Soixante-quinze ans après sa disparition, des dizaines de poèmes inédits de l’écrivain surréaliste, résistant mort dans le camp de Teresin en 1945, ont été retrouvés par miracle dans quatre cahiers exhumés lors d’une vente de livres anciens. Composés en 1936-1938, ils sont le produit d'une contrainte oulipienne avant la lettre : Desnos s’était fixé pour contrainte d’en écrire un chaque soir vers minuit. Après avoir pratiqué le journalisme, il consacrait alors beaucoup de temps à la radio, media pour lequel il s’était pris de passion (composant des slogans publicitaires pour Radio-Luxembourg et le Poste-Parisien, écrivant une pièce radiophonique avec son comparse Antonin Artaud sur une musique de Kurt Weill…). Mais il s'obligeait, pour rester en contact avec la poésie, à écrire un poème "forcé" tous les soirs. Parfois "le poème s’imposait, il s’était construit de lui-même au cours de la journée. D’autres fois le cerveau vide, c’était un thème inattendu qui guidait la main plutôt que la pensée". Thierry Clermont préface ce recueil inespéré, publié sous le titre Poèmes de minuit. 1936-1940 aux impeccables éditions Seghers.
Rappelons au passage l'essai de Carole Aurouet accueilli en 2018 dans la collection "Les meilleurs films de notre vie" (Gremese) : L’Étoile de mer, poème de Robert Desnos tel que l’a vu Man Ray : film intriguant et unique, qui conte une histoire d’amour "simple et terrible comme l’adieu", projeté pour la première fois en public le 28 septembre 1928, dans la célèbre salle parisienne du Studio des Ursulines que fréquentaient assidûment les surréalistes. À l’écran se dévoile la belle Kiki, "belle, belle comme une fleur en verre", "belle comme une fleur de feu", nous murmurent les cartons du cinéma muet. Et soudain apparaît de manière fantomatique la seule image mouvante que nous ayons de Robert Desnos.
On pourra aussi (re)lire dans un sommaire déjà ancien d'Acta fabula le compte rendu donné sous le titre "Liberté pour Desnos" par Céline Ceccheto du volume supervisé par Marie-Claire Dumas et Carmen Vasquez en 2007 : Robert Desnos, le poète libre. Et dans le sommaire Arts poétiques, arts d'aimer accueilli en 2008 dans les Colloques en ligne de Fabula l'article de Margot Demarbaix : "L’art poétique de Robert Desnos : figures érotiques, figures poétiques".
Illustr. : Robert Desnos par Man Ray, vers 1925. Négatif gélatino-argentique sur support souple.