Essai
Nouvelle parution
Milena Fučíková, Patrick Chamoiseau. Le chant d'ombre et de lumière

Milena Fučíková, Patrick Chamoiseau. Le chant d'ombre et de lumière

Publié le par Marc Escola (Source : Milena Fučíková)

Monographie sur les topoï poétiques de Chamoiseau (du bateau négrier et de l’indicible) et sur ses images littéraires (imaginaire de l’esclavage et de la renaissance du vivant)

L’imaginaire de Patrick Chamoiseau (né en 1953 à Fort-de-France) apparaît comme un vaste domaine de thèmes récurrents, comme une variation d’images littéraires sans cesse renouvelée, comme partie intégrante de l’essence poétique de son écriture. Il s’agit de la problématique majeure que l’auteur martiniquais explore au fil de tous ses romans. Dans Un dimanche au cachot (2007), Les Neuf Consciences du Malfini (2009), L’Empreinte à Crusoé (2012), Veilles et merveilles Créoles. Contes du pays Martinique (2013), Patrick Chamoiseau assume, explore et rêve un imaginaire créole original. La notion théorique de l’imaginaire, étudié par l’École de Grenoble et théorisé par Gilbert Durand (2016, Les structures anthropologiques de l’imaginaire) est basée chez Patrick Chamoiseau sur une esthétique originale et sur un langage poétique musical. Depuis Chronique des sept misères (1986) jusqu’à La Matière de l’absence (2016), plusieurs grands thèmes et images fondatrices perdurent tout au long de l’œuvre de Chamoiseau et structurent son imaginaire : tout d’abord, on voit apparaître l’imaginaire des contes créoles ; après l’imaginaire de l’esclavage ; puis l’imaginaire du vivant aux accents écologiques et enfin l’imaginaire littéraire et philosophique.

Dans la première partie, nous montrons l’imaginaire des contes créoles qui mobilise le pouvoir irrationnel de la parole et transfigure le personnage du Conteur créole. Il s’agit ensuite de la métaphore de l’auteur, tour à tour Ethnographe ou Marqueur de paroles, Guerrier de l’imaginaire ou Nocif, Sapiens — une image pérenne au sens multiple.

Dans la seconde partie, nous étudions l’image des esclaves rebelles et le thème de l’infanticide, puis surtout les spécificités du topos de la traversée en bateau, connu des lettres occidentales depuis le Moyen-Âge latin, selon E. R. Curtius (La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, 1957). La notion de l’incertain et de l’indicible structure la pensée de Chamoiseau ainsi que les seuils et les interstices du récit. Dans la troisième partie, l’imaginaire du vivant connecte l’image de l’oiseau, du colibri et du papillon à l’ancien mythe de la liberté individuelle et de la joie de vivre. La réécriture de Robinson Crusoé dans L’Empreinte à Crusoé (2012) propose une version double de l’image du naufragé (négrier/esclave) afin de placer le désir de l’Autre et la rencontre de Soi au cœur des réflexions philosophiques et critiques de notre temps.

Dans la dernière partie, nous présentons l’imaginaire littéraire (Rabelais, Zola, Villon, Césaire, Rimbaud, Perse, Faulkner) et philosophique (Montaigne, Glissant, Héraclite et Parménide) du romancier martiniquais.