On connaît le mépris que le poète Paul Valéry professait pour la poétique romanesque, dont il avait l'arbitraire en horreur, se refusant toujours à écrire "La marquise sortit à cinq heures…" (si l'on en croit du moins André Breton). Il est pourtant un romancier qu'il tenait en haute estime : les éditions Fario ont l'heureuse idée de republier son Essai sur Stendhal (1927), initialement destiné à servir de préface à Lucien Leuwen, dont l'importance n'a jamais échappé aux stendhaliens pas plus qu'aux théoriciens (ce sont souvent les mêmes : en 1954, René Girard avait consacré à ce Stendhal par Valéry un article dans les PMLA). Reste qu'aujourd'hui comme hier, on s'attend toujours aussi peu à voir l’auteur de Monsieur Teste s'avouer désarmé, touché, conquis par un auteur de romans dans lesquels la passion l’emporte sur toute autre considération, ou par le metteur en scène de sa propre vie. Cet essai est le portrait fulgurant d’un égotiste et de son drame : un homme partagé entre le souci d’entrer dans la gloire et l’orgueil suprême d’être unique. "Vivre. Plaire. Être aimé. Aimer. Écrire. N’être pas dupe. Être soi, — et pourtant parvenir. Comment se faire lire ? Et comment vivre, méprisant ou détestant tous les partis." Ce questionnement conduit Valéry a une lumineuse réflexion sur la sincérité et sur la foi. Et il n’est pas trop hardi de présumer que cette admiration pour un insolent est le prétexte d’un examen de conscience de son auteur par lui-même…
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Publié le par Marc Escola