Les oublié(e)s & les invisibles dans le contexte franco-allemand aux 19e et 20e siècles. Causes, objectifs & stratégies
Colloque international les 23 et 24 juin 2022 à l’Université catholique de l’Ouest (Angers, France)
Le colloque « Les oublié(e)s et les invisibles dans le contexte franco-allemand aux 19e et 20e siècles. Causes, objectifs et stratégies » s’inscrit dans la continuité d’un premier colloque intitulé « Les oublié(e)s et les invisibles de l’histoire (civilisation, littérature, arts…) » qui s’est tenu en 2021 et donnera lieu à la publication d’un ouvrage collectif en 2022 dans le n°49 du CIRHILLa (Cahiers Interdisciplinaires de la Recherche en Histoire, Lettres, Langues et Arts) de l’Université catholique de l’Ouest, aux éditions L’Harmattan.
Cette deuxième édition est dédiée aux relations franco-allemandes. Lorsque l’on évoque ces dernières ou même le « couple » franco-allemand, on pense souvent spontanément au contrat de l’Elysée conclu entre Konrad Adenauer et Charles de Gaulle en 1963. Cependant, des relations entre la France, les États allemands, puis l’Allemagne, et les autres pays germaniques - plus ou moins tumultueuses selon les différentes époques - ont existé bien avant, non seulement déterminées par des guerres, mais aussi par de multiples transferts culturels dans les deux sens (Espagne/Middell). Si ces relations sont marquées par des personnages célèbres comme Heinrich Heine en France et Germaine de Staël en Allemagne, il existe une multitude de personnes invisibles ou oubliées aujourd’hui qui ont également été des acteurs de leur époque. Notons par exemple qu’en 1866, plus de 200 000 germanophones vivaient en France (Levy) ; par ailleurs un grand nombre de Françaises séjournèrent en Allemagne entre 1940 et 1945 (Fauroux).
Ce colloque a pour objectif de contribuer à (re)mettre en lumière des invisibles et des oublié(e)s de l’histoire franco-allemande des 19e et 20e siècles, en précisant leur rôle social, politique et/ou culturel. Il propose de ne pas s’arrêter à la description des différentes trajectoires des un(e)s et des autres, mais de s’interroger sur les causes, les objectifs et les stratégies de leur oubli et/ou de leur invisibilité. Ces deux concepts peuvent revêtir de multiples formes ; ils touchent des personnages, des événements, des œuvres d’art, ainsi que des faits qui, même marquants, peuvent s’effacer ou être effacés, devenant ainsi des invisibles, voire des oublié(e)s. Tzvetan Todorov souligne que l’oubli s’oppose à la conservation, la mémoire étant une interaction des deux.
Il existe aussi une relation de dépendance et parfois de complémentarité entre le concept de l’oubli et celui de l’invisibilité. En effet, ce dernier peut représenter une étape précédant l’oubli, dans une démarche volontaire ou non, parfois même inconsciente, selon les cas : la censure, la dissimulation, l’effacement, l’érosion ont pour but de faire des invisibles, puis, de ces derniers, des oublié(e)s. L’invisibilité, comme le rappelle Jean-Noël Tardy en citant l’histoire des sens de Lucien Febvre, implique le sens de la vue : quelque chose ou quelqu’un peut être évoqué mais jamais montré, en particulier dans les arts visuels, la peinture, la photographie ou le cinéma. Une ambiguïté en découle fréquemment : que peut-on dire, écrire mais jamais montrer ? Il peut être question de tabous, visuels en particulier. Par ailleurs, il y a aussi des degrés dans l’invisibilité : est-elle totale ou y a-t-il encore des ombres, des réminiscences ? Par exemple, un monument commémoratif peut être (dé)placé dans un lieu obscur, peu fréquenté. La notion d’invisibilité sous-entend aussi une interaction entre un objet et sa perception : cette dernière évolue fortement en fonction des personnes et des groupes sociaux ; il pourrait être question dans ce cas de non-vu autant que d’invisibilité. A l’opposé, le visible, voire le « sur-visible » efface partiellement ou éclipse définitivement des personnages, des pans de l’histoire. Les guerres de mémoires, qui génèrent mémoires fortes et faibles (Traverso), en constituent un exemple typique. Enfin, s’agit-il de concepts forcément négatifs ? Être invisible, oublié peut convenir à l’individu concerné. Des personnes ont travaillé à leur propre invisibilité, voire à leur oubli. Quant au récepteur, est-il toujours condamnable s’il ne veut/ne peut pas voir ou ne pas se souvenir ? Ainsi Aleida Assmann, parmi les sept formes d’oubli qu’elle analyse, retient aussi les oublis « constructif » et « thérapeutique ».
Ce colloque, focalisé sur le contexte franco-allemand des 19e et 20e siècles, souhaite explorer les champs de la littérature, de la philologie, de l’histoire et de l’histoire de l’art, de la civilisation et des sciences politiques. Il a comme ambition de préciser, de nuancer et d’approfondir la question des relations franco-allemandes et, plus largement, celle des relations de la France avec les mondes germaniques.
Les contributions peuvent être proposées en français ou en allemand. Une publication est prévue.
Merci d’envoyer votre proposition (max. 3000 signes) avant le 15 février 2022, accompagnée d’une courte biographie scientifique à bpirastru@uco.fr et andrea.micke-serin@uco.fr.
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Internationale Tagung am 23. und 24. Juni 2022 an der Université catholique de l’Ouest (Angers, Frankreich)
Die Tagung « Die Vergessenen und die Unsichtbaren im deutsch-französischen Kontext des 19. und 20. Jahrhunderts. Hintergründe, Intentionen und Strategien“ schließt an eine 2021 erfolgte Tagung in französischer Sprache an, die den Titel trug „Les Oublié(e)s et les Invisibles de l’Histoire (civilisation, littérature, arts …)“ und 2022 im 49. Heft des CIRHILLa (Cahiers Interdisciplinaires de la recherche en Histoire, Lettres, Langues et Arts) als Publikation der Université catholique de l’Ouest bei L’Harmattan erscheinen wird.
Diese zweite Tagung zu dem Thema fokalisiert auf die deutsch-französischen Beziehungen. Spricht man über diese oder sogar über die deutsch-französischen Freundschaft, so denkt man oft spontan an Charles de Gaulle und Konrad Adenauer, die den Elysée-Vertrag 1963 unterschrieben. Jedoch haben – mehr oder weniger aufreibende – Beziehungen zwischen Frankreich und den deutschen Staaten, später Deutschland, und anderen deutschsprachigen Ländern schon vorher existiert. Diese waren bei weitem nicht nur durch Kriege gekennzeichnet, sondern auch durch zahlreiche Kulturtransfers in beide Richtungen (Espagne/Middell). Stehen berühmte Persönlichkeiten wie Heinrich Heine in Frankreich und Germaine de Staël in Deutschland dabei oft im Vordergrund, so gibt es eine Vielzahl von (heute) Vergessenen oder Unsichtbaren, die ebenfalls ihre Zeit mitprägten. Zu bemerken gilt zum Beispiel, dass 1866 geschätzt über 200 000 Deutschsprachige in Frankreich lebten (Lévy) und in Deutschland zwischen 1940 und 1945 viele Französinnen weilten (Fauroux).
Diese Tagung setzt sich zum Ziel, die Unsichtbaren und Vergessenen der deutsch-französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts sowie deren Rolle im sozialen, politischen oder auch kulturellen Bereich (wieder) zu entdecken. Dabei geht es nicht um eine bloße Darstellung der einzelnen Lebensläufe, sondern um die Hinterfragung von Ursachen, Absichten und Strategien des Vergessens bzw. Vergessen-Werdens und der Unsichtbarkeit bzw. des Unsichtbar-Machens. Diese beiden Konzepte können verschiedene Formen annehmen; sie betreffen sowohl Personen, Ereignisse und Kunstwerke als auch Tatsachen, die - wenn auch zu ihrer Zeit prägend - verblassen oder nicht mehr erwähnt werden und so unsichtbar (gemacht) werden. Das Vergessen steht dabei der Bewahrung gegenüber, wobei die Erinnerung die Interaktion zwischen beiden darstellt (Todorov).
Das Vergessen und die Unsichtbarkeit sind dabei zuweilen abhängig voneinander oder aber ergänzende Konzepte, denn die Unsichtbarkeit kann dem Vergessen vorausgehen, in Form von Zensur, Verdeckung und Nicht-Erwähnung. Die Unsichtbarkeit impliziert nach Jean-Noël Tardy, der sich auf die Geschichte der Sinne von Lucien Febvre bezieht, das Sehen: Etwas oder jemand kann zwar benannt, aber nie gezeigt werden, was besonders für die Malerei, die Fotografie und das Kino zutrifft. Daraus ergibt sich häufig ein Widerspruch: Was kann man sagen und beschreiben, aber nie zeigen? Welche Tabus, auch visueller Art, werden so nicht verletzt? Ebenso gilt es, Nuancen der Unsichtbarkeit zu unterscheiden, denn diese kann vollständig sein oder nur Schattenseiten ausblenden und somit eine spätere Spurensuche ermöglichen. Ein Denkmal kann an einem unbedeutenden und wenig frequentierten Ort aufgestellt oder an einen solchen versetzt werden. Die Unsichtbarkeit impliziert auch eine Interaktion zwischen dem Objekt und dessen Wahrnehmung: Letztere verändert sich je nach Personen und sozialer Zugehörigkeit. Es könnte sich dabei durchaus mehr um das Nicht-Gesehen-Werden als um ein Unsichtbar-Sein handeln. Umgekehrt kann aber die (zu große) Sichtbarkeit ausgewählter Personen oder Elemente der Geschichte dazu führen, dass andere zeitweilig oder dauerhaft ungenannt bleiben. Erinnerungskriege, die eine schwache oder starke Erinnerung generieren (Traverso), liefern dafür ein typisches Beispiel. Aber handelt es sich dabei ausschließlich um ein negatives Konzept? Unsichtbar oder auch vergessen zu sein bzw. zu werden kann den Betroffenen durchaus entgegenkommen, ja auf einer Eigeninitiative beruhen. Machen sich die Betrachtenden immer schuldig, wenn sie nicht sehen oder sich nicht erinnern wollen bzw. können? Aleida Assmann unterscheidet und analysiert sieben Formen des Vergessens, darunter auch das konstruktive und therapeutische Vergessen.
Die Tagung konzentriert sich auf den deutsch-französischen Kontext des 19. und 20. Jahrhunderts und die Bereiche Literatur, Philologie, Geschichte und Kunstgeschichte sowie Landeskunde und Politik. Dabei sollen die « deutsch-französischen Beziehungen » und darüber hinaus die Beziehungen zwischen Frankreich und deutschsprachigen Sphären präzisiert, nuanciert und vertieft werden.
Die Beiträge können auf Deutsch oder Französisch erfolgen. Eine Publikation ist vorgesehen.
Vorschläge (maximal 3000 Zeichen) sollten bis zum 15. Februar 2022 mit einer kurzen wissenschaftlichen Biografie an beide folgende Adressen geschickt werden: bpirastru@uco.fr und andrea.micke-serin@uco.fr.
Comité d’organisation / Organisation :
Dr. Andrea MICKE-SERIN (Université catholique de l’Ouest, Angers)
Dr. Brigitte PIRASTRU (Université catholique de l’Ouest et Université d’Angers)
Comité scientifique / Wissenschaftlicher Beirat:
Dr. Christin HANSEN (Universität Paderborn)
Dr. Andrea MICKE-SERIN (Université catholique de l’Ouest, Angers)
Dr. Brigitte PIRASTRU (Université catholique de l’Ouest et Université d’Angers)
Prof. Dr. Gwénola SEBAUX (Université catholique de l’Ouest, Angers)
Bibliographie
ASSMANN Aleida, Formen des Vergessens, Göttingen : Wallstein, 2016.
DUSSERT Eric, Une forêt cachée. 156 Portraits d’écrivains oubliés, Paris : La Table Ronde, 2013.
ESPAGNE Michel, Frankreichfreunde. Mittler des deutsch-französischen Kulturtransfers (1750 - 1850), Leipzig : Leipziger Universitätsverlag, 1996.
ESPAGNE Michel / MIDDELL, Mathias (Hg): Von der Elbe bis an die Seine. Kulturtransfer zwischen Sachsen und Frankreich im 18. und 19. Jahrhundert, Leipzig : Leipziger Universitätsverlag, 1999 (2. Erweiterte Auflage der Ersterscheinung von 1993 = Band 2 der Deutsch-Französischen Kulturbibliothek).
FAUROUX Camille, Produire la guerre, produire le genre. Des Françaises au travail dans l’Allemagne nationale-socialiste (1940-1945), Paris : Editions de l’EHESS, 2020.
FERRO Marc, Les tabous de l’Histoire, Paris : NiL Editions, 2002.
KÖNIG Mareike (Hg.), Deutsche Handwerker, Arbeiter und Dienstmädchen in Paris. Eine vergessene Migration im 19. Jahrhundert, München : Oldenbourg, 2003 (Pariser Historische Studien, 66).
LE NAOUR Jean-Yves, Les Oubliés de l’Histoire, Paris : Flammarion, 2017.
LEVY Paul, La langue allemande en France. Pénétration et diffusion des origines à nos jours, t2 : De 1830 à nos jours, Lyon : IAC 1952 (Bibliothèque de la Société des Etudes germaniques VIII).
RIEFF David, Eloge de l’oubli. La mémoire collective et ses pièges, Premier Parallèle, 2018.
TARDY Jean-Noël, « Visibilité-invisibilité. Voir, faire voir, dissimuler » in : Hypothèses 2006. Travaux de l'Ecole doctorale d'histoire de l'université Paris 1, Paris : Publication de la Sorbonne, 2007, p. 17-24.
TODOROV, Tzvetan, Les abus de la mémoire (1995), Paris : arléa, 2009.
TRAVERSO, Enzo, Le Passé, Modes d’emploi, Paris : Editions La Fabrique, 2005.
YERUSHALMI Yosef H., LORAUX Nicole, MOMMSEN Hans, MILNER Jean-Claude, VATTIMO Gianni, Usages de l’oubli. Contributions au colloque de Royaumont, Paris : Editions du Seuil, 1988.