Anne-Marie Stretter fait son entrée officielle dans l’oeuvre de Duras en franchissant le seuil du casino de T. Beach, où se donne le bal : l’heure du Ravissement de Lol V. Stein a sonné. Elle disparaît secrètement, entre les vagues du Gange, à la fin du Vice-consul mais un autre récit, L’Amour, et trois films (La Femme du Gange, India Song, Son nom de Venise dans Calcutta désert) bâtissent sa légende et convoquent ses fantômes.
En réalité l’ombre d’Anne-Marie Stretter se profilait dès les premiers récits de la romancière et on l’aperçoit encore, reconnaissable à sa robe rouge, dans le dernier d’entre eux, L’Amant de la Chine du Nord. En Anne-Marie Stretter, qui forme le chiffre de l’écriture de Duras, se concentre l’enjeu d’une œuvre déterminée par la nécessité de réinventer la littérature « après Auschwitz », en explorant ses confins jusqu’au cinéma, cet art d’appeler les fantômes.