Ce double numéro de la revue Europe met en dialogue l’œuvre du célèbre auteur grec, Georges Séféris (1900-1971) et celle, forte d’une trentaine de livres, de son traducteur, Gilles Ortlieb qui vient de publier Journées 1925-1944, un passage essentiel pour saisir les écrits du diariste, poète, essayiste, romancier, épistolier, exilé, natif de Smyrne.
Le premier dossier dirigé par Myriam Olah, donne un aperçu des nombreuses « voix » de Séféris, à travers des traductions du grec, des études universitaires et des créations littéraires.
En écho, le deuxième cahier récolté par Cécile A. Holdban, suit les pas du poète, prosateur et essayiste Ortlieb, dont l’écriture « emprunte des chemins de traverse, pour mieux s’atteler à son inlassable entreprise de redécouverte ».
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Dans la proximité physique comme dans l’exil, Georges Séféris (1900-1971) partagea toute sa vie les nombreuses épreuves qui, au cours du XXe siècle, furent imposées au peuple grec. Chez ce natif de Smyrne, sur la côte orientale de la mer Égée, la gravité de ton et de registre poétique a été déterminée par l’expérience précoce du déracinement, à l’occasion de la « Grande Catastrophe » des années 20, qui fit des milliers de victimes en Asie Mineure et provoqua l’afflux en Grèce de plus d’un million de réfugiés. Poète, diariste, épistolier, romancier, essayiste, traducteur, Séféris a expérimenté ces différentes possibilités d’écriture qui tendent toutes à conférer à l’homme un temps et un espace habitables. « Maître en art et en droiture de vie », il considéra qu’il était de son devoir de dénoncer les abus du pouvoir et notamment la dictature des colonels. Prix Nobel de littérature en 1963, cet admirable poète apparaît comme le héraut d’un style fragmentaire construit sur l’éphémère, mais qui fascine par les profondeurs sur lesquelles il ouvre.
Son œuvre, enracinée dans le passé et le présent de la Grèce et de l’hellénisme, ne s’en adresse pas moins à tous, portée, comme l’écrivait Gaëtan Picon, par « une langue si simple, proche du langage de tous les jours, de l’oraison du matin et du soir, mais toujours consacrée par la solennité poétique ».
Textes de : Myriam Olah, Georges Séféris, Danièle Leclair, Thanassis Hatzopoulos, Yannis Kiourtsakis, Zissimos Lorentzatos, Yves Leclair, T. S. Eliot,
Guillaume Decourt, Georges Fréris, Lakis Proguidis, Seamus Heaney, Vincent Barras.
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Forte déjà d’une trentaine de livres, l’œuvre de Gilles Ortlieb est celle d’un écrivain tour à tour flâneur, fantôme, voyageur sans bagages, aventurier de la lenteur, archéologue des friches et des jachères, scribe de l’effacement, géographe de l’âme du monde, veilleur et éveilleur, dont le langage, soumis au réel, évolue entre le souci d’harmonie et la réceptivité aux surprises. Voir et nommer, pour Gilles Ortlieb, c’est une manière de sauver ce qui reste de paysages
à l’abandon, d’écrivains et de peintres aux traces effacées par le temps.
Le cahier que nous lui consacrons tente de suivre les variations et la basse continue d’une écriture qui emprunte volontiers des chemins de traverse et se sert des mots « moins pour dévoiler leur sens immédiat que pour les contraindre à livrer ce que cache leur silence ».
Textes de Cécile A. Holdban, Christian Garcin, Jean-Pierre Lemaire, Michael G. Kelly, François Boddaert, Stephen Romer, Thierry Bouchard, Gilles Ortlieb,
Patrick Cloux, Norbert Czarny, Jacques Réda, Thierry Gillybœuf, Yaël Pachet, Jacques Lèbre, Patrick McGuinness, Alexandre Prieux, Étienne Faure, Jérôme Prieur, Luc Autret, Philippe Blanc.
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