Traductions nouvelles de l'anglais par Véronique Béghain et Dominique Jean.
Édition publiée sous la direction de Dominique Jean.
Avec la collaboration de Véronique Béghain et Laurent Bury.
Préface de Laurent Bury
L’immense succès de Jane Eyre (1847) fait de Charlotte Brontë une romancière reconnue. L’élaboration de son nouveau roman sera douloureuse : en l’espace de huit mois, Branwell, Emily et Anne disparaissent, faisant d’elle la seule survivante d’une exceptionnelle fratrie d’écrivains. Shirley paraît en 1849. En toile de fond, la lutte des ouvriers du textile contre la mécanisation. Au premier plan, deux héroïnes se disputant l’attention de Robert Moore : une héritière cultivée et fougueuse, et une orpheline douce et timide ; la première est inspirée d’Emily, la seconde d’Anne. L’ouvrage voit resurgir les héros des œuvres de jeunesse (Napoléon, Nelson, Wellington), œuvres dont on ne dira jamais assez l’importance. Il propose de magnifiques portraits de femmes cherchant leur place dans une Angleterre patriarcale.
Pour Villette, qui suit en 1853, Charlotte fait appel aux souvenirs de son séjour à Bruxelles en 1842-1843. Élève puis professeur dans un pensionnat, elle avait été séduite (intellectuellement) par Constantin Heger, qui donnait des cours de rhétorique dans l’établissement tenu par son épouse. Elle transpose cette expérience dans le personnage de Lucy Snowe, qui s’éprend d’un confrère revêche. Certains contemporains ont jugé « pervers » l’humour de la romancière, mais le ton caustique et l’extraordinaire vivacité de la langue font aujourd’hui le charme du livre, où se mêlent réalisme et gothique – un gothique d’artifice, décalé. Aussi important que méconnu, Villette, qui fait la part belle aux non-dits et aux ellipses, et dont le dénouement est laissé à l’interprétation du lecteur, est un grand livre à la modernité troublante.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Charlotte Brontë au-delà de Jane Eyre", par Marc Porée (en ligne le 26 novembre 2022).
Dirigé par Dominique Jean, à qui on devait déjà les deux premiers volumes de la série, paraît (enfin) dans la Pléiade le troisième et dernier volume des Œuvres de la famille Brontë. Dans l’élégante préface du victorianiste Laurent Bury, Shirley et Villette sortent de l’ombre dans laquelle Jane Eyre les a longtemps relégués. En dépit, ou plutôt en raison, de leur allure victorienne, ils le méritent bien, pour l’éclairage mi-figue, mi-raisin qu’ils jettent sur la condition ouvrière, pour le premier, féminine, pour les deux.