogeant seulement sur les modalités matérielles du travail de thèse et des formulaires proposant une interrogation scientifique poussée. Ce chaos oblige à réapprendre à chaque CSI comment procéder et à s’adapter à chaque contexte local.
Nous demandons donc :
11) Qu’on revienne sur l’obligation de la participation des directeur·rices aux CSI : elle est inutile, chronophage et rend impossible les alertes pour lesquelles ils ont été conçus ;
22) Qu’on revienne sur l’obligation du CSI dès la première année : elle est inutile, chronophage et stressante pour les doctorant·es ;
33) Qu’un cadre national strict et clair soit créé pour les procédures, avec notamment un formulaire unique, les plus succinct possible, et ne posant que des questions liées au bon déroulement de l’encadrement, défini au niveau national.
Premier·ères signataires
Christine Baron, Université de Poitiers
Guillaume Coqui, Université de Bourgogne
Maxime Decout, Sorbonne Université
Elise Domenac, Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière
Vincent Ferré, Université Sorbonne Nouvelle
Pauline Franchini, Université Lyon III
Henri Garric, Université de Bourgogne
Irène Gayaud, Sorbonne Université
Arnaud Houte, Université Panthéon-Sorbonne
Françoise Lavocat, Université Sorbonne Nouvelle
Christine Marcandier, Aix-Marseille Université
Dominique Massonaud, Université de Haute-Alsace
Vanina Mozziconacci, Université Paul Valéry, Montpellier
Estelle Mouton-Rovira, Université Bordeaux-Montaigne
Alexis Nuselovici, Aix-Marseille Université
Annick Peters Custot, Université de Nantes
Anne Régent-Susini, Université Sorbonne Nouvelle