Eschyle, Cary Grant, le golem, les huîtres, un vizir des Mille et Une Nuits et Sergueï Eisenstein ont au moins un point commun : le silence. Plus précisément, ce point commun s’appelle Pavel Pletika, né en 1881 dans la Russie d’Alexandre III et mort quatre-vingts ans plus tard dans l’URSS de Nikita Khrouchtchev. Au terme des années vingt, connu pour ses conférences trop bavardes et décousues, il s’isole pour se consacrer à l’écriture d’une vaste Encyclopédie du silence. Il lui faut une trentaine d’années pour en venir à bout, après quoi Pletika prend soin de la dissimuler. Son goût pour l’effacement s’ajoutant à son amour du jeu, il laisse derrière lui une œuvre à décrypter. Pierre Senges a reproduit de larges extraits de cet abécédaire récemment mis au jour. Le lecteur y trouvera de quoi combler les silences de ce destin parsemé d’énigmes.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Un art du détournement", par Pierre Benetti (en ligne le 29 avril 2023).
Reprenant une expression de Giorgio Manganelli, Pierre Senges considère la littérature à son plus haut degré d’incandescence lorsqu’elle s’affirme comme « un joyeux mensonge, un jeu, une partie d’échecs éternelle, fatale et inutile ». Dans Épître aux wisigoths, l’écrivain, à coup sûr l’un des plus inventifs et des plus radicaux du français contemporain, fait une traversée ébouriffante d’œuvres amies, qui proposent par l’écriture une « expérience de pensée », fondée sur « des hypothèses prises au sérieux, des démonstrations par l’absurde, des postulats suivis de leurs corollaires ». Le livre qu’il publie simultanément, Un long silence interrompu par le cri d’un griffon, en est une expérimentation pratique éclatante.