Mythe et Illustration : Hercule à la croisée des chemins et croisements d'Hercule (Séminaire TIGRE)
Mythe et Illustration : Hercule à la croisée des chemins et croisements d'Hercule (Séminaire TIGRE)
24 mars 2023, ENS, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris, salle Cavaillès, 16h30-19h30
Marie- Pierre Harder, « Hercule au carrefour entre texte et image. Retour sur une recherche comparatiste à la croisée des études littéraires, culturelles et de genre (gender) »
Quels choix peuvent orienter et quels chemins emprunter pour une recherche littéraire comparatiste entre texte et image ? L’une serait-elle le vice quand l’autre serait la vertu ? Qu’y a-t-il à voir lorsque l’on…lit des mythes ? Situés à la croisée de l’image et du texte, les mythes sont des objets culturels complexes, dont une approche comparatiste peut permettre d’explorer l’historicité et les matérialités, aussi bien visuelles que textuelles. Racontant l’hésitation qui saisit le héros Hercule à la sortie de l’adolescence, confronté au choix entre une vie laborieuse, mais glorieuse, au service de la Vertu et une existence vouée aux plaisirs séduisants, mais avilissants, de la Volupté, le mythe, dit d’Hercule à la croisée des chemins (rapporté pour la première fois dans les Mémorables de Xénophon), a connu une riche fortune iconographique sur la longue durée européenne, en traversant cultures et (con)textes. Il constitue ainsi un cas illustre d’allers-retours entre texte(s) et image(s) et a, pour cette raison, fait l’objet d’une étude – à divers égards magistrale – de l’historien de l’art Erwin Panofsky qui, en proposant, en 1930, dans son Herkules am Scheidewege, d’y voir une « allégorie du libre arbitre humain », a fortement marqué l’histoire de ses interprétations.
Cette communication reviendra dès lors sur la façon dont mes recherches doctorales, fondées sur les approches du comparatisme différentiel, des études culturelles et des études de genre (gender), m’ont amenée à bifurquer et à prendre des chemins de traverse par rapport à la thèse centrale, mais aussi aux angles morts, de l’essai de Panofsky. En chaussant non plus seulement les lunettes de l’érudition, mais encore celles du genre, il est notamment devenu possible de rendre visible, et lisible, ce qui, dans les analyses dominantes de ce mythe, restait invisible – à savoir ce « genre » que l’on ne saurait voir. Ainsi a progressivement ré-émergé, sous les traits de l’Hercule « humain, trop humain » des interprétations hégémoniques, un Hercule aux traits singulièrement masculins.
Amandine Royer (Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon) et Théo Millot (Sorbonne Université), Illustration et évocation du mythe d’Héraclès par Jules Chadel et Albert Thibaudet
En 1951 paraît, au Cercle Lyonnais du Livre, Héraclès, un récit mythologique écrit par le critique littéraire Albert Thibaudet (1874-1936). L’ouvrage s’intéresse au héros grec éponyme et bénéficie d’un travail d’illustration réalisé par l’artiste clermontois Jules Chadel (1870-1941). Publié à titre posthume et à 150 exemplaires, l’ouvrage reste relativement méconnu. Thibaudet, déjà auteur d’un mythe dramatique en 1897, reparcourt les douze travaux, oscillant cette fois entre le récit et l’essai. Puisant aux différentes sources antiques, Thibaudet se fraie un chemin d’écriture entre restitution documentée et tentatives d’innovation. Jules Chadel, dessinateur, graveur et artisan du livre d’art dans la première moitié du vingtième siècle, qui a déjà collaboré avec Thibaudet sur le recueil des Quelques Fables de La Fontaine en 1927, n’a cessé de prendre la mythologie grecque pour sujet. Pour l’Héraclès de Thibaudet, Chadel réalise 48 gravures sur bois qui sont autant de jalons iconographiques suivant le héros dans ses pérégrinations laborieuses.
La genèse complexe du projet, des notes prises par Chadel en 1930 à la faveur d’un voyage en Grèce jusqu’à l’impression en couleurs à l’eau par Gabrielle Vouilloux en 1951, mérite d’être évoquée. Nous montrerons ensuite comment le dialogue s’opère entre les estampes de Chadel et le texte de Thibaudet. Nous chercherons enfin à dégager la vision d’Héraclès offerte par ce livre illustré tout en replaçant le texte de Thibaudet et les gravures de Chadel dans le déroulement et la diversité de leurs œuvres respectifs.