
Des programmes scolaires aux discours politiques, dans les médias et les conversations mondaines, Camus est partout le parangon d’un humanisme abstrait. Camus plaît à droite comme à gauche : cela suffit à le rendre suspect à Olivier Goloag qui publie Oublier Camus aux éditions de La Fabrique, avec une préface de Fredric Jameson. Peu d’ouvrages s'étaient jusqu'ici penchés sur les contradictions du personnage comme le fait ici Olivier Gloag à partir d’une relecture de Camus dans le texte – contradictions qui constituent pourtant la force motrice de l’œuvre camusienne, une clé de son "style", et expliquent sa popularité actuelle. L'essayiste rappelle l’attachement viscéral de Camus au colonialisme et au mode de vie des colons qui traverse ses trois romans majeurs, L’Étranger, La Peste et Le Premier Homme. Il examine ses engagements politiques à la lumière de sa brouille avec Sartre : la tension entre révolte et révolution, son recours à l’absurde comme refus du cours de l’Histoire, son anticommunisme et son déni de la lutte des peuples colonisés. Il se penche enfin sur les récupérations de Camus : l’auteur le plus populaire en France et le Français le plus lu dans le monde est devenu un enjeu politique et idéologique. L’invocation d’un Camus mythifié projette un reflet flatteur mais falsificateur de l’histoire coloniale. C’est ce Camus-là qu’il faut oublier pour reconnaître les déchirements d’un écrivain tout aussi passionnément attaché aux acquis sociaux du Front populaire qu’à la présence française en Algérie. Fabula vous invite à parcourir la Table des matières et à lire un extrait…
Signalons aussi la parution à la veille de l'été, outre la réédition de Meursault contre-enquête de Kamel Daoud (Folio), de l'essai de Christian Phéline, L'Étranger en trois questions restées obscures (éd. Domens), ainsi que le nouveau numéro de Présences d'Albert Camus, la revue de la Société d'Études Camusiennes.