La révolution dans la fiction : utopie et désenchantement
Université Bordeaux Montaigne, 16 mars 2023
La révolution tunisienne de 2011 inaugure l’ère de l’intranquillité et de l’étrangeté : elle apparaît comme « une chose grosse d’avenir » (Martin Buber, Communauté, [1901-1945], Éditions de l’éclat, 2018) et provoque, à ce titre, la suspicion hostile des forces dites conservatrices qui s’interrogent sur sa justification, sa finalité, son devenir. Or le nouveau qui jaillit « ne peut rien répondre à cette question », note Buber : « C’est que le pouvoir créateur qui enfante des mondes nouveaux est incapable de comprendre les vieilles finalités et le vieux langage utilitaire, car il porte en lui quelque chose qui veut dépasser toutes les finalités. S’il répond tout de même à cette question, il dira ce que peut dire aussi l’art le plus haut : sa finalité, c’est lui-même et c’est la vie » (Buber, ibid.). Des écrivains tunisiens (comme Habib Selmi, Hassouna Mosbahi, Ouled Ahmed, Moncef Ouhaibi, Azza Filali, Fawzia Zouari, Yamen Manai) figurent l’espace-temps immédiat d’avant ou d’après la révolution quand les certitudes vacillent, quand tout devient à la fois inquiétant et possible. Mais cette journée d’étude ne se limite pas à l’exemple tunisien car il s’agit de s’intéresser à l’écriture (romanesque, poétique, etc.) des révolutions, de « réfléchir aux questions narratives, génériques, ainsi qu’aux problèmes de focalisation et de discours […] ; de mettre au jour les présupposés philosophiques et politiques qui s’expriment au sein des [œuvres] », de faire émerger « les images récurrentes associées à ces représentations révolutionnaires : images fantasmatiques liées à la foule, à la violence, au bouleversement au sens plein du terme, actualisation de figures mythiques ou de mythes comme celui de l’Apocalypse » (Isabelle Durand-Le Guern, Le roman de la Révolution, PUR, 2012). Les révolutions font ainsi émerger des pensées de l’histoire, des potentiels de la littérature et du temps (Aliocha Imhoff, Kantuta Quiros, Camille de Toledo, Les Potentiels du temps. Art & politique, Manuella Éditions, 2016). Raconter, c’est aussi inventer le temps : « Le récit tue le temps, mais pour lui donner naissance. Tout en se mesurant à l’effacement des êtres et des choses, à l’expérience de la mort et de la corruption, à l’antériorité de la vie sur le langage, l’art du récit contribue depuis toujours à l’invention de temps nouveaux, de temps inédits qui bouleversent non seulement le passé et sa mémoire, mais l’avenir » (Jean-François Hamel, Revenances de l’Histoire. Répétition, narrativité, modernité, Paris, Les Éditions de Minuit, 2006).
PROGRAMME
Session 1: 08h30 – 10h30 Salle : H 123
Accueil des participants
Claire Placial : « Jésus révolutionnaire : usages militants de la figure du Christ en littérature »
Chloé Chaudet : « Complot et révolution : articulations de deux motifs transséculaires dans la fiction en langues européennes (xixe-xxie siècles) »
Session 2: 10h30 – 12h30 Salle : H 123
Ziad Majed : « Les Révolutions trahies de 2011 à 2019 »
Faouzia Zouari : Rencontre animée par Mounira Chatti
Session 3: 13h30 – 15h30 Salle : H 123
Taha Balafrej : Rencontre animée par Omar Fertat : Héritages (Connect Isdarat, 2021)
Touriya Fili Tullon, co-autrice avec Elena Chiti et Blandine Valfort (dir.) : Écrire l’inattendu. « Les Printemps arabes » entre fictions et histoire (Academia-L’Harmattan, 2015) : (visioconférence via zoom)
Journée d’étude organisée par Mounira Chatti : mounira.chatti@u-bordeaux-montaigne.fr