Disparu en juillet 2019 à l'âge de soixante-six ans, le poète et philosophe Jean-Louis Chrétien avait laissé une série de textes que Jérôme Laurent a réunis sous le titre Parole et poésie qui paraît ces jours-ci aux éditions de Minuit. Comment la structure d’horizon propre à la phénoménologie de Husserl peut-elle aider notre lecture de la poésie ? Quel est le sens de la présence centrale du cri dans l’œuvre de Bonnefoy ? Pourquoi la parole amoureuse peut-elle autant intégrer l’ensemble du monde pour louer la personne aimée que l’oublier selon le projet d’une fusion où l’érotique est pensée comme expérience de l’absolu ? En quoi la parole impossible dont témoignent les récits des mystiques est-elle une tension vers une parole retrouvée ? Quel peut être le rôle des pronoms « je », « tu », « nous » dans l’écriture des sermons de saint Bernard ? Quelle est la dimension vocale de la parole encore présente dans la solitude de l’acte de lire ? Ces questions où parole et poésie se croisent dans la louange, la prière, la parole érotique ou la célébration de la gloire du monde sont posées en interrogeant notamment les œuvres de Ronsard, Lamartine, Baudelaire, Hugo, Rilke, Valéry, Claudel, Michaux ou encore André du Bouchet, Pierre Reverdy et Luis Mizón.
Rappelons le sommaire que la revue Critique avait consacré au patient questionnement de Jean-Louis Chrétien, désormais accessible en ligne via Cairn. Mais aussi les précédents essais du philosophe, dont Acta fabula a régulièrement rendu compte : Fragilité (2017), lu pour nous par Chloé Vettier ("Pour une généalogie de la fragilité"), Conscience et roman I. La conscience au grand jour (2009), chroniqué à la fois par Didier Philippot ("De la 'cardiognosie' romanesque. Quelques remarques") et Henri Quantin ("Quand le roman explore le 'coeur' humain"), et Conscience et roman, II. La conscience à mi-voix (2012), recensé par Maxime Decout ("Vers une dramaturgie de la conscience").
(Illustr. : Portrait de Jean-Louis Chrétien en 1987, CC BY-SA 4.0)