Claire Etcherelli nous a quittés le 5 mars dernier. Celle qui avait découvert la réalité du travail à la chaîne à l'usine Citröen avait décidé, à la différence de Robert Linhart, autre "établi", d'en faire plus tard un roman : Élise ou la vraie vie, prix Femina 1967. Comme l'a montré Anne‑Marie David dans le volume Amnésies françaises à l’époque gaullienne (1958‑1981). Littérature, cinéma, presse, politique, dirigé par Nelly Wolf et recensé par Véronique Samson pour Acta, c'est aussi "l'un des rares romans à proposer de façon presque contemporaine aux évènements (en 1967) un contre‑récit de la guerre d’Algérie telle qu’elle a été vécue dans la métropole", sans pour autant recourir aux techniques du Nouveau Roman.
Claude Lanzmann, qui avait adoré le roman, en conseilla la lecture à Beauvoir. "J'ai voulu connaître l'auteur: de beaux cheveux noirs, de beaux yeux verts, une voix, une présence, qui m'ont tout de suite été sympathiques", raconte-t-elle dans Tout compte fait. L'entretien de Claire Etcherelli par Beauvoir, dans Le Nouvel Observateur du 15 novembre 1967, n'est sans doute pas étranger au prix Fémina, qu'elle reçut peu de temps après. Une amitié naquit alors entre les deux femmes ; Claire Etcherelli joua un grand rôle aux Temps Modernes, pendant de longues années, comme secrétaire de rédaction tandis que Beauvoir soutint dans un nouvel article pour Le Nouvel Observateur (14-20 juin 1971) le deuxième roman de Claire Etcherelli, À propos de Clémence, "roman aussi attachant que le précédent", selon Beauvoir, mais quelque peu boudé par la critique.
Celle qui s'est toujours considérée davantage comme une employée de bureau que comme une écrivaine, malgré ses six romans, consacra ses dernières interventions publiques à Simone de Beauvoir, à qui elle rendit hommage dans le Cahier de l'Herne et lors du colloque "Penser Simone de Beauvoir aujourd'hui", qui s'est tenu à Paris Diderot en 2018, et dont les actes ont été publiés dans le numéro 27 des Cahiers Sens public.